Commission européenne, décision (UE) 2015/456, 5 septembre 2014 (JOUE 25 mars 2015)
La Commission européenne a publié récemment sa décision prise sur une pratique dénoncée par des plaignants, pratique liée aux échanges de terres forestières autorisés en Bulgarie entre 2002 et 2009. Sur la base d’un amendement à la loi sur les forêts, en vigueur de 2002 à 2009, les échanges des terres forestières récemment privatisées contre des terres forestières domaniales du fonds des forêts de l’État sont devenus possibles aux conditions fixées. Aux fins des échanges, les prix des terres forestières privées et des terres forestières domaniales étaient déterminés sur la base d’un règlement spécifique. La législation bulgare ne permettait pas aux experts évaluateurs de s’écarter des prix déterminés pour les terres forestières en application des prescriptions du règlement sur les prix de base.
Le prix de base d’une parcelle forestière donnée est défini comme la somme du prix de base de ce terrain et de la valeur du peuplement (les espèces végétales sur ce terrain). Cette valeur est alors ajustée par l’application d’un coefficient de correction qui tient compte de l’emplacement du terrain par rapport à l’infrastructure locale et nationale mais aussi de la protection des fonctions écologiques et récréatives des terres forestières situées dans les zones dites de « protection particulière contre l’urbanisation ». Enfin, un « coefficient de régulateur du marché » est appliqué au prix de base des terres. Ce coefficient varie de 10 pour des terres à proximité de la mer, de grandes stations de montagne et Sofia, à 1 pour les terres les moins attrayantes. Si l’échange portait sur des biens de valeurs inégales, une soulte était due par la partie concernée. Une interdiction des échanges de terres forestières est entrée en vigueur le 27 janvier 2009.
La décision de la Commission d’ouverture de la procédure à l’égard de la Bulgarie est liée au fait que, dans plusieurs cas (11,4 %), les échanges de terres forestières étaient suivis d’un changement de l’affectation des terres échangées qui devenaient des terrains constructibles. Si le changement d’affectation intervenait ultérieurement, il apparaît que dans certaines opérations, les personnes concernées aient tenté d’unir les deux étapes en une seule opération. Dès lors, la question se posait de savoir si le changement d’affectation des terres échangées est ou non une aide d’État, dans la mesure où ce changement a augmenté la valeur des terres échangées. Cela ne concerne évidemment que les « entreprises » bénéficiaires de ces échanges. Pour la Commission, le changement d’affectation des terres est une fonction réglementaire qui, bien que pouvant conduire à l’augmentation de la valeur des biens concernés, n’entraîne pas de transfert de ressources d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE. Ce changement n’est donc pas une aide d’État.
En revanche, la vente par les autorités publiques d’un terrain ou d’un bâtiment à une entreprise ou à un particulier exerçant une activité économique peut conduire à un avantage économique constituant une aide d’État[1]. C’est ainsi qu’un échange qui aboutit à ce qu’une entreprise bénéficie d’un terrain reçu en échange dont la valeur est supérieure au bien qu’elle a cédé reçoit un avantage et l’État renonce ainsi à des recettes supérieures si l’échange avait tenu compte de la plus-value apportée par le changement d’affectation. Ceci fausse la concurrence dès l’instant où les bénéficiaires des échanges sont des entreprises actives dans l’immobilier, le tourisme, la restauration et le reboisement. Il s’agissait pour la Commission, avec l’aide de la Bulgarie, de chiffrer l’avantage perçu au cas par cas. Il est apparu que dans près de 80 % des échanges, il y avait eu un avantage conféré à une personne privée. Toutefois, compte tenu de ce que les aides inférieures au plafond de minimis de 200 000 euros sont réputées ne pas constituer des aides d’État au sens de l’article 107 du TFUE, seule une série d’échanges est sanctionnée par la Commission européenne. La Bulgarie est donc tenue de lister les échanges considérés comme une aide d’État incompatible et de récupérer les valeurs perçues indûment. Longue et technique (32 p.), la décision de la Commission illustre parfaitement la communication de la Commission concernant les éléments d’aide d’État contenus dans des ventes de terrains et de bâtiments par les pouvoirs publics[2].
[1] Voyez not. CJUE, 2 septembre 2010, C-290/07, Commission c. Scott, à propos de la vente de terrain à Orléans par la société d’économie mixte pour l’équipement du Loiret, E.F., n° 148, pp. 50 et 51.
[2]JOUE, C 209, 10/07/1997.