L’étude est disponible dans son intégralité ici.
ZAN, trois lettres qui ont fait couler plus d’encre que de béton, pour un objectif qui interpelle les politiques d’urbanisme et d’habitat de tous les territoires. Le ZAN, fortement décrié par les territoires qui ne sont pas tous égaux dans leurs capacités à mettre en œuvre cet objectif national, pose la question de l’application aveugle aux situations locales d’une loi d’aménagement du territoire. L’ambition du ZAN est-elle globalisante ? A la fois nécessité de faire prendre conscience de l’urgence écologique associée à la consommation foncière et porteuse de plus de défis que ceux auxquelles elle entend répondre ? L’analyse, certes avec peu de recul, de sa mise en œuvre dans la communauté urbaine du Grand Poitiers, quelques mois après son annonce, révèle un tableau nuancé. Gouvernée depuis 2020 par une coalition de gauche autour de l’écologiste Léonore Moncond’huy, maire Europe Ecologie-Les Verts de Poitiers, et de Florence Jardin, présidente divers gauche de la communauté urbaine, la collectivité avait, avant même la publication de décrets ou de circulaires ministériels, intégré le ZAN dans son agenda local et lancé la révision de ses documents d’urbanisme. L’objectif de sobriété, mot d’ordre de la municipalité pour l’ensemble de ses politiques locales [1], se traduit aussi dans le domaine foncier, poussant même la collectivité à interrompre des projets d’extension urbaine. Conformément à l’objectif du ZAN [2], la communauté urbaine cible prioritairement les espaces déjà urbanisés pour développer de nouveaux logements et des activités économiques, encourageant la réhabilitation de logements vacants et de friches industrielles. Elle est soutenue en ce sens par certaines associations locales, dont des mouvements écologistes radicaux qui militent pour que l’objectif soit inscrit dans le Plan local d’urbanisme de l’intercommunalité (PLUI) et pour que la protection des espaces agricoles, naturels et forestiers soit définitivement actée. Signe de son volontarisme en faveur du ZAN, la métropole a remporté en 2021 l’appel à projets « Territoires pilotes de sobriété foncière » développé par Action cœur de ville (ACV), l’Agence Nationale de la Cohésion des Territoires (ANCT) et le Plan urbanisme construction architecture (PUCA), faisant d’elle l’un des sept sites démonstrateurs en France en matière de lutte contre la consommation foncière.
La lutte contre l’étalement urbain est devenue l’un des principaux mots d’ordre des politiques d’aménagement. Depuis deux décennies, des outils législatifs et réglementaires[3] plus nombreux et plus stricts visent à freiner l’urbanisation des terrains agricoles, naturels et forestiers, jugée responsable, notamment, de la détérioration des milieux naturels et de la biodiversité, de la réduction des capacités de production agricole, ainsi que de l’augmentation des émissions de carbone et des coûts d’infrastructure.
Parce que les acteurs locaux du Grand Poitiers n’ont pas attendu la définition par l’Etat de l’objectif ZAN pour mettre en œuvre une politique de sobriété foncière ambitieuse, cet exemple nous apporte une vision des enjeux que pourront poser le ZAN – avec toutes les contradictions qu’entraîne la mise en œuvre par des acteurs locaux d’un objectif défini par l’Etat. Un des arguments principaux mobilisé par les détracteurs du ZAN concerne le renchérissement des coûts du foncier et donc des prix de sortie, causé par la raréfaction des terrains à bâtir. Dès lors, quels leviers en matière de gouvernance urbaine et de développement territorial peuvent permettre de viser un objectif de sobriété foncière, dans la perspective du ZAN, tout en limitant les risques d’accroissement des inégalités territoriales et sociales ? Sans prétendre à l’exhaustivité, cette étude propose d’analyser la mise en place locale d’un dispositif qui a, jusqu’à présent, été principalement étudié sous l’angle national et à travers ses grands principes.
L’ambition affichée de sobriété foncière du Grand Poitiers est marquée par une mobilisation de la collectivité autour de l’objectif du ZAN qui ne fait pas consensus (1). Si la mise en œuvre de cet objectif pose des défis majeurs (2), elle peut également être à l’origine d’un renforcement de la gouvernance urbaine, par la nécessaire solidarité territoriale qu’implique sa mise en œuvre (3).
