C’est entendu, pendant le confinement, il valait mieux résider dans une maison avec jardin que dans un petit appartement au premier étage sur cour au centre d’une grande ville. Beaucoup l’ont bien compris en quittant, lorsqu’ils le pouvaient, les centres des grandes villes. Plus largement, l’expérience du confinement a mis en question la prime payée pour vivre au cœur d’une grande métropole. Pour des étudiants par exemple, la petitesse des logements est compensée par la possibilité de sortir au café pour y rencontrer des amis, d’aller travailler dans une bibliothèque. Tout cela a été impossible pendant le confinement et devrait demeurer compliqué.
Il est difficile aujourd’hui de dire pendant combien de temps. Certains spécialistes, dont l’un des plus écoutés dans le monde est français, affirment qu’il n’y aura pas de deuxième vague. Mais beaucoup sont plus circonspects. Le New York Times a récemment interrogé 511 épidémiologistes sur les échéances à laquelle ils et elles estimaient pouvoir retrouver une activité normale . Plus de la moitié pensent devoir continuer à faire leurs courses en portant un masque pendant au moins un an. Les deux-tiers ne prévoient pas d’assister à un concert ou à un événement sportif dans les douze mois qui viennent.
On peut espérer que ces Cassandre auront tort. Si la COVID-19 n’est plus qu’un mauvais souvenir à l’hiver prochain, il est fort probable que la vie urbaine recommencera comme avant, moyennant quelques changements. Se laver les mains régulièrement, ou mettre un masque quand on est malade, deviendront des habitudes plus répandues et, du coup, nous nous porterons tous mieux, notamment les usagers des transports en commun l’hiver. Sans doute aussi que les personnes qui sont devenues adeptes du vélo le resteront. Peut-être également la cote de la maison individuelle avec jardin va-t-elle remonter. Certains jeunes cadres qui jusqu’ici préféraient s’installer dans un quartier central en gentrification pourraient trouver plus d’attrait à la maison dans une banlieue résidentielle, rejoignant en cela les générations de cadres précédentes. Les contempteurs du rêve pavillonnaire trouveront également moins d’audience, et la dynamique de périurbanisation pourrait être renforcée. On peut aussi penser que les discours de ceux qui portent un retour à la ruralité pour un mode de vie plus frugal et plus autonome vont rencontrer plus d’écho. Les formes actuelles de néo-ruralisation pourraient devenir moins marginales. Mais il n’y aurait pas de bouleversements majeurs à attendre, seulement quelques accélérations ou décélérations dans les tendances actuelles.
Il en ira autrement si la crise s’installe durablement. Les impacts seront particulièrement forts si une vague épidémique importante repart sans vaccin ni aucun traitement efficace pour éviter les cas graves. Dans ce cas en effet, la distanciation physique risque de rester très contraignante. De nouveaux confinements sont même possibles, notamment pour contrôler des foyers. Les dynamiques renforcées ou appuyées par la crise actuelle pourraient alors prendre de l’ampleur. Les transformations seront évidemment progressives et lentes et la géographie urbaine ne sera pas bouleversée du jour au lendemain. A terme cependant, les changements pourraient être significatifs. Décrypter l’avenir est un art délicat, parfois proche de la divination, mais on peut malgré tout tenter d’identifier quelques grands enjeux et les tendances possibles.
La très grande ville en question
Tant qu’elles dureront, les mesures de lutte contre la propagation du virus vont rendre les grandes villes moins attrayantes. Certains insistent avec raison sur la différence entre distanciation sociale et distanciation physique et proposent de privilégier cette seconde expression pour souligner que se mettre physiquement à distance de quelqu’un n’est pas nécessairement incompatible avec la relation sociale. Mais l’interaction n’est pas la même lorsque les personnes sont à quelques dizaines de centimètres les unes des autres que lorsqu’elles sont à un ou deux mètres (Le sujet est connu depuis notamment les travaux sur la proxémie de Edward T. Hall). La conversation devient nettement moins privée, intime. Et si chaque personne doit disposer d’un cercle non occupé d’au moins un mètre de rayon autour d’elle, il va falloir dire adieu aux ambiances bondées qui font le charme des cafés et restaurants des grandes villes et qui, selon un paradoxe bien connu, préservent l’intimité des conversations.
