Interview de Pierre Dupraz : Pacte vert européen et politique agricole commune (PAC)

2036

Regard sur l’ambition environnementale du Green Deal européen et la gestion du foncier et de l’espace agricole par la future PAC

Entretien avec Pierre Dupraz, directeur de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) par Jean Cavailhès et Romain Melot.
Présentation. Cet entretien s’inscrit dans le même thème que celui réalisé auprès de Jérémy Decercle : la ressource foncière dédiée à l’agriculture dans la Politique agricole commune (PAC) et le Pacte vert européen. Le foncier y est traité à travers ses usages dans l’espace agricole, sur les plans quantitatif (plus ou moins intensif) et qualitatif (plus ou moins diversifié). Un article de Jean Cavailhès donne le contexte de la PAC, dans lequel s’inscrivent ces entretiens.

Pierre Dupraz est directeur de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) à Rennes. Il travaille sur le comportement économique des agriculteurs, les politiques agricoles, climatiques et environnementales (transition agro-écologique) et sur l’analyse et la modélisation des paiements pour services environnementaux. Il a réalisé de nombreux articles et livres sur ces thèmes et plusieurs rapports à la demande de différentes instances nationales et européennes (Ministère de l’Agriculture français, France Stratégie, Ministère des Finances néerlandais, Direction de l’Agriculture de la Commission européen, Cour des comptes européenne, Parlement européen).

Question : Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est le Green Deal (Pacte Vert) de la Commission européenne ?

Pierre Dupraz : La Commission Von der Leyen s’est installée en 2019 et a proposé avec le Green Deal (Pacte vert, en français) une grande ambition de transformation de la société et de l’économie européenne pour une « croissance verte et juste ». La précédente Commission européenne avait formulé des propositions pour la future politique agricole commune (PAC) auparavant, en 2018. La question s’est donc posée de savoir si ces propositions pouvaient satisfaire aux orientations clefs du Green Deal.


Commission européenne : « Un pacte vert pour l’Europe. Notre ambition : être le premier continent neutre pour le climat »

« Le pacte vert pour l’Europe est notre feuille de route ayant pour objectif de rendre l’économie de l’UE durable. Nous réaliserons cet objectif en transformant les défis climatiques et environnementaux en chances à saisir dans tous les domaines d’action et en garantissant une transition juste et inclusive pour tous.

Le pacte vert pour l’Europe propose un plan d’action destiné à promouvoir l’utilisation efficace des ressources en passant à une économie propre et circulaire et à restaurer la biodiversité et réduire la pollution. Le plan présente les investissements nécessaires et les instruments de financement disponibles. Il explique comment garantir une transition juste et inclusive. L’UE vise à être climatiquement neutre en 2050. Tous les secteurs de notre économie devront passer à l’action.

Domaines d’action : Biodiversité (mesures visant à protéger notre fragile écosystème). De la ferme à la table (moyens de garantir une chaîne alimentaire plus durable). Agriculture durable (durabilité dans l’agriculture et les zones rurales de l’UE grâce à la politique agricole commune). Une énergie propre. Industrie durable (moyens de garantir des cycles de production plus durables et plus respectueux de l’environnement). Construction et rénovation (nécessité d’un secteur de la construction plus propre). Mobilité durable. Promouvoir des moyens de transport plus durables. Élimination de la pollution. Action pour le climat (rendre l’UE climatiquement neutre d’ici à 2050) » [1] .


Question : Quelles sont à votre sens les principales dispositions du Green Deal qui ont un impact sur le foncier agricole ?

Pierre Dupraz : Les deux objectifs majeurs posés par le Green Deal sont 1° de faire en sorte que l’Union européenne devienne un leader mondial en matière de neutralité carbone à horizon 2050 et 2° d’arriver à un environnement « sans toxiques » (dans le domaine de la qualité de l’eau, des sols et de l’air).  Pour l’agriculture, ces objectifs sont censés être atteints au moyen de deux stratégies à l’horizon 2030 : la stratégie « de la ferme à la table » et la stratégie en matière de biodiversité.