1. Une ambition de sobriété foncière affichée
Même si Poitiers se caractérise par une faible consommation foncière en comparaison d’autres villes de la région, la communauté urbaine n’a jusqu’ici pas échappé à l’artificialisation de terres agricoles, naturelles et forestières. Cette tendance s’observe principalement dans la ville-centre et dans sa première couronne, qui concentrent le plus de ménages et d’emplois. Ces terrains, moins onéreux que des terrains urbanisés, ont permis de construire à coûts beaucoup plus faibles des logements et de développer des zones d’activités économiques[4]. Entre 2010 et 2020, 792 hectares ont été consommés[5], en majorité à destination de l’habitat et secondairement pour y implanter des activités économiques.
Carte 1. Part de surface communale artificialisée entre 2009 et 2020
L’artificialisation des sols ne répond pas uniquement aux évolutions démographiques de la communauté urbaine : le nombre de logements a doublé depuis 1975 alors que la population n’a augmenté que de 36% dans le territoire durant cette période[6]. En outre, les logements vacants sont en augmentation dans l’agglomération, atteignant près de 8% du parc résidentiel[7]. L’urbanisation de terrains agricoles, naturels et forestiers résulte en partie de politiques d’aménagement qui ont pendant plusieurs années favorisé la construction de maisons individuelles, particulièrement consommatrices d’espace. Ainsi, à Poitiers, 824 m2 ont été consommés en moyenne pour chaque nouvel habitant entre 2012 et 2017, tandis que le chiffre atteint 3083 à Lusignan[8], commune de seconde couronne située à 25 km au sud de Poitiers. Par ailleurs, pour bénéficier de prix plus avantageux, les ménages construisent de plus en plus loin du centre, ce qui contribue au mitage des territoires périphériques. Leur urbanisation nécessite en outre d’aménager des routes, des réseaux d’électricité et d’assainissement, qui participent un peu plus encore à l’artificialisation des sols.
L’urbanisation d’espaces agricoles, naturels et forestiers résulte en effet également de politiques d’attractivité économique qui ont jusque-là été menées commune par commune, de façon non concertée. Ces politiques ont abouti à la création de larges zones d’activités disséminées à divers endroits du territoire : la communauté urbaine compte ainsi sur plus de 1000 hectares 27 zones d’activités économiques (ZAE) réservées à l’implantation d’entreprises, soit 10 de plus qu’à Limoges Métropole où la population active est équivalente. Alors que nombre d’entre elles déclinent et peinent à faire venir des entreprises en raison de l’obsolescence de leurs installations, un nouveau parc d’activités industrielles, baptisé Aliénor d’Aquitaine, au sein de la ZAC République IV, a été lancé par l’ancienne municipalité sur 200 hectares de terres agricoles.
La nouvelle municipalité écologiste a affiché une politique volontariste autour de la sobriété foncière, un agenda qu’elle impose au sein du Grand Poitiers. Pour les élus de la majorité, le sujet est d’autant plus justifié que le territoire connaît une forte augmentation de la pression foncière et immobilière. Ce volontarisme politique se retrouve dans la rédaction d’un plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) pour les 40 communes du Grand Poitiers. Pour la majorité, les ambitions du PLUi en matière de sobriété foncière doivent même aller plus loin que les règles en vigueur. L’élue en charge de l’aménagement l’assume : « je propose d’aller encore plus loin que les objectifs du SCoT [schéma de cohérence territorial], en faisant le choix de ne pas utiliser toute l’enveloppe d’artificialisation qui nous est allouée ». L’effort se concentre surtout sur les communes de première couronne où « des règles de construction plus strictes et contraignantes permettront de tenir l’objectif ».