Les grandes villes vont également se heurter durablement à une limite forte : la difficile conciliation entre les règles de distanciation physique et l’usage des transports en commun. La pratique du télétravail, la fermeture des universités et un ensemble d’autres mesures limitant les déplacements permettent pour l’instant de réduire la pression sur les réseaux de transports en commun, mais cette pression reste forte. Or le risque pour la santé semble significatif. Des recherches viendront préciser les choses, mais beaucoup d’éléments indiquent que la surmortalité notable dans les banlieues denses et populaires des grands centres urbains (la Seine-Saint-Denis en particulier) tient en large part à ce qu’il est difficile de s’y déplacer sans utiliser les transports en commun (ici).
Il ne faut certes pas surestimer l’impact de la densité. La Seine-Saint-Denis a aussi été frappée car il s’agit du département le plus pauvre de France métropolitaine. Sa population est en moins bonne santé et donc plus fragile face à la COVID-19. Par ailleurs, les plus modestes ont plus souvent été contraints de continuer à se déplacer pendant le confinement pour se rendre sur leur lieu de travail. A l’inverse, certaines grandes villes ont contenu la maladie. Tokyo est une immense mégalopole où la circulation du virus a à ce jour été relativement maîtrisée. La densité n’a pas par elle-même d’effet totalement déterminant. Son impact dépend d’une multitude d’autres facteurs, dont la capacité à faire intervenir des équipes d’épidémiologistes (25 000 personnes ont ainsi été mobilisées au Japon) pour tracer les contacts des malades et contenir la diffusion du virus (ici). Des travaux de psychologie sociale ont en outre montré que la distance à l’autre considérée comme normale est plus élevée au Japon que dans les pays latins ou aux Etats-Unis . Enfin, le Japon a, pour diverses raisons, acquis une culture du port du masque (ici). Tous ces facteurs ont, semble-t-il, suffit pour maitriser la circulation du virus.
Il y a par ailleurs densité et densité. Dans les pays occidentaux, des villes comme Paris ou New York sont clairement des cas à part, à l’aune des concentrations humaines qu’elles constituent. La comparaison avec Tokyo est édifiante. Les images du métro et des trottoirs bondés valent à Tokyo une réputation de ville extrêmement dense. Mais la densité des 6 wards centraux de Tokyo (soit 109 km²) est de 12 000 habitants par km², alors que la densité de la ville de Paris (soit 105 km²) est de 21 500 habitants par km². Pour la presqu’ile de Manhattan (59 km²), le chiffre monte à plus de 27 000 habitants par km². Et New York, on le sait, a été un épicentre majeur de l’épidémie aux Etats-Unis.
De telles concentrations humaines ont un avantage : la possibilité de faire beaucoup de choses à pied ou en vélo. Ce sont, en période d’épidémie, des alternatives intéressantes aux transports en commun. On peut en outre se réjouir pour l’environnement de ce qu’avec la COVID-19, ces modes gagnent de nouveaux adeptes. Tout le monde ne peut cependant pas aller travailler en vélo, car pédaler nécessite certaines aptitudes ou parce que les distances sont trop importantes. Le problème est là encore particulièrement aigu dans les grandes métropoles. Quand on habite Marne-la-Vallée, à l’Est de Paris, et que l’on travaille à La Défense, difficile de faire le trajet en vélo. Pour beaucoup, il faut se reporter sur la voiture, mais encore faut-il avoir une voiture. Ici, la crise vient démultiplier les effets déjà très forts des inégalités, entre celles et ceux qui pourront se replier sur les modes de déplacements individuels et celles et ceux qui resteront dépendants des transports en commun.
Le développement du vélo peut poser des problèmes de stationnement comme à Breda aux Pays-Bas (cliché : Eric charmes, 2005)
Et utiliser la voiture ne sera pas une panacée. Outre les conséquences environnementales d’une remontée de la part modale de la voiture, dans les grandes agglomérations, cette remontée va vite se trouver limitée par la congestion. La circulation automobile sera d’autant plus difficile que le covoiturage n’est guère compatible avec la distanciation physique. De ce point de vue, encourager le télétravail s’avère utile, non pas seulement pour limiter les contacts sur le lieu de travail, mais aussi pour limiter les déplacements. Pour les transports, le télétravail est une des voies d’adaptation les plus évidentes au moins à bref ou moyen termes (construire des infrastructures prend du temps).