Concernant la stratégie de la ferme à la table, il est intéressant de noter que les indicateurs chiffrés pour 2030 ne concernent que l’agriculture : 1° une réduction de 50 % des pesticides et des antibiotiques vétérinaires ; 2° une réduction de 50 % des excédents d’azote correspondant à une réduction de la fertilisation de 20% environ ; 3° un objectif de 25 % de la surface agricole en agriculture biologique ; 4° un objectif de 10% de surfaces agricoles en surfaces non productives supportant des infrastructures agroécologiques diversifiées (haies, jachères, talus et mares, etc.).

Il s’agit, à travers ces objectifs, de reconstruire un environnement sain et durable et d’améliorer la composition de l’alimentation humaine , et la préservation de ressource foncière contre son épuisement par érosion ou la perte de sa capacité productive (grandes cultures intensives, etc.). A cet égard, stopper le déclin de la biodiversité est une priorité pour améliorer les fonctions écologiques des sols et des paysages.

Concernant la stratégie en matière de biodiversité, il est évoqué la possibilité d’utiliser des instruments économiques, notamment des taxes, pour réduire les pesticides. Ce point n’est pas repris dans la stratégie de la ferme à table, alors que les deux textes sont par ailleurs très cohérents. La version 2018 de la future PAC ne propose pas d’instrument ciblé sur les pesticides, mais une mesure de conditionnalité renforcée (cf. glossaire) sur la diversité de la succession des cultures d’une année sur l’autre. Cette mesure offre en théorie les conditions agronomiques d’une réduction des pesticides.

Question : Dans ce cadre, quel a été votre apport ?

Pierre Dupraz : Nous avons répondu alors un appel à projet du Parlement européen, alors qu’il existait depuis quelque temps deux groupes de travail réfléchissant à ces questions. Un premier groupe de l’INRA constitué depuis 2017, qui planchait sur la future PAC (ce groupe a publié un ouvrage paru aux éditions Quae en 2020[2]) et un second groupe d’expert constitué dans le cadre d’une réflexion pour France Stratégie (ce groupe a contribué à un rapport publié fin 2019 [3]). Nous étions donc en mesure de faire une proposition rapidement.

Le rapport que nous avons remis[4] propose des changements majeurs aux propositions faites par la Commission en 2018 pour la future PAC.  Il propose d’augmenter les exigences de la conditionnalité des aides (cf. glossaire), les outils et les budgets relatifs aux eco-schemes (cf. glossaire) et aux mesures agri-environnementales et climatiques (MAEC). Le renforcement du principe « pollueur-payeur » doit inciter les agriculteurs à modifier leurs pratiques. Les eco-schemes financés à 100% par l’Union européenne doivent cibler les biens publics mondiaux (préservation du climat, de la biodiversité, bien-être animal), et les MAEC, cofinancées par les Etats membres, se concentrer sur les biens publics locaux (qualité de l’eau, fertilité des sols…). Ils préconisent de durcir la conditionnalité pour préserver les zones humides et accroître les infrastructures agro-écologiques, mais aussi d’introduire de nouvelles mesures, relatives aux émissions de molécules polluantes et de gaz à effet de serre. Notre rapport critique la méthode d’élaboration des plans stratégiques nationaux (cf. glossaire) pour mettre en œuvre la future PAC, trop imprécise et insuffisamment coordonnée. Il insiste et documente la nécessité de politiques alimentaire et commerciale fortes en complément de la PAC pour satisfaire au Pacte Vert.…

Ce rapport a été bien reçu par le Parlement qui l’a accepté sans demande de corrections. Son exposé a cependant suscité ponctuellement des réactions négatives de la part de parlementaires au sein de la commission agricole du Parlement face à certaines de nos conclusions qui pointaient les limites de la PAC et appelaient à une politique alimentaire pour compléter la politique agricole. Nous pointions aussi la nécessité d’une politique commerciale cohérente.

Question : Il semble y avoir un paradoxe, dans la mesure où le Green Deal, qui embrasse des enjeux beaucoup plus larges que l’agriculture, fixe des objectifs chiffrés en matière agricole (cf. ci-dessus) alors que la future PAC ne le fait pas. Qu’en pensez-vous ?