L’objectif du ZAN permet par ailleurs de mobiliser largement au niveau local : les élus de la majorité sont soutenus en ce sens par des syndicats agricoles, préoccupés par la diminution des surfaces agricoles dans le territoire, ainsi que par certaines associations qui se sont récemment saisies du ZAN pour mieux lutter contre l’artificialisation des terres. C’est également le cas d’Extinction Rébellion Poitiers, qui s’est récemment mobilisée contre la ZAC Aliénor d’Aquitaine. C’est le cas enfin de l’association Terre de Liens Vienne qui rachète des terrains pour les protéger de l’urbanisation et y installer des agriculteurs. Non seulement les terres agricoles sont les plus touchées par l’urbanisation mais leur artificialisation menace également la stratégie agricole de la nouvelle mandature : dans son projet alimentaire territorial (PAT), la communauté urbaine cherche justement à relocaliser les agriculteurs à proximité de Poitiers dans le but de favoriser les circuits courts.
La communauté du Grand Poitiers fait toutefois face à des tensions entre les divers acteurs chargés de mettre en œuvre le ZAN. Si les élus de Poitiers sont favorables à la densification, c’est bien moins le cas des élus des communes des alentours dont le modèle de développement démographique et économique est fondé sur l’extension urbaine.
2. Le ZAN au défi de l’application locale
La mise en œuvre du ZAN crée une série de tensions économiques, politiques et sociales susceptibles d’accentuer les inégalités territoriales à différentes échelles si des mécanismes de redistribution ne sont pas prévus.
Au-delà des désaccords partisans et des visions différentes de l’écologie, les tensions autour du ZAN reflètent avant tout des modèles de développement territorial antagonistes. C’est dans les communes périurbaines et rurales, récemment intégrées à l’intercommunalité, que les oppositions au ZAN sont les plus marquées. Beaucoup connaissent un certain déclin économique, une population vieillissante, une vacance accrue des logements et des locaux commerciaux ou encore voient leurs services publics fermer. Les maires de ces communes ont l’habitude de combattre le déclin économique et démographique par la construction de zones d’activités économiques et de zones pavillonnaires de lotissements, en extension urbaine. La mise en œuvre du ZAN inquiète donc ces élus qui craignent que leur commune ne perde en attractivité et que leurs promesses électorales ne puissent être tenues si les terrains constructibles se raréfient. Un maire d’une commune limitrophe de Poitiers explique par exemple : « Quand on va enlever la zone à urbaniser et qu’on va dire aux gens ‘votre terrain est redevenu une zone naturelle, il ne sera jamais constructible’, ils vont râler très fort. […] ».
Pour les maires de communes périurbaines et rurales, le ZAN serait une menace pour les aspirations de leurs habitants : “On ne vient pas s’installer à [commune périurbaine] pour vivre en appartement…”. Cet attrait pour la maison individuelle est particulièrement prégnant – comme le confirme le nombre de permis de construire déposés pour une maison individuelle, qui de 100 en 2016 est passé à 233 en 2019[9]. D’ailleurs, comme l’indique un membre du service d’urbanisme de l’intercommunalité, le Grand Poitiers souhaite mettre en avant cette qualité de vie pour se démarquer des grandes villes alentour : « Ce qui fait notre attractivité, c’est d’avoir un logement sympa. Nous, on a peu d’activités donc ce qui compte c’est la qualité de vie du quotidien »[10].
Si la densité constitue une alternative à l’étalement urbain, elle nécessite de mieux penser les formes urbaines que la construction de nouveaux programmes génère. Cette attention apparaît d’autant plus cruciale dans les secteurs pavillonnaires où plusieurs associations militent contre la densification, jugée comme une menace à la cohérence architecturale et paysagère ainsi qu’à la qualité de leur cadre de vie. À l’échelle régionale, le ZAN peut donc accentuer les déséquilibres en avantageant les villes qui ont privilégié l’extension urbaine jusqu’à présent et qui disposent en leur sein de larges surfaces de fonciers sous-exploités. À cet égard, le Grand Poitiers n’est pas la communauté urbaine la plus mal lotie : elle bénéficie d’une densité résidentielle relativement faible (51 logements par hectare contre 80 à Bordeaux) et d’importantes surfaces de dents creuses sur son territoire (1211 ha)[11]. À titre de comparaison, le SCOT de l’agglomération de Limoges ne recense que 21,3 ha de dents creuses[12].