L’avenir est-il au télétravail ?
Mais le télétravail pourrait-il s’imposer ? Là réside un des déterminants clés des changements qui pourraient survenir dans la géographie urbaine. Malgré les discours en sa faveur, l’intérêt pour le télétravail est resté limité, comme en témoigne son développement jusqu’ici modeste. La pratique n’est pas sans inconvénient en effet, pour les salariés comme pour les employeurs. Pour ces derniers, contrôler le temps de travail est plus délicat, ce qui reporte le contrôle sur l’atteinte d’objectifs, forme de contrôle qui n’est pas toujours bien vécue par les salariés. Comment aussi entretenir les liens, comment favoriser l’esprit d’équipe, lorsque les personnels ne se voient plus ? Les réunions en visioconférence permettent certes d’éviter des déplacements longs et coûteux, mais elles sont fatigantes et pas aussi productives que des réunions en présence physique (ici) . La visioconférence empêche également les échanges qui ont habituellement lieu dans les couloirs après une réunion, échanges souvent essentiels. Par ailleurs, échanger des mails prend beaucoup plus de temps que de discuter d’un problème entre deux portes, surtout si ce problème a une dimension humaine importante.
Le télétravail a certes des avantages. Il peut notamment réduire les coûts immobiliers, en limitant le nombre de bureaux nécessaires. En réduisant les temps passés dans les transports, il augmente la disponibilité des personnels et réduit leur stress. Ces avantages n’ont pas compensé jusqu’ici les inconvénients, ou alors seulement pour une pratique limitée du télétravail. Mais la crise actuelle pourrait faire bouger la balance. En effet, la distanciation physique réduit l’intérêt de la présence dans les bureaux. Ainsi, si la pause déjeuner n’est plus un moment convivial où se renforcent les liens au sein des équipes, il devient moins nécessaire que les personnels déjeunent sur place. Peut-être enfin certains employeurs vont-ils être soucieux de limiter les risques juridiques de mise en cause en cas d’infection de leurs salariés sur leur lieu de travail (ici). Sans doute faut-il interpréter ainsi le fait qu’aux Etats-Unis, certaines entreprises ont d’ores et déjà annoncé que le télétravail serait la règle pour toutes les personnes pour lesquelles la chose est possible jusqu’au printemps 2021 (ici).
Quoi qu’il en soit, si le recours au télétravail reste important, quels effets cela pourrait-il avoir ? Le télétravail, redisons-le, n’est pas une possibilité également répartie. Elle concerne avant tout les catégories supérieures. Ces dernières pourraient donc être libérées de deux contraintes spatiales fortes. La première est la proximité de l’emploi qui, pour ces catégories, est largement surreprésenté dans les grandes métropoles. La seconde est la proximité d’un aéroport ou d’une gare. Si les déplacements professionnels restaient limités par les employeurs, l’intérêt de la proximité de tels équipements s’amenuiserait. Le développement du télétravail aurait un autre impact : il augmenterait la demande d’espace domestique. Dans ce cadre, la fameuse balance à la base de toutes les modélisations économiques de la ville, entre distance au lieu d’emploi et surface disponible pour le logement, se rééquilibrerait en faveur de la surface du logement. Le modèle européen, avec sa prime à la centralité, à l’appartement et aux transports en commun, qui s’était imposé jusqu’aux Etats-Unis (ici), risquerait alors de refluer un peu devant le modèle américain, avec sa prime à l’espace, à la maison individuelle et à la voiture (ici).