Pierre Dupraz : C’est vrai que la future PAC ne donne pas d’objectifs chiffrés clairs ayant un impact sur le foncier. Il faut cependant préciser que la nouvelle PAC est conçue de manière beaucoup plus décentralisée que celle en vigueur aujourd’hui. Ce sont les Etats membres qui sont censés, dans le cadre de leurs plans stratégiques nationaux (cf. glossaire), décliner les lignes directrices fixées au niveau européen. Les seuls objectifs chiffrés au niveau européen énoncent que les Etats doivent consacrer 40 % du budget de la PAC qui leur est alloué à des mesures en faveur du climat et 30 % du budget consacré au « second pilier » à des mesures agri-environnementales et climatiques (MAEC) (cf. glossaire).

Mais tout dépend de la manière dont on interprète le critère assez flou de « mesures favorables au climat ». Doit-on considérer par exemple que certains dispositifs comme les aides en faveur des zones défavorisées (zones de montagne par exemple) ou encore les mesures agro-environnementales entrent systématiquement dans cette catégorie ? Rien n’est moins évident et notre rapport critique précisément l’incohérence de la méthode comptabilisant le budget de mesures contradictoires entre elles pour atteindre ces 40%.

Le débat s’est déplacé récemment sur le budget à consacrer au nouvel instrument pour l’environnement et le climat, appelé Eco-scheme ou Eco-régime en français (cf. glossaire). Contrairement aux MAEC du deuxième pilier de la PAC, cofinancées par l’UE et l’Etat-membre et mises en œuvre dans le cadre de contrats pluriannuels, les paiements des Eco-schemes relèvent du premier pilier, seront annuels et financés à 100% par le budget européen. Comme les MAEC, les Eco-schemes sont optionnels pour les agriculteurs, mais pas pour les Etats-membres. Le Conseil européen s’est mis d’accord pour obliger les plans stratégiques nationaux à consacrer 20% du premier pilier aux Eco-schemes tandis que le Parlement européen a voté 30%. Conseil et Parlement ont également des positions différentes sur la conditionnalité des aides, par exemple sur la préservation des zones humides. C’est le rôle du trilogue entre Commission, Conseil et Parlement de concilier ces positions dans les mois à venir.

Question : Sur le volet « climat » du Green Deal, des dispositions importantes concernent les prairies et les zones humides, lesquelles ont une fonction de puits de carbone. Comment traitez-vous de ces aspects fonciers ?

Pierre Dupraz : Les zones humides, sur des surfaces relativement réduites (6% au niveau mondial), abritent plus de 40% de la biodiversité[5], en particulier des espèces rares et menacées, et 20 à 25% des stocks de carbone dans les sols[6]. De même une prairie permanente abrite toujours davantage de biodiversité et de carbone qu’une terre arable, et d’autant plus lorsqu’elle n’a pas été retournée depuis plus longtemps. Cependant, lorsqu’une exploitation compte beaucoup d’animaux par hectare fourrager, leurs prélèvements par le pâturage ou la fauche réduisent l’accumulation de carbone sous prairie, donc leur fonction de puits. En France, le seuil qui fait passer d’une captation à une émission a été estimé autour de l’équivalent de 1,5 vache par hectare avec une forte variabilité selon les conditions de sols et de climat. Inversement, un chargement trop réduit s’accompagne d’une baisse de la production primaire et de la séquestration de carbone dans les sols[7].

Prairies, zones humides et puits à carbone

Tout comme les arbres des forêts, les prairies captent du carbone dans l’atmosphère (CO2) par la photosynthèse, et elles l’intègrent dans la matière organique. Cette dernière est prélevée au moment de la récolte, du pâturage, à la mort des végétaux, ou lorsque les prairies sont retournées, libérant le carbone sous forme de CO2. La fonction « puits de carbone » suppose donc que le stock d’herbe et végétation ligneuse s’accroisse par non-récolte ou par extension des prairies naturelles ou artificielles. Dans certaines zones humides, comme les tourbières, une partie de la matière organique qui se forme n’est pas décomposée (libérant du CO2), ce qui se traduit par l’accumulation de tourbe, qui le stocke durablement.

