L’Homme inutile, du bon usage de l’économie [Pierre-Noël Giraud]

éd. Odile Jacob, 2015, 401 p.

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L’auteur c’est fait connaître il y a vingt ans par L’Inégalité du monde. Il montrait alors que les tendances lourdes de l’économie mondiale allaient dans le sens d’une réduction croissante des inégalités entre les pays et, en même temps, à l’inverse, d’un développement des inégalités entre les habitants d’un même pays. Cette analyse s’est largement vérifiée depuis et on la trouve déclinée aujourd’hui dans de nombreux travaux appuyés sur de multiples données statistiques.

Poursuivant dans la même direction, L’Homme inutile va plus loin : avec le développement formidable des ressources de la connaissance et des techniques, les entreprises n’ont plus besoin d’une grande partie de la main d’œuvre dont la valeur ne peut donc que décroître durablement. Il y a de plus en plus d’hommes inemployés, tandis que les « élites » prospèrent en étendant toujours le champ des biens appropriables et monétarisables, le plus souvent immatériels. Et le foncier peut être classé parmi ces biens immatériels dans la mesure où il n’est que la valeur d’une localisation.

« Il n’y a de richesse que d’hommes » écrivait Jean Bodin pour qui l’or, simple outil d’échange, ne produisait rien. Mais c’était il y a près de cinq siècles, à une époque où la richesse d’un prince était fonction du nombre des gens qui travaillaient pour lui et de l’étendue de ses terres. Avec la mécanisation massive et le génie génétique, des millions de paysans sont voués à disparaître et le même processus est à l’œuvre pour les biens manufacturés. L’inutilité est la pire des inégalités, car il devient rapidement impossible d’en sortir. Il s’agit donc d’imaginer des politiques qui redonnent une utilité au travail grâce à une réorientation de son objet.