Le juste prix de la mise à disposition des informations immobilières

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CJUE 6 octobre 2015, C-71/14, East Sussex County Council

L’Union européenne a concrétisé le droit d’accès à l’information par l’adoption, à la suite de la directive 90/313/CEE du 7 juin 1990, de la directive 2003/4/CE du 28 janvier 2003 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement. L’un des points d’achoppement de la directive concerne le coût de la mise à disposition des informations. À cet égard, la directive distingue deux catégories d’information. Si « l’accès aux registres ou listes publics […] et la consultation sur place des informations demandées sont gratuits » (art. 5, § 1), en revanche, « les autorités publiques peuvent subordonner la mise à disposition des informations environnementales au paiement d’une redevance, pourvu que son montant n’excède pas un montant raisonnable » (art. 5, § 2).

En l’espèce, dans le contexte d’une transaction immobilière, une entreprise anglaise de recherche immobilière (PSG Eastbourne) a introduit une demande auprès de l’East Sussex County Council aux fins d’obtenir des informations environnementales sur un bien. Il n’était pas contesté que ladite entreprise cherchait des informations au profit d’acquéreurs potentiels dans un but lucratif. L’autorité compétente, souvent confrontée à ce type de demande, dites « recherches immobilières », a fourni les réponses qu’elle a facturé en fonction d’un barème horaire de redevances standardisées calculé en considération du temps consacré aux demandes par « l’équipe information » (coûts salariaux et quote-part des frais généraux), soit un montant total 17 livres sterling (GBP) (environ 23 euros), chacune des redevance se situant entre 1 et 4,50 GBP (de 1 à 6 euros). L’entreprise, contestant la licéité du mode de calcul, a introduit un recours devant le First-tier Tribunal[1], qui s’est, à son tour, tourné vers la Cour de justice de l’UE pour connaître son appréciation sur la licéité du mode de calcul.

La Cour va raisonner en se référant à la distinction entre les paragraphes 1 et 2 de l’article 5 de la directive 2003/4. Il n’est pas question de faire payer pour la consultation alors que les autorités peuvent exiger une redevance pour la mise à disposition. Pour les premières , « il découle de l’article 5, § 1, de la directive 2003/4, lu en combinaison avec l’article 3, § 5, sous c), de cette directive[2] , que les États membres sont non seulement obligés d’établir et de tenir à jour des registres et des listes des informations environnementales détenues par les autorités publiques ou par les centres d’information ainsi que des outils pour la consultation de ces informations, mais également de donner accès à ces registres, listes et outils pour consultation de manière gratuite»[3]. Les coûts résultant de l’établissement de ces informations ne sauraient donc être répercutés sur le public. C’est par opposition à ce service gratuit que peut être délimitée la « mise à disposition » d’informations environnementale. Pour la Cour, les «coûts relatifs à la « mise à disposition » d’informations environnementales, qui sont exigibles sur le fondement de l’article 5, § 2, de la directive 2003/4, englobent non seulement les frais postaux et de photocopie, mais également les coûts imputables au temps passé par le personnel de l’autorité publique concernée pour répondre à une demande d’informations individuelle, ce qui comprend, notamment, le temps pour chercher les informations en question et pour les mettre dans le format demandé ». Cette interprétation est corroborée, selon la Cour, par le considérant 18 de la directive 2003/4[4] qui énonce que les redevances ne peuvent excéder les coûts réels. Les frais généraux « correspondant aux principes comptables habituels » ne peuvent être inclus dans la redevance que s’ils sont attribuables à un élément de coût relatif à la mise à disposition d’informations. La jurisprudence antérieure relative à la notion de « coût raisonnable » reste pertinente. Dans un arrêt Commission/Allemagne du 9 septembre 1999, la Cour a eu l’occasion de préciser, s’agissant de l’article 5 de la directive 90/313, que, compte tenu de l’objectif de celle-ci, la redevance ne peut pas être fixée à un niveau qui dissuade les gens de demander accès aux documents ou restreigne leur droit d’accès[5]. Dans cet arrêt, la distinction entre le § 1 et § 2 de l’article 5 n’était pas aussi tranchée. La Cour avait toutefois indiqué que « la notion de « montant raisonnable », au sens de l’article 5 de la directive, doit être comprise en ce sens qu’elle n’autorise pas un État membre à répercuter sur la personne ayant présenté une demande d’information l’ensemble des frais, notamment indirects, effectivement occasionnés pour les finances publiques par une recherche d’informations ». Cela ne veut pas dire qu’il n’est pas possible d’en répercuter aujourd’hui une partie, pour la mise à disposition des informations qui relèvent de l’article 5, § 2 de la directive.

[1] Tribunal de première instance (division de la réglementation générale, droits d’information) [First-tier Tribunal (General Regulatory Chamber, Information Rights) (Royaume-Uni)].

[2] Conformément à cet article 3, paragraphe 5, sous c), les États membres veillent à ce que les modalités pratiques soient définies pour garantir que le droit d’accès aux informations prévu audit article peut être effectivement exercé. À cette fin, sont mentionnés notamment « l’établissement et la tenue à jour d’outils pour la consultation des informations demandées » ainsi que « des registres ou des listes des informations environnementales détenues par les autorités publiques ou par les centres d’information, avec des indications claires où ces informations sont mises à disposition ».

[3] Point 34.

[4] Les autorités publiques devraient pouvoir subordonner la communication d’informations environnementales au paiement d’une redevance, mais cette redevance devrait être raisonnable. Cela implique que, en principe, les redevances ne peuvent excéder les coûts réels de production du matériel en question. Les cas nécessitant un paiement préalable devraient être limités. Dans des circonstances particulières, lorsque les autorités publiques mettent à disposition des informations environnementales à titre commercial et que la nécessité de garantir la continuation de la collecte et de la publication de ces informations l’exige, une redevance calculée selon les lois du marché est considérée comme raisonnable; un paiement préalable peut être exigé. Il convient de publier un barème des redevances et de le mettre à la disposition des demandeurs, avec des informations relatives aux cas dans lesquels le paiement est obligatoire et aux cas dans lesquels il y a exemption.

[5] Commission c. Allemagne, C217/97, point 47.