La protection des zones humides est un élément de la conditionnalité des paiements de la PAC (cf. glossaire). Mais la limite est que ces zones sont mal inventoriées en Europe, en dehors des zones Natura 2000. La mesure se heurte donc à des difficultés de mise en œuvre. Concernant le maintien des prairies permanentes, la limite est que cette mesure est censée être appliquée non pas à l’échelle de l’exploitation, mais à l’échelle régionale. Et ce maintien n’interdit pas le retournement des prairies, lesquelles peuvent être re-semées immédiatement, mais sans éviter la destruction de la biodiversité et d’une partie du stock de carbone.

Notre rapport s’intéresse aussi aux émissions de gaz à effet de serre (GES) liées aux activités agricoles : émissions des animaux liées à l’élevage et émissions des sols agricoles liées aux fertilisations des productions végétales[8]. En complément des mesures en faveur de la séquestration de carbone dans les sols, nous proposons des mesures qui visent à rémunérer davantage les exploitations qui réduisent ces émissions, en particulier en application des principes pollueur-payeur (taxer les nuisances) et fournisseur-payé (rémunérer les bienfaits).

Question : Des aides au boisement de terres agricoles sont-elles envisagées parmi le panel de mesures en discussion ?

Pierre Dupraz : Il y a une discussion sur les surfaces d’intérêt écologique. Jusqu’ici, leur définition était très large. Un agriculteur pouvait facilement satisfaire à la condition d’un minimum de surfaces d’intérêt écologique (5%) en substituant à des éléments topographiques (les haies, par exemple) des éléments surfaciques (cultures « dérobées », c’est-à-dire semées entre deux cultures principales, et cultures fixatrices d’azote comme les légumineuses). Ceci explique que beaucoup d’agriculteurs ont renoncé à  déclarer et à mettre en place des haies, ou des bandes enherbées ou forestières en bordure de cours d’eau. Mais on s’achemine vers des critères plus stricts, qui précisent que ces surfaces d’intérêt écologique doivent être « non productives » (arbres, haies, bosquets). Des études en écologie montrent que si l’on atteint 10 % de surfaces agricoles en surfaces de ce type, l’effet sur la biodiversité est assez net.

Dans la stratégie « biodiversité », un double objectif est fixé de 30% de zones naturelles sur l’ensemble du territoire et de 10% au sein des terres agricoles.  Ces zones naturelles correspondent à ce qu’on appelle en France les infrastructures agro-écologiques : haies, talus, bords de champs, bandes enherbées, zones tampon autour des milieux aquatiques.

Au-delà des objectifs quantitatifs, les études soulignent aussi la dimension qualitative de ces surfaces (diversité des essences, par exemple). Nous proposons ainsi des paiements en fonction des surfaces, mais aussi de la rareté des infrastructures écologiques : par exemple, dans un territoire où les bandes enherbées sont déjà très présentes, on pourra favoriser l’implantation de haies, et inversement.

Question : Une « désintensification » de la production agricole est-elle souhaitable pour une agriculture plus durable ?

Pierre Dupraz : Il faut pointer une certaine contradiction entre les objectifs de biodiversité et les objectifs climatiques. Réduire les intrants peut avoir pour conséquence de produire en émettant plus de gaz à effet de serre, notamment si l’on importe depuis des pays tiers davantage d’aliments du bétail (ce qui se traduit par des GES importés, par exemple lorsqu’on déforeste sous les tropiques pour produire du soja pour nourrir les animaux que nous mangeons) ou davantage de produits carnés pour la consommation humaine. Cela revient à déplacer le problème : pour améliorer le bilan biodiversité, on dégrade le bilan climatique. Ainsi pour réussir les deux, il est nécessaire de réduire la production agricole, en jouant sur la réduction des pertes et du gaspillage alimentaire, et sur une composition de la ration humaine moyenne moins carnée. La combinaison optimale entre la voie intensive et la voie extensive, présentées dans notre rapport, dépend aussi des préférences des consommateurs qui arbitrent entre des produits alimentaires de qualité et d’autres usages de leur revenu.