Un affaiblissement possible de la gentrification
Mais les plus aisés ne choisissent pas les quartiers centraux des grandes villes uniquement pour des raisons professionnelles. Ces catégories privilégient aussi ces localisations parce qu’elles y trouvent un cadre de vie qui leur convient et la possibilité d’y pratiquer les loisirs et de mener la vie sociale qu’elles souhaitent (ici). Elles peuvent rencontrer des amis au restaurant puis aller au cinéma ou au théâtre, aller voir une exposition, découvrir le dernier espace éphémère à la mode, etc. Là encore, le maintien des règles de distanciation sociale va rendre ces atouts de la vie urbaine moins attrayants. La densité va voir ses inconvénients se renforcer. Les parcs et jardins de Paris le montrent bien. Se promener dans une forêt périurbaine est beaucoup moins problématique que dans le parc des Buttes-Chaumont. Lorsque l’autre est un contaminateur potentiel, l’intensité de la fréquentation qui donne aux citadins le plaisir de la foule devient source de stress. Courir à pied est encore plus problématique, car il est difficile de le faire avec un masque et les coureurs répandent leurs postillons éventuellement pathogènes sur des périmètres plus étendus que les piétons. Pendant le confinement, le sujet a suscité de telles crispations que la maire de Paris a dû restreindre les horaires auxquels il était possible de courir dans les rues … (ici)
Pour toutes ces raisons, si la crise devait durer, les localisations centrales pourraient perdre de leur attrait pour les catégories les plus aisées. Dans quelles proportions, il est difficile de le dire, mais une inversion de tendance est possible. La gentrification en particulier, qui concerne d’anciens quartiers populaires souvent particulièrement denses, risque de perdre de la vigueur, plus ou moins temporairement. Cela sera d’autant plus net si l’enseignement à distance s’impose dans le supérieur. Or les universitaires sont d’ores et déjà invités à se préparer à assurer au moins une partie de leurs cours à distance à la rentrée prochaine (ici). Si les étudiants sont moins nombreux à vouloir s’installer près des grands établissements de formation, cela va également réduire la pression immobilière sur les quartiers centraux ou de première couronne des grandes métropoles. On peut s’en réjouir pour les personnes qui sont victimes du renchérissement des prix immobiliers et qui ne trouvent plus à se loger dans les grands centres urbains. A ceci près que ces personnes trouveront de nouvelles opportunités de rester au centre ou d’y revenir au prix d’une dégradation de ce que ces centres ont à offrir.
Si la gentrification perd de sa vigueur et si, plus largement, les ménages les plus aisés montrent moins d’appétence pour les localisations centrales, où iront-ils ? En particulier, iront-ils à la campagne ? La métropolisation, contestée par des voix de plus en plus nombreuses, sera-t-elle mise en cause ? Les villes moyennes, comme certains le disent, ou plutôt l’espèrent (ici), retrouveront-elles le lustre qu’elles ont perdu ? Il est évidemment délicat d’apporter des réponses précises à ces questions. Il est d’autant plus délicat de le faire que les processus en cause sont multi-scalaires et que les dynamiques varient beaucoup d’un endroit à l’autre. Entre une métropole attractive pour les cades comme Lyon et sa voisine Saint-Etienne, dont plusieurs quartiers centraux sont fortement dégradés, les évolutions ne seront pas les mêmes.
Minimiser les contacts, comme en banlieue de New York (cliché : Eric Charmes, 2000)
La métropolisation recomposée
Il faut au moins distinguer deux échelles, celle internationale, à laquelle se joue la métropolisation, et celle interne aux métropoles. A l’échelle internationale, il est possible que la crise contraigne fortement les échanges. Entre des pays d’Asie de l’Est où la circulation du virus est quasiment arrêtée et des pays occidentaux où les gouvernements appellent chacun à apprendre à « vivre avec le virus », les échanges vont rester fortement contraints tant qu’un traitement ou qu’un vaccin n’auront pas été trouvés. La Chine en particulier risque de devoir continuer à imposer une quarantaine à tous les Européens et même à ses nationaux de retour d’Europe. Cela ne bloquera pas nécessairement le commerce, mais cela mettra un frein important à l’intégration mondiale des chaines de production et aux circulations de cadres, techniciens et commerciaux qui sous-tendent cette intégration. De toutes façons, les tensions entre la Chine et les Etats-Unis ont précédé la crise de la COVID et celle-ci ne vient qu’accélérer une forme de démondialisation. On pourrait donc observer une mise en cause des dynamiques qui portent le développement des métropoles les plus globalisées, au premier rang desquelles en France, et même en Europe, Paris. Paris, comme ville-monde et comme lieu de concentration extrême de population, a beaucoup à perdre dans ce qui pourrait survenir. Les menaces sont d’autant plus fortes que l’épidémie apparaît dans un contexte difficile pour Paris et sa région. Sondage après sondage, les habitants de l’Ile-de-France apparaissent toujours plus désireux de quitter une région où le logement est trop coûteux et où les déplacements sont trop longs et inconfortables (ici).