À l’intérieur des communes, l’application du ZAN complique la mise en œuvre des politiques de logement, en particulier pour la production de logement social et abordable. Les acteurs locaux considèrent ainsi que la réduction du foncier disponible dans le Grand Poitiers peut avoir pour effet d’augmenter la pression de la demande et de faire grimper les prix du marché de l’immobilier, qui ont déjà augmenté de 16,3% depuis la crise sanitaire et de 42,5% en cinq ans (hausse souvent imputée à l’arrivée de la LGV)[13]. Ces dernières années en effet, Poitiers est devenue une ville très attractive pour les investisseurs immobiliers en raison des forts taux de rentabilité qu’elle promet. « Poitiers est une des villes en Pinel les moins chères de France donc forcément les investisseurs se jettent sur ces villes » confirme ainsi un promoteur. Sans mécanisme de régulation, le ZAN a donc toutes les chances d’accentuer les dynamiques de spéculation et d’enrichir les propriétaires de foncier urbain dont la valeur du patrimoine a déjà très fortement augmenté en 20 ans[14].
Le ZAN ne promet pas non plus de faciliter la construction de logements sociaux. L’éventualité d’un renchérissement des prix du foncier n’a pas été anticipé par le Grand Poitiers qui n’a pas réalisé de réserves foncières durant les précédentes mandatures et qui peine aujourd’hui à acquérir les terrains nécessaires à la réalisation de tels programmes. Cela renforce les difficultés de construction de logements sociaux dans la ville-centre, où le taux de ménages pauvres est le plus élevé de tout le territoire (27%) et relègue en périphérie du centre-ville les populations les plus précaires, mettant au défi la municipalité qui a placé la justice sociale au cœur de son projet politique.
Carte 2. Les logements sociaux dans le Grand Poitiers en mai 2021
3. Un enjeu de solidarité territoriale à faire advenir
Les élus des communes périurbaines et rurales craignent une inégale répartition de l’effort qu’implique la mise en place du ZAN, qui cristallise les craintes des élus de perdre la maîtrise foncière et urbaine de leur territoire. Face aux oppositions, les élus de la majorité avancent sur plusieurs fronts.
La sensibilisation des maires au ZAN et à sa mise en application concrète est ainsi un des leviers : « Pour que chacun parte avec les mêmes bases » lorsqu’il faudra discuter des « zonages et des densifications attendues » à la fin de l’élaboration du PLUi, indique l’élue en charge de l’aménagement au sein du Grand Poitiers.
Un autre axe est le développement d’une expertise technique au sein de la communauté urbaine. La recherche de densification passe par un repérage des dents creuses, des sites en friches et des logements vacants ainsi qu’un travail sur les formes urbaines existantes. La plupart des communes rurales et périurbaines de l’agglomération ne disposant pas de moyens suffisants, c’est à la communauté urbaine qu’incombe le développement de cette expertise technique. À ce sujet, le directeur de l’urbanisme et de l’habitat alerte sur le retard de certaines de ces municipalités en matière de réglementation : « Parmi les 25 communes qui ont rejoint Grand Poitiers, certaines ont des documents d’urbanisme qui datent de 2003, vous imaginez bien la quantité de zones à urbaniser en périphérie et sur des champs qu’il peut y avoir ». Celles-ci vont en grande partie connaître un changement de destination dans le futur PLUi afin de respecter la législation et les objectifs qui auront été fixés localement.
La mobilisation de financements en faveur de la densification apparaît également être une stratégie pertinente. Deux communes du Grand Poitiers, Lusignan et Chauvigny, sont par exemple lauréates depuis 2020 de l’appel à projet « Petites villes de demain » porté par l’Agence Nationale de Cohésion des Territoires (ANCT). Le dispositif, qui vise à revitaliser leur centre-bourg et valoriser leur patrimoine, permet aux communes d’engager pour trois et cinq ans un chargé de projet et un développeur commercial. L’un des maires concernés vante les avantages de ce dispositif : « Ça c’est des choses qui vont nous permettre de voir comment refaire vivre le centre-bourg. Je crois en l’engineering qu’on a autour de nous, les deux personnes qu’on a pour avancer sur cette problématique. C’est du concret et c’est du développement, pas de la contrainte [en référence au ZAN] ».
