colloque les 30 et 31 mai 2024 à Evian-les-Bains

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L’EPF74 et l’association Fonciers-en-débat ont mis en commun leurs compétences pour organiser ce colloque sur le thème « pour une nouvelle utopie foncière ». C’était l’occasion de partager nos approches et nos savoirs pour interroger la question foncière dans un contexte qui soulève de nouveaux enjeux : enjeux d’aménagement avec l’envolée soutenue des prix fonciers et la pression des usages, enjeux environnementaux avec la prise de conscience d’un besoin de préservation et la montée des risques, enjeux sociétaux avec l’accroissement des inégalités et les tensions pour l’accès notamment au logement. Le contexte de Haute Savoie illustre particulièrement ces enjeux et a montré ces dernières années tout l’intérêt de mettre en place des outils fonciers innovants. Les années actuelles marquent un tournant dans la prise en compte du foncier à tous les niveaux et le besoin de faire un point sur les expériences passées et les pistes à développer. Le collectif d’acteurs d’origines diverses qui participe aux réflexions animées par Fonciers-en-débat, et dont l’EPF74 est membre depuis longtemps, a voulu poser des bases à ce renouvellement nécessaire, démystifier des propositions formulées rapidement ici et là et chercher des modes opératoires concrets : réfléchir une nouvelle utopie foncière ! C’est donc bien la démarche de Pisani qui a inspiré ce colloque.
Le territoire de la Haute-Savoie de par l’existence d’une pression foncière forte endémique (attrait frontalier, tourisme, activité industrielle et économique forte, etc.) a guidé ce colloque..

Le défi a été relevé ! Le nombre de participants venus de toute la France, et de l’autre côté des frontières, a montré l’adhésion des mondes professionnels, des élus, des opérateurs, des chercheurs à la démarche pour un renouvellement des concepts et des pratiques.  Le partage des points de vue était provoqué, perturbant parfois, ferment de connaissance, d’interrogations, et de propositions. Il a conduit à formuler des pistes que l’on peut formuler ci-après :

  • En premier lieu, le concept de « foncier » a changé. Il était objet de droit, actif économique et financier, composant social. Il est aussi matière physique vivante, et peut-être en voie d’épuisement ou de disparition. L’utopie est alors de résoudre le paradoxe d’une survalorisation économique et de la dévalorisation physique dont il fait l’objet. Elle passe par l’hybridation des connaissances et des métiers, en intégrant cette diversité des approches dans les projets de territoire et les projets d’aménagement. Elle passe par l’ouverture des comptes d’opération à des valeurs non encore comptabilisées et la comptabilisation économique de démarches qualitatives ou temporelles.
  • En second lieu, la pratique des questions foncières a été réhabilitée. Objet d’attention dans les années soixante, elle a été délaissée, considérée comme allant de soi. L’utopie est de réhabiliter le professionnalisme des pratiques foncières. Elles ont un rôle moteur dans les stratégies des territoires, les stratégies des parties prenantes alors qu’elles ne sont pas maitrisées. Certaines expériences montrent comment on peut résoudre les situations insolubles en misant sur le savoir et la technicité. Elles doivent être sources d’inspiration.
  • En troisième lieu, la nature économique du foncier doit être reformulée. La prise en compte du foncier comme « bien commun » mérite d’être appréciée. Il ne s’agit pas d’opter pour des solutions radicales et idéologiques, dont les limites ont été éprouvées. Il s’agit de considérer le foncier dans une approche globale, qui intègre les retombées sociales et environnementales, le bien être des personnes, des activités et de la vie humaine. L’utopie est de réconcilier les intérêts privés et les intérêts publics, ou communs et de les intégrer dans les mécanismes de marché. Des formes originales sont retrouvées en remontant l’histoire mais elles sont également pratiquées aujourd’hui sur quelques territoires comme Saint Gingolf, ou dans l’économie sociale et solidaire. Leur décryptage et leur analyse invitent à nous pencher vers des formulations innovantes.

La question des conflits a été abordée en partie. Elle tient pourtant toute sa place dans la définition des politiques et stratégies et dans leur mise en œuvre. Elle requiert une attention particulière et un savoir-faire qui s’intègre dans le passage à l’acte de l’utopie à la réalité.

