Lecture : Covid-19 : analyse spatiale de l’influence des facteurs socio-économiques sur la prévalence et les conséquences de l’épidémie dans les départements français

Auteurs: Mounir Amdaoud, Giuseppe Arcuri, Nadine Levratto, EconomiX, CNRS, Université Paris Nanterre Mise en ligne : 18 avril 2020

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Résumé (auteurs).  Cet article s’intéresse aux déterminants socio-économiques des hospitalisations et des taux de décès liés à la Covid-19 entre les semaines 9 et 15 d’une part et à la surmortalité observée cette année par rapport aux précédentes, d’autre part. Il propose une approche territoriale de ces questions grâce au recours à des données calculées au niveau des départements français, publiées par Santé France et l’INSEE. L’analyse spatiale exploratoire réalisée révèle d’abord l’hétérogénéité et l’autocorrélation spatiale de la maladie et de ses conséquences. Le recours à des modèles d’économétrie spatiale permet ensuite de mettre en évidence l’influence de la densité démographique, des inégalités sociales, de la part des ouvriers dans la population active et des services d’urgence sur les phénomènes étudiés. Enfin, nous rendons également compte du rôle des effets de débordements entre départements situés à proximité les uns des autres. Ces derniers interviennent davantage dans la diffusion des cas et décès liés à la Covid-19 que dans la surmortalité.
© AMDAOUD, Giuseppe ARCURI, Nadine LEVRATTO (Avril 2020) (cf. page 10 du working paper)
Commentaires (J.C.). Cette étude est une des premières, avec le caractère exploratoire que cela implique, à analyser la question complexe de certains aspects spatiaux de la crise épidémique, sans se cantonner à des statistiques descriptives ou à une explication monocausale. Elle appelle, certes, des approfondissements sur d’autres aspects spatiaux, comme le gradient urbain-rural, si important pour les questions foncières. Mais elle montre déjà que les taux de décès et de surmortalité en milieu hospitalier augmentent avec la densité départementale de population, ce qui plaide en faveur de départements ruraux peu peuplés, alors que ces taux diminuent avec l’équipement hospitalier, effet favorable aux départements les plus urbanisés. Mais les deux variables sont liées et ont des effets contraires ; dès lors, l’effet spécifique de chacune d’elles est mal estimé par le modèle. La part des ouvriers et les écarts de niveau de vie sont les deux variables qui ont les effets les plus importants sur les décès et la surmortalité. Cela amène les auteurs à développer cette question des inégalités sociales.
En effet, dans leurs conclusions, les auteurs insistent sur les inégalités que montrent leurs résultats économétriques et sur les politiques correctrices que cela appelle : « Les départements les plus denses, les plus inégalitaires ainsi que ceux dans lesquels la part d’ouvriers est la plus élevée se sont en effet révélés les plus vulnérables. Ces caractéristiques soulignent d’abord la complémentarité entre les politiques de santé d’une part et les politiques sociales et de redistribution de l’autre. Le rôle des services d’urgence comme facteur de réduction des manifestations de l’épidémie va dans le même sens. Il montre en effet qu’en présence d’inégalités les services publics, en l’occurrence de santé, permettent de protéger les populations de la maladie et de réduire les décès. Ensuite, en mettant en évidence le rôle de la densité démographique, cet article rappelle que les départements ruraux ou les moins peuplés ne sont pas les plus vulnérables mais que les territoires métropolitains présentent aussi des faiblesses au niveau de la prise en charge des malades qu’il est important de considérer. Enfin, les disparités locales et les effets de débordement que nous avons mis en évidence vont dans le sens d’une régionalisation poussée de la mise en œuvre des politiques de santé. Menées au plus près des territoires, ces dernières peuvent en effet être en mesure de mieux prendre en considération les effets de proximité géographique et socio-économiques qui prévalent au niveau de leur périmètre d’action et, ainsi, être mieux à même d’affecter les ressources humaines et financières ».
Par ici le lien working paper