À l’échelle intercommunale, la mise en œuvre du ZAN n’est pas sans effet sur les politiques d’attractivité dans les territoires dont le tissu économique ne génère pas lui-même des effets d’entraînement. L’économie locale demeure très centrée sur Poitiers (53 % des emplois de l’intercommunalité en 2018)[15] et les 27 ZAE [Zones d’Activités Economiques] que concentrent la communauté urbaine sont situées quasi exclusivement en petite couronne, au nord-ouest et au sud-est de Poitiers[16]. Ce sont donc principalement les communes de seconde couronne qui risquent de pâtir du ZAN. Le Grand Poitiers a alors développé un mécanisme de redistribution qui consiste à reverser une partie de la taxe foncière des communes les plus attractives, disposant de ZAE, à l’ensemble de l’intercommunalité.
Conclusion
L’objectif Zéro Artificialisation Nette pose aujourd’hui de sérieux défis. Il conduit à repenser nos modèles de production de logements et de développement local. La densification des zones d’activités industrielles et logistiques existantes, la revitalisation des villes par le réinvestissement du bâti sous-utilisé ou vacant dans les communes, des opérations de mixité fonctionnelles ou encore le recensement des dents creuses et friches à transformer sont autant d’alternatives à un modèle de développement territorial qui passerait par l’extension urbaine et que l’application du ZAN permet de tester dans le Grand Poitiers.
Une des analyses de la mise à l’agenda du ZAN serait-elle « un moyen de diminuer l’avantage comparatif des villages proches des villes », tel que formulé par Éric Charmes[17] ? Dans cette hypothèse, le ZAN ferait ainsi système avec les politiques actuelles en faveur des petites et moyennes villes. L’étude du cas de Poitiers montre que cette opposition n’est pas si claire. Elle révèle des dissensions autour de l’application du ZAN qui opposent les communes qui se sont déjà beaucoup développées et ont des ressources au sein d’une enveloppe foncière, à celles qui comptaient sur l’extension urbaine pour leur développement futur. Dans le Grand Poitiers, certains élus de villes de première couronne apparaissent ainsi comme des soutiens au ZAN, dépassant un clivage entre ville-centre et communes périphériques.
Le ZAN offre une réponse aux défis écologiques, via l’aménagement. Mais est-ce forcément ou toujours une réponse aux enjeux sociaux ? La contrainte qu’ajoute le ZAN à la tension foncière et aux prix de sortie des opérations dans les quartiers déjà chers de Poitiers apporte un premier élément de réponse.
Les défis liés au ZAN à l’œuvre dans le Grand Poitiers donnent ainsi du relief aux premières analyses générales qui en sont faites à l’échelle nationale, venant questionner les origines de la mise à l’agenda du ZAN, autant que les enjeux de son application.
Actualités du ZAN
Cette étude a été rédigée en avril 2022 à la suite de recherches menées au cours de l’hiver 2021 – 2022, soit avant la parution des deux décrets du 30 avril 2022, l’un relatif à l’inscription du ZAN dans les SRADDET et l’autre définissant la nomenclature de l’artificialisation des sols.
Le premier décret précise ainsi quelle doit être la déclinaison des objectifs dans le fascicule de règles du SRADDET : les règles doivent être territorialisées, le cas échéant à l’échelle d’un ou plusieurs SCoT. Le décret prévoit également que le SRADDET précise les moyens d’observation et de suivi permettant d’évaluer l’atteinte des objectifs et le respect des règles en matière de gestion économe de l’espace et de lutte contre l’artificialisation.
Le second décret expose quant à lui une nomenclature fixant le caractère artificialisé ou non artificialisé des différentes surfaces, caractère devant être déterminé au regard de l’occupation effective du sol observée et non selon les zones ou secteurs délimités par les documents de planification et d’urbanisme. Bien que le décret relatif au rapport local de suivi de l’artificialisation des sols reste à paraître, ces deux premiers textes ont éclairci quelques zones d’ombre. L’étude fait en effet ressortir les difficultés pour les responsables locaux, même volontaires à prendre des décisions en l’absence d’un cadre clair.