Le colloque a posé des bases pour les travaux à venir, travaux théorique et travaux pratiques qui permettront de nous retrouver pour poursuivre.

INTRODUCTION ET CONFERENCE INTRODUCTIVE

INTRODUCTION DU COLLOQUE (Animée par Catherine Minot et Sonia Guelton) : Face aux crises contemporaines – immobilière, démocratique, climatique et sociétale – nous sommes appelés à réinventer l’action foncière. Ensemble, explorons les différentes approches du foncier et les leviers à notre disposition : adhésion de la société civile, accès à la donnée foncière, captation des plus-values, préservation des sols vivants, maîtrise du foncier, etc. Ce colloque est un temps d’échanges et de débats visant à façonner une vision plus écosystémique du foncier et à aborder de nouveaux défis.   Josiane LEI , Maire d’Evian / Christian DUPESSEY, Président de l’EPF74 / Catherine MINOT, Directrice de l’EPF74 / Sonia GUELTON, Présidente de Fonciers-en-Débat

Jean Marc OFFNER (Urbaniste – Ecole urbaine de Sciences Po)

Alain TRANNOY (Economiste – Ecole des Hautes études en Sciences Sociales)


RETROUVEZ LES COMPTES RENDUS DES ATELIERS SUR LE SITE DEDIE DE L’EPF74

Thème 1 : Des enjeux fonciers renouvelés

ATELIER 1 A : Un foncier écosystémique
Avec la prise de conscience environnementale et les obligations du Zéro artificialisation nette, le foncier est (re)devenu du sol. Ce n’est plus seulement la matière première de l’aménagement, un droit ou un actif financier, mais une matière physique vivante, mouvante, à préserver. Les lieux où le foncier est peu cher sont aussi les lieux où le foncier a la plus forte valeur écologique : comment redonner une valeur foncière écologique ?
Animatrice : Géraldine PFLIEGER, maire de Saint-Gingolph
Intervenants:
Laurent Galdemas, Président EODD Ingénieurs Conseils, et Président du SN2E
Christophe Maillet, Directeur Général Ile de France Nature
Cyril Trétout, Architecte urbaniste associé chez ANMA
ATELIER 1 B : La compétition pour le foncier, quelle régulation ?
Dans le jeu de concurrence tel qu’il existe aujourd’hui, certains acteurs sont exclus, tandis que d’autres tirent leur épingle du jeu. Or, le re-questionnement des ressorts de la mondialisation, les bouleversements démographiques et sociétaux à l’œuvre et l’évolution de la perception du foncier rendent indispensable d’avoir une réponse mixte et transversale dans les conditions d’accès aux ressources.
Animateur : Nicolas GILLIO, CEREMA
Intervenants:
Beatrice Vessilier, Vice-Présidente Métropole de Lyon, Vice-Présidente Lyon Métropole Habitat, Présidente Agence d’Urbanisme de l’Agglomération Lyonnaise
Régis Dormoy, Directeur Général Chambéry Grand Lac Economie
Guillaume Gady, Directeur Général Ancoris
ATELIER 1 C : La gouvernance du foncier – contestation du modèle de la décision publique
Aujourd’hui, l’affectation des sols, la politique d’aménagement du territoire et les grands projets sont déterminés par les acteurs publics à plusieurs échelles. Or, sur le plan de la démocratie, on assiste à une remise en cause des sources de la légitimité et des circuits traditionnels de la prise de décision (l’exemple récent de l’A 69… ). Les domaines où des conflits prennent forme sont multiples. L’artificialisation des sols en donne de nombreux exemples. La répartition des terres entre modèles agricoles et profils d’agriculteurs conduit aussi à des antagonismes. Le foncier – la terre – est tour à tour considéré comme un bien patrimonial, un outil de travail à optimiser, un support d’aménagement et de développement à valoriser, un bien commun à préserver. L’intrication de ces quatre légitimités met en débat les modalités d’association et de concertation des acteurs (humains et non humains) concernés par le devenir des terres. Au-delà des seuls propriétaires en titre, comment optimiser l’usage du foncier et le rôle de chaque acteur ? Cette question va de pair avec celle du cadre juridique du foncier et des innovations à y apporter. Le foncier peut-il avoir une personnalité juridique et dans ce cas qui peut la défendre ?
Animateur : Adrien BAYSSE-LAINE, CNRS Grenoble
Intervenants:
Camille Le Bivic et Nicolas Agresti, Chercheuse et ingénieure d’études à la FNSAFER et Directeur des études à la FNSAFER
Denis Maire, Vice-Président Annemasse Agglo en charge de l’aménagement du territoire et de l’innovation territoriale, Maire de Juvigny
Romain Paris, ALGOE Directeur Territoires, Organisations, Projets

