Repenser l’urbanisme [Thierry Paquot]

Infolio, collection « Archigraphy Poche », 2017, 163 p.

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Un petit format et six petits chapitres, pour une grande question : « repenser l’urbanisme », telle est l’ambition de cet ouvrage. T. Paquot qui dirige l’ensemble en précise les contours : inciter à repenser l’urbanisme voire à l’abandonner, parce qu’il a été pensé pour et dans une idéologie « productiviste ». L’horizon souhaitable serait un urbanisme plus durable, un « éco-urbanisme » nourri d’un alterurbanisme teinté de décroissance. Pour penser autrement, il a réuni autour de lui quelques contributeurs donnant un éclairage nouveau à la question à partir de leur domaine d’expertise, à savoir la propriété foncière pour V. Renard, les mobilités pour J.-M. Offner, la sécurité pour S. Body-Gendrot et l’écologie pour F. Bonnet. Enfin, le lecteur retrouvera à la fin de l’ouvrage l’attelage intellectuel que forment C. Younes et T. Pacquot. Ils mobilisent le milieu et les territorialités pour mieux mettre en avant le lien entre le niveau local et le global, en appelant à une « révolution urbaine » et imaginant des UTU (unité territoriale urbaine) au sein desquelles les décisions seraient prises dans un système démocratique large puisqu’il serait possible aux habitants de plus de 12 ans d’être éligibles et électeurs dans les instances décisionnelles. Le tirage au sort pourrait en être la modalité de désignation. L’initiative cultiverait « le sentiment d ’appartenance pour une démocratie écologique dotée d ’une éthique de l’environnement urbain ». Plus avant, V. Renard rappelle combien la France est attachée, à tort, à la propriété privée, alors que ses voisins font mieux en matière de captation de la rente foncière, pour conclure que ce qui est appelé pompeusement « marché foncier » est davantage soumis aux « aléas familiaux » (divorce, décès), qui dictent le parcellaire, qu’à un « bon aménagement ». J.-M. Offner contribue à la réflexion en montrant l’évolution du lien entre urbanisme et mobilité à travers ce qu’il nomme les quatre âges de la mobilité (offre de transport/déplacement/ vies mobiles/mobilité fluide et raisonnée). Il souligne l’ampleur du défi auquel nos sociétés se trouvent confrontées : réduire l’empreinte écologique de la mobilité sans nier son « caractère progressiste ». Le chapitre sur la sécurité revisite la sociologie urbaine à travers l’apport des différentes écoles nord-américaines (Chicago, L. A., New York). S. Body-Gendrot met ainsi en perspective les apports conceptuels des chercheurs européens en questionnant le sens des « mots »: sentiment d’insécurité, quartiers à risques, Community, etc. La réponse à la question empoisonnée de savoir « si la criminalité et la vulnérabilité sont ou non favorisées par la densité ou l’étalement urbain », est difficile puisqu’elle relève d’une autre dimension, celle du « désordre comme signe de vitalité » : tous les« habitants ne se rallient pas aux dis-positifs sécuritaires » (vidéos de surveillance, résidences fermées etc.) préférant le désordre associé à la liberté. C’est un véritable plaidoyer pour le nécessaire besoin d’anarchie, d’imprévisibilité et paradoxalement de conflits qui stimulent l’implication des individus. Pour F. Bonnet, il est impératif de penser l’urbain avec l’écologie. L’auteur est un professionnel intervenant auprès des collectivités. Il revendique ce qu’il appelle une approche écologique ouverte c’est-à-dire qui intègre l’économie, les enjeux fonciers et sociaux où chaque territoire a sa particularité. À partir d’interventions menées en France (Anglet/ Saint-Étienne/ Toulouse), il soutient la nécessité d’une approche transversale de l’écologie au service du projet urbain. Le format réduit explique une certaine difficulté que rencontre le lecteur à faire le lien et à comprendre les choix des thèmes mobilisés pour produire de l’urbain autrement, même s’ils sont particulièrement adaptés au renouveau de la pensée urbaine. Pour autant, derrière le manque de logique apparent et de cohérence de l’ensemble, il est donné au lecteur l’opportunité de piocher des idées, d’alimenter ses réflexions au gré de ses centres d’intérêts.