Pour être plus durable, il est clair que notre système alimentaire doit moins reposer sur la consommation de produits animaux. Une transition alimentaire est donc nécessaire. Mais doit-on pour autant réduire les productions animales en Europe ? Ce raisonnement est à questionner dans un contexte de croissance de la demande mondiale, si l’on considère que les productions animales hors de l’Europe peuvent être moins vertueuses sur le plan environnemental et climatique.

Question : Si des objectifs ambitieux en matière de pratiques agricoles (désintensification, mesures agro-environnementales, etc.) sont mis en œuvre, on pourrait faire l’hypothèse d’une baisse des revenus agricoles si ces revenus ne sont pas compensés par des aides nouvelles en faveur de la transition agroécologique.  Cette baisse de revenu pourrait-elle se traduire par une baisse des valeurs foncières ?

Pierre Dupraz : Dans le cadre de nos travaux, nous avons pris en compte l’impact sur les revenus agricoles, mais pas l’impact sur les rentes foncières.

Si nous n’avons pas de politiques commerciales cohérentes, ce qui est malheureusement probable, ces baisses de revenus sont possibles. Nous avions proposé dans le cadre du rapport pour France Stratégie un système de bonus/malus dans cette perspective[9]. Si l’on taxe les importations, les prix alimentaires vont augmenter, ce qui limitera la baisse de la rente foncière. La stratégie de la ferme à la table me semble très optimiste quand elle affirme concilier de meilleurs revenus agricoles et une alimentation plus saine et bon marché en s’en remettant aux innovations, au numérique et à la bioéconomie.

Si l’on « désintensifie » (réduction des intrants de synthèse), on aura surtout besoin de davantage de travail agricole, ce qui a potentiellement un impact sur le partage de la valeur ajoutée. A court terme, sans changement des prix ni des rendements, la rémunération du travail supérieure aux coûts des intrants supprimés tendrait à réduire la rente foncière. A long terme, l’amélioration de la qualité des sols et des productions en quantité et/ou en qualité peut conduire à un accroissement de la rente foncière[10], à l’image du prix des terres en cultures biologiques qui excède de plus en plus souvent celui des terres en conventionnel.

Question : Parmi vos recommandations, quelles sont celles qui pourraient limiter la tendance à l’agrandissement des exploitations et au recours à des prestataires de services extérieurs pour certains travaux agricoles ?

Pierre Dupraz : Les préconisations que nous faisons sont susceptibles d’avoir un impact indirect sur cette tendance. Nos propositions portent sur des aides ciblées concernant des enjeux environnementaux, sans s’adresser spécifiquement à des exploitations en bio ou de petite taille, par exemple.  Pour nous, le problème principal est de limiter la tendance à la spécialisation accrue des exploitations et des surfaces. C’est pourquoi nous formulons des propositions ambitieuses, notamment des soutiens financiers modulés en fonction de la diversité des productions de l’exploitation et de la taille des ilots cultivés. Il s’agit d’aller au-delà du système actuel qui n’exige que la satisfaction d’un seuil minimal de 3 cultures dans l’assolement, ce qui n’est pas contraignant sauf pour certaines petites exploitations de maïsiculture irriguée. En production végétale, nos propositions favorisent clairement une intensification du travail par hectare au détriment des intrants polluants.


Glossaire :

La conditionnalité des aides est un ensemble de règles à respecter pour tout agriculteur qui bénéficie d’une ou plusieurs des aides liées à la surface ou à la tête de bétail). Il s’agit des exigences relatives au respect de dispositions réglementaires dans le secteur de l’environnement, du sanitaire et du bien-être animal. Si l’agriculteur est responsable d’un manquement à une de ces exigences, une réfaction sur les aides sera opérée, à un taux fixé selon le degré de gravité. » (ministère de l’Agriculture et de l’alimentation)

Les eco-schemes ou éco-régimes (traduction la plus utilisée par le ministère français de l’agriculture) visent à renforcer les mesures favorables à l’environnement, en particulier pour lutter contre le réchauffement climatique en complément des mesures agri-environnementales et climatiques (MAEC) du second pilier de la PAC. La part des eco-schemes dans le premier pilier est en discussion : les propositions sur la table vont de 20 à 40 %, le chiffre de 30 % permettant peut-être d’obtenir un consensus.