Il est cependant difficile de penser que la métropolisation pourrait être remise en cause. Les dynamiques économiques qui la portent sont extrêmement puissantes et on voit mal les cadres comme les entreprises se ruer vers les villes moyennes ou les campagnes isolées. Un tel bouleversement semble d’autant plus improbable que les pays d’Asie de l’est montrent que la vie est possible avec le virus dans les grandes métropoles. Hors du cas de Paris, les autres grandes métropoles françaises devraient conserver leur population. Les évolutions pourraient surtout concerner les dynamiques de peuplement internes aux métropoles. C’est-à-dire que, si les ménages aisés montrent moins d’appétence pour les localisations centrales (ce qui ne veut pas dire qu’ils les délaisseront), ils pourraient privilégier des banlieues résidentielles ou des villages périurbains. Le principal frein à cet éventuel retournement de tendance se situera du côté des transports. S’installer en périphérie, c’est se soumettre à la dépendance automobile ou devoir prendre les transports en commun. Le vélo pourrait certes se développer un peu : avec le vélo électrique, un relatif éloignement du lieu de travail peut être possible, surtout si des itinéraires cyclables dédiés et agréables sont aménagés (ce qui est d’ores et déjà nécessaire d’ailleurs). Mais le covoiturage, auquel de grands espoirs sont voués pour les territoires peu denses, risque d’avoir du mal à se développer.
Encore une fois, le point nodal sera la durée et l’intensité de la crise, avec ses conséquences sur le télétravail. Si, sur une durée longue, celui-ci continue à être encouragé fortement, et si l’enseignement à distance est imposé, au moins partiellement, les contraintes liées aux transports pourraient être moins prégnantes, surtout si, en parallèle, les entreprises suivent leurs salariés et se relocalisent dans les périphéries des grandes métropoles.
Ainsi les banlieues et les couronnes périurbaines, y compris lointaines, pourraient trouver dans la crise de nouveaux ressorts d’attractivité. Cela rend les réflexions sur l’aménagement de ces territoires encore plus urgentes, d’autant qu’elles sont malheureusement encore largement embryonnaires et par trop marquées par des modèles inadaptés, structurés par l’idéal de la densité. Ces réflexions sont indissociables du problème du gouvernement de ces territoires. Les coopérations intercommunales ont été pensées autour d’un vaisseau amiral, la métropole, négligeant les périphéries, notamment périurbaines et rurales. Epidémie de COVID ou pas, dépasser cette hiérarchisation politique des territoires est crucial pour affronter les inégalités creusées par la métropolisation.
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Mais soulignons pour conclure que ce qui précède est très spéculatif. Que tout dépendra de la trajectoire de l’épidémie, pour laquelle on peut espérer que les plus optimistes auront raison, même si de nombreuses études invitent au pessimisme. Que même si la COVID-19 est une maladie du contact social, et a une dimension géographique forte (ici), la forme des villes n’est que l’un des déterminants de sa propagation. Que si la densité, et plus encore la promiscuité, peuvent favoriser la contagion, d’autres facteurs, comme la capacité de tracer les contacts des malades, peuvent être plus déterminants. Que la maladie peut voir sa diffusion largement entravée par des moyens simples, comme de porter un masque, qui ne mettent pas en cause tous les attraits de la vie urbaine. Et qu’enfin, le principal facteur qui pourrait fortement modifier la géographie des villes et leurs formes, à savoir le télétravail, souffre de nombreux inconvénients et que son développement reste très incertain.
Eric Charmes est Directeur de recherche à l’ENTPE, Laboratoire EVS-RIVES, Université de Lyon. Spécialiste des études urbaines, il travaille notamment sur la territorialisation des modes de vie, la mixité sociale, la périurbanisation, l’étalement urbain ou encore la dimension campagnarde des mondes urbains. Il a publié plusieurs ouvrages, notamment La revanche des villages (Seuil, 2019) ; Quitter Paris ? Les classes moyennes entre périphéries et centres (avec Stéphanie Vermeersch, Lydie Launay et Marie-Hélène Bacqué, Créaphis, 2018) ou encore Mixité sociale et après ? (avec Marie-Hélène Bacqué, PUF, 2016).
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