L’édition 2021 de Insee Référence est consacrée à La France et ses territoires. Soulignons, dans cette note de lecture, que c’est une mine d’information qui exploite des avancées majeures en matière statistique pour brosser des tableaux détaillés qui vont de la démographie à l’environnement, en passant par l’économie des territoires et leur réalité sociologique, en insistant sur les tensions entre économie et écologie, entre croissance et inégalité, entre régions gagnantes et régions perdantes. Quelques aspects concernant le foncier sont soulignés ici.
Foncier, sol et développement durable dans les territoires …
La croissance de la France est tirée par les 14 plus grandes aires d’attraction des villes (AAV ; cf. infra), qui sont celles qui comptent plus de 700 000 habitants (Paris, Lyon, Marseille‑Aix‑en‑Provence, Lille, Toulouse, Bordeaux, Genève‑Annemasse, Nantes, Luxembourg, Strasbourg, Sarrebruck, Montpellier, Rennes et Grenoble), dans lesquelles la population et les emplois continuent de se concentrer, ce qui est source de tensions. Concernant le foncier, ces AAV concentrent des problèmes environnementaux : artificialisation des sols, mais aussi pollution, gestion des déchets, perte de biodiversité.
Avec l’ambition de Zéro artificialisation nette (ZAN), la « désartificialisation » devient une variable importante pour compenser en partie la nouvelle artificialisation. L’Insee cite le chiffre de 5 300 ha désartificialisés entre 2012 et 2018, ordre de grandeur cohérent avec celui de France Stratégie (entre 1800 et 4800 ha/an) et avec des données de la DGFiP exploitées par le CEREMA. Selon l’Insee, une part de cette désartificialisation « provient de surfaces de mines, de décharges ou de chantiers, [dont] 46 % sont devenus agricoles, notamment en Haute‑Vienne (devenus des prairies) et dans le Gers (devenus des terres arables) ; 40 % sont devenus des milieux à végétation arbustive ou herbacées, notamment dans le Gard et les Bouches‑du‑Rhône et 13 % des surfaces en eaux continentales (eaux réparties sur les terres émergées) notamment dans la Marne et l’Yonne ». Il ne s’agit pas toujours, comme le montrent les chiffres précédents, de « renaturation » de terres artificielles, dont le coût est élevé (France Stratégie), conversion étudiée particulièrement par le CEREMA[1]. Les sources statistiques ou les études de cas sur ces formes de compensation sont rares[2], alors qu’il peut s’agir d’une question importante dans l’optique du ZAN.
L’artificialisation des sols n’est pas la seule question abordée dans La France et ses territoires à propos des questions foncières. « Les départements agricoles sont confrontés à la dégradation de la qualité des sols » et à l’eutrophisation des eaux d’origine agricole, surtout dans la moitié Nord du pays, ainsi qu’à l’inégale répartition de l’agriculture biologique, peu présente dans les régions céréalières et de polyculture du nord de la France alors qu’elle est plus répandue en Provence‑Alpes‑Côtes d’Azur, Occitanie et Corse.
… Peuvent-ils être affectés par les impacts territoriaux du covid-19 ?
L’utilisation à des fins statistiques de données privées permet une analyse territoriale fine de l’impact des confinements de 2020 : téléphonie mobile, transactions par carte bancaire en face‑à‑face, déplacements à partir des GPS, données de fédérations professionnelles, consommation d’électricité, transports ferroviaires etc. Certaines de ces sources étaient déjà utilisées par l’Insee, mais elles l’ont été de façon plus systématique et « en temps réel » en 2020, ce qui est une vraie petite révolution statistique.
Sur le plan des résultats, le ralentissement général de l’activité économique et les grands mouvements de population ont été suffisamment présentés pour qu’il ne soit pas nécessaire d’y revenir. L’Insee souligne, en particulier, certains aspects territoriaux comme le ralentissement de l’activité « dans des départements industriels où est implantée la fabrication de matériels de transport comme le Haut‑Rhin ou le Doubs (automobile) et la Haute‑Garonne (aéronautique). À l’inverse, dans les départements plus orientés vers l’agriculture et l’industrie agroalimentaire, la baisse d’activité est moins forte, d’autant que certains d’entre eux bénéficient de la présence de personnes venues s’y installer pour le confinement ».
Zonages : Les aires d’attraction des villes
Cet Insee Références présente les aires d’attraction des villes, AAV, (voir également : Insee Première n° 1827). Elles remplacent le Zonage en aires urbaines (ZAU) par des Aires d’attraction des villes, selon une méthode cohérente avec celle de l’Union européenne, ce qui permet des comparaisons avec d’autres pays de l’UE et, entre autres, d’introduire des AAV transfrontalières. Ce qui s’appelait « Aire urbaine de « Genève – Annemasse (partie française) » dans le ZAU, peu explicite pour un lecteur non averti, devient « Genève – Annemasse » dans le zonage en AAV.
La méthode exploite le carroyage du territoire : la France est découpée en carrés d’un kilomètre de côté (un niveau avec des carrés de 200 mètres de côté existe) à l’intérieur desquels des variables géolocalisées sont ventilées. Une grille communale de densité permet de répartir chaque carré selon sa densité de population et d’agréger des carrés voisins, jusqu’à obtenir la densité d’une commune. C’est principalement à partir de ce critère que sont définis 699 pôles d’attraction de villes. Les communes qui envoient au moins 15 % de leurs actifs travailler dans un pôle constituent la couronne de l’AAV. Dans le ZAU, les « couronnes périurbaines » étaient constituées des communes rurales ou unités urbaines (couronne périurbaine) dont au moins 40% de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci ». Ce mode d’agrégation « par boule de neige » était difficile à expliquer. Le « périurbain » comportait également des « commune multipolarisées », ce qui ne facilitait pas la compréhension. En 2017, 93% de la population vit dans une AAV, dont 40% dans une couronne (que rien n’interdit d’appeler périurbaine) et 53% dans un pôle. Les 7% restant sont en dehors d’une AAV.
L’Insee reste prudent sur les effets territoriaux à venir de la crise sanitaire actuelle, mais il est utile d’avoir un « calage » pré-2020 de La France et ses territoires pour des analyses statistiques à venir.
[1] Cf. https://www.cerema.fr/fr/mots-cles/renaturation-sols.
[2] Cf. https://www.strategie.gouv.fr/publications/objectif-zero-artificialisation-nette-leviers-proteger-sols.