Le premier pilier de la PAC, le plus important (environ 80% des dépenses de la PAC), porte sur des mesures de soutien aux marchés et aux revenus des exploitants agricoles. Il est financé par le Fonds Européen Agricole de Garantie (FEAGA). Le second pilier de la PAC concerne la politique de développement rural. Ses programmes sont cofinancés par Le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et des fonds régionaux ou nationaux.

Le plan stratégique national. est une proposition de la Commission européenne pour que la prochaine PAC soit mise en œuvre avec un Plan établi au niveau national (PSN PAC) et approuvé par la Commission. Ce PSN PAC sera axé autour d’objectifs couvrant les deux piliers (financés par le FEAGA et le FEADER). Il devra intégrer les aides directes aux agriculteurs et leur composante environnementale et les programmes de soutien sectoriel (premier pilier), et les aides au développement rural, notamment l’Indemnité compensatoire de handicap naturel, les soutiens à l’agriculture biologique et à la transition agro-environnementale, etc. (second pilier).


[1] Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions : Le Pacte vert pour l’Europe https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/european-green-deal_fr

[2] Détang-Dessendre, C. & Guyomard, H. (Ed.), (2020). « Quelle politique agricole demain ? »  Versailles, Editions QUAE, 305 p.

[3] France Stratégie (2019). Faire de la PAC un levier pour la transition agroécologique. Rapport de Julien Fosse avec la collaboration de Vincent Aussilloux, Alice Grémillet et Bérengère Mesquiet et l’appui du groupe de travail présidé par Jean-Christophe Bureau et Pierre Dupraz. Oct. 2019. Paris. 103p. https://www.strategie.gouv.fr/publications/faire-de-politique-agricole-commune-un-levier-de-transition-agroecologique

[4] Hervé Guyomard, Jean-Christophe Bureau, Vincent Chatellier, Cécile Detang-Dessendre, Pierre Dupraz, Florence Jacquet, Xavier Reboud, Vincent Requillart, Louis-Georges Soler, Margot Tysebaert, 2020,Research for the AGRI Committee – The Green Deal and the CAP: policy implications to adapt farming practices and to preserve the EU’s natural resources

[5] https://www.unenvironment.org/news-and-stories/story/wetlands-and-biodiversity-theme-world-wetlands-day-2020

[6] Mitra, S., Wassmann, R., & Vlek, P. (2005). An appraisal of global wetland area and its organic carbon stock. Current Science, 88(1), 25-35. Retrieved January 15, 2021, from http://www.jstor.org/stable/24110090

[7] Note de la rédaction. Les engrais azotés, minéraux et organiques, émettent du protoxyde d’azote (N2O) et les ruminants et effluents d’élevage émettent du méthane (NH4), qui sont les deux principaux gaz à effet de serre émis par l’agriculture. Cf. Dupraz, P., Pellerin, S. & Sirami, C. (2020). Deux enjeux majeurs pour la future PAC : le climat et la bodiversité. In Détang-Dessendre, C. & Guyomard, H. (Ed.), op. cit.

[8] Note de la rédaction. Les engrais azotés, minéraux et organiques, émettent du protoxyde d’azote (N2O) et les ruminants et effluents d’élevage émettent du méthane (NH4), qui sont les deux principaux gaz à effet de serre émis par l’agriculture. Cf. Dupraz, P., Pellerin, S. & Sirami, C. (2020). Deux enjeux majeurs pour la future PAC : le climat et la biodiversité. In Détang-Dessendre, C. & Guyomard, H. (Ed.), op. cit.

[9] France Stratégie (2019). Faire de la PAC un levier pour la transition agroécologique. Rapport de Julien Fosse avec la collaboration de Vincent Aussilloux, Alice Grémillet et Bérengère Mesquiet et l’appui du groupe de travail présidé par Jean-Christophe Bureau et Pierre Dupraz. Oct. 2019. Paris. 103p.

[10] Issanchou, A., Daniel, K., Dupraz, P., Ropars-Collet, C. (2019). Intertemporal soil management: revisiting the shape of the crop production function. Journal of Environmental Planning and Management, 62(11), 1845-1863.


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