Les erreurs du registre foncier indemnisables à la valeur des m² perdus

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CEDU, 7 juillet 2015, Gürtas Yapi Ticaret Ve Pazarlama A.S. c. Turquie

La requérante est une société immobilière qui fit l’acquisition auprès de particuliers des différentes parts d’un terrain indivis (parcelle 836) d’une superficie de 485 200 m² selon le grand livre du registre foncier. Une rectification suite à une expropriation de 49 m² porta dans le grand livre du registre foncier la superficie de la parcelle à 485 151 m². La direction locale du cadastre informa la requérante, postérieurement à l’acquisition, qu’une rectification avait été apportée au registre : la parcelle 836 ayant une superficie de 202 000 m² alors que c’est la parcelle 860 qui avait une superficie de 485 200 m². Ce qu’une vérification et un arpentage ultérieurs réalisés par la requérante confirmèrent. Il s’avère que, juridiquement, la requérante ne pouvait, en l’espèce, poursuivre le vendeur en garantie. Elle s’est donc retournée contre l’État, responsable de la tenue du registre foncier. Les juridictions turques l’ont déboutée au motif qu’il lui appartenait de vérifier les pièces du registre foncier et en particulier le plan qui, lui, n’était pas erroné et aurait permis à la requérante de savoir que le terrain acquis n’avait pas une superficie de 485 200 m² mais de 202 000 m².

La Cour accepte qu’une certaine diligence puisse être attendue d’un acheteur, surtout s’il s’agit d’une société immobilière pour laquelle des transactions immobilières font partie de ses activités professionnelles. Néanmoins, elle relève qu’en l’espèce, le terrain en question faisait partie d’un ensemble plus large, avec lequel il se situait en continuité naturelle et il n’existait aucune démarcation physique permettant de distinguer la parcelle litigieuse des parcelles voisines. Dans ces circonstances, la Cour est d’avis que l’approche des juridictions internes consistant à imposer à l’acheteur de ne pas se fier entièrement aux indications du grand livre et de consulter le plan afin de déceler d’éventuelles contradictions, a fait porter une charge excessive à la requérante en lui faisant supporter les conséquences d’une erreur commise par l’administration. La Cour alloue donc une indemnité de 60 700 euros correspondant à la valeur des 283 200 m² manquants.