Thème 2 : Pour un nouveau système de valeurs et une nouvelle utopie foncière

ATELIER 2 A : Prendre en compte la valeur écologique du foncier
Historiquement, le foncier a souvent été appréhendé comme un support de production. Production de la ville d’un côté. Production agricole de l’autre. Les réflexions sur sa valeur économique ont dès lors été hégémoniques tant dans la sphère académique que dans celle des acteurs de terrain. Dans un contexte d’effondrement de la biodiversité et de réchauffement climatique, le rôle écosystémique des sols est replacé au centre des débats ce qui nécessite de renouveler le cadre d’appréhension de sa valeur. Comment se construit la valeur écologique des sols  ? Comment la mesurer? Comment cette valeur peut trouver sa place dans nos modèles de développement (urbain) dominés par la logique de rentabilité financière ?
Animateur : Alexandre COULONDRE, chercheur (associé au Lab’Urba) et animateur scientifique (LIFTI)
Intervenants:
Sarah Quatresous-Talandier, Chargée d’études économiques au CEREMA
Camille Regnier, Maîtresse de conférences en économie à l’Université Paris Est Créteil
Gregory Grey-Johnson, Fondateur Kanopéum et Foncière Limace
Francis Haumont, Avocat, professeur émérite à l’Université de Louvain
ATELIER 2 B : Ancrer des usages transversaux dans une stratégie foncière
Aujourd’hui le foncier peut être réfléchi en transversalité des usages, en réversibilité dans le temps et l’espace. La stratégie domine et alloue de nouvelles fonctions au sol. Les modèles s’expérimentent : foncier aérien, usages mixtes …. Il s’agit de dépasser les contraintes techniques et financières, de trouver les adhésions sociales et opérationnelles.
Animateur : Jérôme BASTIN, DGA Rennes Métropole
Intervenants:
Sybille Thirion, Directrice Générale Adjointe chargée du Développement Territorial et Social à Lille Métropole
Loïc Alcaras, Directeur La Foncière 74
Geoffrey Clamour, Architecte urbaniste, fondateur Agence Les Marneurs
Denis Maire, Vice-Président Annemasse Agglo en charge de l’aménagement du territoire et de l’innovation territoriale, Maire de Juvigny
ATELIER 2 C : Ouvrir la gouvernance à de nouveaux acteurs
Considérer le foncier comme un bien commun implique une transformation de la gouvernance. Pour la collectivité, cela signifie qu’il n’y a plus forcément besoin d’acquérir pour mobiliser. Pour le propriétaire, cela signifie qu’il ne peut pas être le seul à décider de l’usage qui sera fait sur son sol. Pour la société civile, cela signifie qu’elle a un intérêt à agir. On assiste ainsi à l’émergence de nouveaux acteurs, qui bousculent nos habitudes et renvoient les acteurs publics à leurs limites. Ex : Darwin à Bordeaux, Plateau Urbain,…
Quelles nouvelles concertations prennent forme ?
Animateur : Stéphane NAHRATH, Université de Lausanne
Intervenants:
Léa Canevet, Doctorante et assistante chercheure à l’Institut de Géographie et Durabilité de l’Université de Lausanne
Hugo Christy, Fondateur de Surface+Utile (Association de plaidoyer en faveur d’un parc immobilier destiné aux structures d’intérêt écologique et sociétal)
Philippe Texier, chef de projet stratégie foncière à Toulouse Métropole
Grégory Monod, Président Sogimm et Président Pôle Habitat FFB (excusé)

Thème 3 : De l’Utopie à la mise en œuvre

ATELIER 3 A : Avec quelle utilisation de la donnée ?