La nouvelle actualité du ZAN vient en outre remettre en question les hypothèses sur lesquelles se sont bâties les premières ébauches de politique publique. Suite au recours déposé devant le Conseil d’Etat, contre les deux décrets d’application de la loi Climat et Résilience, par l’Association des Maires de France, le nouveau ministre de la Transition Écologique Christophe Béchu a indiqué lors de son passage au Sénat le 13 juillet 2022 être ouvert à la réécriture de ces textes. Si les élus sont invités à se mettre en ordre de bataille pour appliquer le ZAN, les modalités de son application risquent donc de se faire attendre. Les divers rebondissements liés à l’actualité toujours brûlante des décrets ZAN pourraient avoir pour effet d’alimenter l’espoir des opposants, de vider l’article de loi de sa substance. Tout en suscitant la déception des élus volontaristes qui n’attendent que de pouvoir le mettre en œuvre.
[1] https://lvsl.fr/il-faut-accepter-de-passer-la-releve-a-une-nouvelle-generation-politique-entretien-avec-leonore-moncondhuy/
[2] L’objectif “zéro artificialisation nette” (ZAN) annoncé dans le Plan Biodiversité en 2018 et réaffirmé dans la loi Climat et Résilience du 22 août 2021 renforce l’impératif d’une plus grande sobriété foncière : cette dernière dispose que le niveau d’artificialisation doit être réduit de moitié d’ici 2031 et, qu’à partir de 2050, aucune opération urbaine ne pourra utiliser des terres agricoles, naturelles et forestières sans compenser la perte de ces surfaces par la renaturation d’espaces urbanisés de taille équivalente.
[3] Du côté législatif, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU) de décembre 2000, la loi portant engagement national pour l’environnement (Grenelle II) de juillet 2010, la loi pour l’accès au logement et à un urbanisme renouvelé (ALUR) de mars 2014, la loi Biodiversité de 2016, la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) de novembre 2018 et plus récemment la loi Climat et résilience d’août 2021 inscrivent toutes la lutte contre l’étalement comme objectif prioritaire. Du côté réglementaire, le code de l’urbanisme et les différents documents de planification − le schéma de cohérence territoriale (SCOT), le plan local d’urbanisme (PLU(i)), la carte communale et le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires − contiennent tous des obligations concernant la protection des espaces naturels, agricoles et forestiers et des objectifs de réductions de leur consommation.
[4] En moyenne en 2020, le mètre carré constructible dans l’agglomération est vendu 78€ environ contre 0,52€/m 2 pour le mètre carré agricole. Source : SAFER (www.le-prix-des-terres.fr) et Terrain construction (https://www.terrain-construction.com/).
[5] Source : Observatoire de l’artificialisation des sols.
[6] Source : Insee, RP1967 à 1999 dénombrements, RP2008 au RP2018 exploitations principales.
[7] Source : Insee RP2018 dossier complet.
[8] Source : Observatoire de l’artificialisation des sols.
[9] Grand Poitiers Open Data, consultable en ligne : https://data.grandpoitiers.fr/explore/dataset/urbanisme-permis-de-construire-grand-poitiers-donnees-metiers/table/.
[10] Extrait d’entretien avec un membre de la communauté urbaine de Grand Poitiers.
[11] SCOT du Seuil du Poitou
[12] SCOT de l’agglomération de Limoges, rapport de présentation, page 34.
[13] Données publiques (INSEE, Notaire) pour meilleurseagents.com au 1 er avril 2022. Consultable en ligne : http://prix-immobilier.lemonde.fr/prix-immobilier/poitiers-86000/
[14] Voir notamment Thomas Piketty, Le capital au XXIe siècle, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Les livres du nouveau monde », 2013 ; Étienne Wasmer et Alain Trannoy, Le grand retour de la terre dans les patrimoines et pourquoi c’est une bonne nouvelle ! Paris, 2022.
[15] Source INSEE.
[16] Voir carte des ZAE du Grand Poitiers sur opendatagrandpoitiers.fr :
https://data.grandpoitiers.fr/explore/dataset/economie-zae-grand-poitiers-donnees-metiers/map/?location=12,46.57231,0.34573&basemap=jawg.streets
[17] Éric Charmes, « De quoi le ZAN (zéro artificialisation nette) est-il le nom ? » , Fonciers en débat, 2021.