Grand Prix de l’Urbanisme 2014, Frédéric Bonnet n’ouvre pas sa pensée, il la confirme. Il faut dire qu’il n’est pas à son coup d’essai sur la question. Le cofondateur historique de l’agence Obras nous a acclimaté à penser les projets urbains dans leur esprit synthétique, loin d’un « urbanisme des périmètres » qui nierait la transversalité du métier d’urbaniste dans une procédure trop thématisée. En contrepoint des expériences d’Alexandre Chemetoff sur l’île de Nantes et du discours organique sur le lien entre la Loire sauvage et la ville historique, l’idée défendue ici est un plaidoyer : un risque, quel qu’il soit, appelle moins la domination contrainte de l’aléa qu’un développement profitable et enraciné dans le territoire. Le risque doit être l’élément central sur lequel le projet s’établit, la contrainte qui afflue vers l’inventivité. Et au bout des paroles, des opérations résilientes.
Loin d’une stricte accumulation d’exemples, bien que ces derniers aient été choisis afin d’aborder la notion de risque dans sa diversité, cette « nouvelle approche de l’urbanisme» se présente comme une proposition critique jetée dans l’histoire des méthodes d’appréhension territoriales. Une des originalités ici proposée est dépenser le risque bien à l’échelle du quartier ou de la ville, sans se circonscrire aux typologies architecturales possibles. Et de l’extension de la place du projet urbain au resserre- ment des pratiques bornées par la législation, il ne déplaît pas de voir
d’habituels concepts vidés de leur apparat marketing pour s’incarner véritablement jusqu’à des propositions opérationnelles, passant par les documents de planification urbaine. On appréciera donc un certain pragmatisme, illustré de nombreuses propositions d’aménagement, qui embrasse autant la question de la maîtrise du coût du foncier en zone inondable que la construction d’une interface ingénieur-urbaniste, en passant par la gouvernance et les jeux d’acteurs à inventer. Sur la question foncière, Frédéric Bonnet tentera de répondre de manière ouverte à la question suivante : dans un contexte où le risque est prépondérant, en particulier pour les finances publiques qui doivent indemniser et couvrir le coût des crises ou des catastrophes, ne faut- il pas accompagner peu à peu une modération des prix du foncier ?
Recueillant la parole des élus, l’ouvrage présenté ici sera également un bon support pour les collectivités ou les acteurs locaux. Cette réflexion à la jonction entre la philosophie de l’environne- ment face aux milieux urbains d’une Chris Younes et les actions concrètes de terrain incluant la traduction réglementaire semble indispensable pour celui qui veut penser l’urbanisme dans son fond même, abordant conjointement la méthode et l’effet, le geste et sa portée.