Dans l’univers des data, l’heure est à la massification de la donnée et au recours croissant au multisourcing. Avec l’accélération des interactions entre données et le recours croissant de l’intelligence artificielle, la seule variable connue est celle de la rapidité des changements. L’enjeu n’est donc plus de choisir le bon indicateur mais de bien maîtriser l’usage qui en sera fait. Par qui, pour qui et dans quel but ? Ces questions sont fondamentales car le jeu d’acteurs fait partie intégrante du système de valeurs du foncier et peut aboutir à des analyses contradictoires.
Comment l’observation peut-elle être utilisée pour mieux connaître la valeur écosystémique du foncier ?

Animateur : Thibault LECOURT, Chaire GIF (Géodata- Immobilier-Foncier) – Université Avignon
Intervenants:
Maud Anaïs Claudot, Fondatrice et CPO chez Buildrz
Aline Clozel, Responsable service habitat – Grand Avignon
Vincent Cézard, Responsable pôle Etudes et Développement EPF 74
Mathieu Gabeur, Directeur commercial PriceHubble (excusé)
ATELIER 3 B : Avec quels moyens pour mobiliser, inciter, réguler ?
La définition d’une stratégie foncière transversale et coopérative est un prérequis qui doit permettre de choisir quels seront les moyens les plus adéquats, entre acquisition, mobilisation et incitation, pour créer un effet levier permettant de concrétiser le projet de territoire.
La puissance publique se mettant de plus en plus en retrait, comment remobiliser les acteurs pour proposer des solutions qui répondent à l’intérêt général ? Comment mieux intégrer les limites financières et techniques au projet ? Comment s’affranchir des contraintes de dureté foncière ?
Animateur : Yann GERARD (Adéquation)
Intervenants:
Sarah Fraipont, Directrice du développement chez UTEI
Agnès Thouvenot, 1ere adjointe au Maire de Villeurbanne, Présidente de la Société Villeurbannaise d’Urbanisme
Alain Trannoy, Directeur d’études à l’EHESS, économiste
ATELIER 3 C : Avec quel droit de propriété ?
Les outils juridiques sont nombreux qui visent à orienter, inciter les propriétaires vers des comportements qui répondent aux politiques publiques. Peuvent-ils répondre aux enjeux actuels ? Quelles sont leurs limites et leurs évolutions souhaitables ?
Animateur : Vincent Le ROUZIC (EPA Marne)
Intervenants:
Isabelle Rey-Lefebvre, Journaliste, autrice, fondatrice de l’Association des responsables de la copropriété
Jean-François Joye, Professeur de droit public à l’Université Savoie Mt Blanc, Chaire « Valoriser les communs
Romain Thomé, Avocat, chez Thomé Heitzmann

GRAND DEBAT

Synthèse des ateliers 
Olivier Blanquet (EPF 74)
Sylvie Duvillard
(Université Grenoble Alpes – FED)
François-Xavier Viallon
(Responsable de projet, Haute école fédérale en formation professionnelle).


Table ronde 1 

          • Cécile Claveirole (Journaliste, Vice-Présidente et secrétaire nationale France Nature Environnement, membre du Conseil Economique Social et Environnemental)
          • Géraldine Pfleiger (Maire de Saint-Gingolph),
          • Guillaume Fauvet (Maire de Saint-Denis-les-Bourg, CA du bassin de Bourg-en-Bresse)
          • Guillaume Pasquier (Directeur des investissements – Société des Nouveaux Propriétaires)
          • Renaud Payre (Vice Président Grand Lyon, Président de Foncier Solidaire France)


Table ronde 2 : 

          • Agnès Thouvenot (1ère adjointe au Maire de Villeurbanne, Présidente de la Société Villeurbannaise d’Urbanisme),
          • Eric Charmes (Directeur de recherche ENTPE),
          • Christian Dupessey (Président de l’EPF74)
          • Jean Marc Offner (Urbaniste – Ecole urbaine de Sciences Po)


Quelques suggestions de lecture:

Cécile Claveirole, rapporteur (2023) Du sol au foncier, des fonctions aux usages, quelle politique foncière? Avis de la commission Territoires, Agriculture et alimentation, Conseil économique, social et environnemental
Programme Mix’Cité 3: Optimisation du foncier productif en zone d’activités (2023) Synthèse des travaux d’expérimentation, EPF74, CAUE74
Romain Paris (2018) Du Community land trust à l’Organisme de foncier solidaire- Perspectives pour un outil foncier innovant, La Revue Foncière n°22/ mars-avril 2018