TUE, 12 septembre 2013, T-347/09, Allemagne c. Commission
L’ Allemagne a, durant l’année 2007, cédé à titre gratuit 125 000 hectares de terrains repris dans le patrimoine naturel national à des organisations de protection de l’environnement à charge pour celles-ci contractuellement de supporter les coûts liés au transfert, d’entretenir et de gérer ces espaces et d’assumer les risques liés aux sites contaminés. Si la gestion de ces zones dégage des recettes (baux de chasse et de pêche, vente de bois, tourisme) supérieures aux dépenses, la différence sera versée à l’État ou réinvestie dans la conservation du patrimoine.
Par ailleurs, l’Allemagne a aussi soutenu financièrement de grands projets de protection de l’environnement gérés notamment par lesdites organisations de protection de l’environnement. Ce soutien financier pouvait se monter à 90 % des coûts éligibles. Les bénéfices liés aux recettes générées par la gestion des espaces devront être reversés à l’État fédéral.
Pour la Commission européenne, ces organisations de protection de l’environnement sont des entreprises dès lors que, malgré leur statut de bénévole, elles peuvent exercer des activités économiques. En outre, dit la Commission, cette cession gratuite et les subventions octroyées constituent des aides d’État au sens de l’article 107 du TFUE. Cela étant, après examen, la Commission les a autorisées.
L’ Allemagne, soutenue notamment par la France, contesta devant le Tribunal de l’Union européenne cette qualification d’aide d’État. En premier lieu, l’Allemagne considère que les organisations de protection de l’environnement ne peuvent être qualifiées d’entreprises au sens de l’article 107 du TFUE car leurs activités poursuivent un but d’intérêt général. Pour le Tribunal, il s’agit bien d’entreprises car, à côté des activités spécifiquement de protection de la nature, elles ont des activités secondaires de nature économique (baux de pêche ou de chasse, vente de bois et tourisme). Et même si ces activités ne sont pas exercées dans un but lucratif, elles sont en concurrence avec celles d’opérateurs qui poursuivent un tel but.
Par ailleurs, l’Allemagne estime que les mesures de cession gratuite et de subventions ne constituent pas un avantage au sens de l’article 107 dès lors que ces organisations environnementales ne tirent aucun bénéfice de l’opération compte tenu des conditions auxquelles celles-ci sont assujetties.
Pour le Tribunal, la cession gratuite de terrains en vue d’une exploitation commerciale est une aide d’État puisqu’elle permet aux organisations environnementales, assimilées à des entreprises, d’être favorisées dans leurs activités économiques par rapport à des opérateurs qui devraient investir dans l’achat de terrains pour exercer les mêmes activités économiques. Ce qui est en particulier le cas de la vente de bois qui concerne la commercialisation d’une marchandise susceptible d’être exportée entre États membres. Mais, dit le Tribunal, cela vaut aussi pour le tourisme ou les baux de chasse qui peuvent présenter un intérêt au niveau international.
Le Tribunal devait encore trancher le point de savoir si, comme le soutenait l’Allemagne, l’avantage octroyé ne rentre pas dans les avantages au sens de l’article 107 précité notamment dans la mesure où il constitue une compensation pour des services non économiques d’intérêt général, en l’occurrence la conservation d’habitats naturels. Le Tribunal examine les différents critères de la jurisprudence de la Cour de justice[1] et conclut que, en l’espèce, il s’agit bien d’une aide d’État au sens de l’article 107 du TFUE.
Comme le souligne N.de Sadeleer[2], l’impact de cet arrêt sur la cession de périmètres naturels à des associations de protection de l’environnement est limité dans la mesure où le plus souvent la valeur des sites cédés est relativement faible et qu’à moins de 200000 euros, les cessions ne doivent pas être notifiées à la Commission[3]. En outre, dans la très grande majorité des cas, la cession ne prévoit pas l’exercice, par l’association de protection de l’environnement, de véritables activités économiques complémentaires à la gestion environnementale du site.
[1]L’ Allemagne se référait à la jurisprudence Altmark (CJUE, 24 juillet 2003, C-280/00, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg) et aux critères déterminés par cet arrêt qui permettent de considérer qu’il n’y a pas d’aides d’État.
[2]Amén.-Env., 2014/2 (à paraître).
[3]Règlement (UE) n° 1407/2013 du 18 décembre 2013 relatif à l’application des articles 107 et 108 du TFUE.