Immobilier commercial regard nouveau sur une révolution en cours [Jérôme Le Grelle]

Paris, Convergence-CVL, 2017, 143p

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Le tour d’horizon des évolutions récentes de l’immobilier commercial et de ses enjeux, tombe à pic, au moment où les réflexions sur l’évolution des centres des villes moyennes, et notamment de leurs commerces, font l’objet d’une attention renouvelée, comme en témoignent à la fois les récents rapports officiels (IGF, CGEDD, etc.) et les mesures déjà annoncées ou à venir (cf. le portail « cœur de ville »). Jérôme Le Grelle, dont les propos ont été recueillis et mis en musique par Jeanne Bazard, livre une analyse intéressante des mécanismes à l’œuvre, loin de l’opposition stérile et un peu dépassée du centre et de la périphérie. Comprendre : le commerce de centre-ville va mal à cause des grandes surfaces. Cette vision bornée est malheureuse-ment encore trop répandue chez les urbanistes, qui produisent notamment les « documents d’aménagement artisanal et commercial » dans le cadre de l’élaboration des SCoT. D’abord, l’auteur souligne les difficultés d’un secteur en pleine révolution de ses pratiques : la consommation des ménages n’augmente quasiment plus, et les dépenses d’alimentation voient leur part baisser dans les budgets des ménages (p. 34-35). Rien d’étonnant, dans ce cadre, à ce que l’ensemble de l’activité soit en crise (pas seulement dans les quartiers centraux, qui voient les vacances commerciales augmenter). D’autant que les centres commerciaux sont structurés autour de locomotives alimentaires…Ensuite, cela entraîne une hiérarchisation accrue des zones commerciales : entre celles qui sont implantées historiquement au cœur de flux importants (idéalement, dans des métropoles), et celles qui sont plus éloignées des zones de passage, dans des villes moyennes. Ce sont les secondes qui sont vraiment menacées, même si ce sont les premières qui font l’objet d’une plus grande attention (et qui ont les moyens d’une, difficile, restructuration). Enfin, face à ces évolutions, la multiplication des formats de petite taille (supérettes et autres Carrefour Market : on en comptait 1 pour 7 400 habitants en 2015), témoigne de la nécessité de se caler sur les flux, et non plus de les capter par un « effet taille ». Parallèlement, la réflexion quantitative (en termes de m² par habitants, par exemple) doit s’accompagner d’une approche qualitative, qui s’interroge sur les typologies de commerce et le service qu’ils rendent. Car les commerces voient leurs fonctions changer, passant de celles de simples lieux de vente, à celle de lieux de service, de formation… sans oublier la fonction logistique, qui se développe, via le e-commerce et le désormais célèbre « clic and collect ». Au-delà de ces différentes analyses, l’intérêt de l’ouvrage est de proposer une vision proactive des politiques publiques (qui fera plaisir aux urbanistes !). « Pendant très longtemps […] les pouvoirs publics locaux se souciaient finalement peu du commerce sur leur territoire » (p. 113), considérant que c’était là plutôt une affaire privée. Cela, associé à une dynamique de fait relativement autonome du commerce, a conduit à ce que « le commerce s’est abstrait de la ville, il s’est mis à fonctionner hors-sol » (p. 129). Il est temps, selon Jérôme Le Grelle, que métropoles et inter-communalités se saisissent de la question (à travers leurs PLUi par exemple) pour fixer des règles du jeu. Que les élus se fassent non pas les accompagnateurs plus ou moins intéressés de projets particuliers, mais porteurs d’une stratégie globale. Si l’ambition peut être partagée, elle nécessite aussi (l’auteur l’évoque) une formation des techniciens qui conseillent les élus, donc un partage entre enseignes et collectivités des enjeux et problématiques de chacun. Un travail inenvisageable sans une relation de confiance à la fois longue et difficile à construire.