Un littoral sans nature ? L’avenir de la Méditerranée face à l’urbanisation [Coline Perrin]

éd. École française de Rome, 349 p, décembre 2013.

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Le travail de Coline Perin Un littoral sans nature ? L’avenir de la Méditerranée face à l’urbanisation rassemble un large ensemble de contributions, d’une grande ambition, par les disciplines, le champ géographique les thèmes abordés, la méthode suivie. L’ambition centrale : penser le littoral, au-delà des zones en extension et des implantations touristiques, porter l’attention en même temps sur les espaces agricoles et naturels, sur l’arrière-pays dans son ensemble ainsi que sur les espaces maritimes.

Le champ géographique peut donner le vertige, tant sont divers sur tous les plans les pays qui bordent la Méditerranée. Un rapide parcours peut rassurer, France, Italie, Espagne et Grèce en constituent l’essentiel, avec des incursions en Albanie et en Tuni- sie.
D’abord se pose un problème de dé nition, on ne sait pas bien ce qu’est le littoral, tant dans sa subs- tance que dans sa délimitation. Le « trait de côte » peut mener à de fausses pistes par sa trompeuse et illusoire simplicité. Mais en n il y a là une réalité incontournable, et le parcours de l’ouvrage fait clairement apparaitre, à travers les pays étudiés, quelques caractères évidents, des enjeux considérables traduits par des conflits entre les différents usages possibles, en particulier les conflits majeurs entre l’agriculture et les activités traditionnelles d’une part, le tourisme et l’urbanisation d’autre part, en particulier dans sa version touristique, résidences secondaires et hôtellerie. Il y a là une réalité massive et incontournable, face à laquelle l’action des pouvoirs publics se révèle globalement d’une grande faiblesse, malgré l’émergence des raisonnements, des prises de conscience – et par- fois des comportements–environnementalistes. La troisième partie – « Conflits sur le littoral » – est éclairante sur ce point.

On y observe d’emblée que la question foncière est en enjeu cru- cial, avec le changement d’usage et le morcellement qui peut y être lié. En cette matière, la France fait clairement amende honorable, en dépit des critiques récurrentes sur la loi littoral, comme le montre bien le chapitre comparatif sur « la régulation publique de l’ur- banisation ». L’observation des politiques publiques en Grèce sur le sujet peut laisser davantage d’interrogations, de même que l’Espagne pour la période récente. On trouvera en particulier deux chapitres fort intéressants sur la politique de l’espace littoral en France, avec en particulier un développement sur l’action du Conservatoire du littoral.

On voit aussi de façon claire le rôle clé du statut de la propriété, et de la difficulté de modifier les conditions de son usage. Le livre est très riche en observations de terrain, mais il livre une analyse qui n’est pas totalement rassurante sur les espaces agricoles et naturels du littoral méditerranéen face aux enjeux du développement industriel, portuaire et surtout touristique, dans un contexte de forte pression démographique. On attachera donc une importance particulière au commentaire de l’auteur principal qui suggère de « lever les yeux du rivage, regarder vers la mer, mais aussi vers la terre car une plus grande Méditerranée… lui sert de caisse de résonance.