Qui sont les propriétaires des logements Airbnb ?

par et | 11 Mai 2025 | Autres Articles, Le foncier en chiffres

Depuis la création de la plateforme Airbnb en 2008, les différentes sources disponibles montrent une explosion du phénomène des meublés de courts séjours en France (Guerrini, 2024), appelés aussi « meublés de tourisme » ou locations de courte durée (LCD). Pour notre pays, le nombre d’annonces a dépassé un million en 2019[1]. Selon Eurostat, la France se positionne comme le premier marché d’Europe : 192,4 millions de nuitées ont été enregistrées en France en 2024 dans les hébergements proposés par des particuliers via les principales plateformes internationales, soit près du quart du marché européen[2]. Depuis 2019, la France demeure à la première place dans l’Union Européenne devant l’Espagne et l’Italie (Eurostat 2025).

Encadré n°1 : Définition des meublés de tourisme

Art. L324-1-1 du Code du tourisme : « (…) les meublés de tourisme sont des villas, appartements ou studios meublés, à l’usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois ». La location doit être consentie à la même personne pour une durée maximale de 90 jours consécutifs.
Cette définition concerne toutes les locations de courte durée d’un logement entier, y compris celles qui n’ont pas pour objet une forme de loisir et que l’on qualifie parfois de « tourisme d’affaire ».
Elle exclut en revanche la location partielle ou partagée de logements, telles que les chambres chez l’habitant. Elle n’inclut pas non plus les locations en bail mobilité, ni les résidences de tourisme, les chambres d’hôtes ou les hôtels.

Les plateformes sont souvent accusées d’encourager les propriétaires à retirer leurs logements du marché immobilier permanent (Tuso et al., 2022), certains propriétaires préférant louer leurs biens sur Airbnb pour des séjours courts et lucratifs, plutôt que de les proposer sur le marché locatif traditionnel. Dans certaines villes touristiques, on assiste ainsi à une éviction des ménages de centres-villes tendus par réduction de l’offre (Adamiak et Marjavaara., 2024). Une étude menée en région Nouvelle-Aquitaine a montré qu’une forte densité de logements LCD augmentait la probabilité de déménager vers un quartier plus pauvre, en particulier pour les ménages aux revenus les plus faibles (Belloy L., 2023). Compte tenu de la typologie des logements concernés, la concurrence s’opère particulièrement sur les logements de type T2 et T1, ce qui soulève des difficultés accrues pour le public des étudiants et des ménages modestes (Priol & al., 2023).

Corrélativement à la raréfaction des biens, l’augmentation de la demande de logements à court terme via les plateformes entraîne une hausse des loyers dans les zones où se sont développés le plus les LCD, rendant le logement moins abordable pour les résidents locaux. Il en va de même pour les prix immobiliers, puisqu’une rentabilité locative accrue va de pair avec une augmentation de la demande des investisseurs (Priol & al., 2023). La seule étude économétrique récente conduite en France sur cette question porte sur les loyers de 8 métropoles françaises sur la période 2014-2015, mais ne met en évidence des effets inflationnistes que sur Paris, Lyon et Montpellier (Ayouba et al. 2020). En revanche, l’effet inflationniste sur les prix et les loyers a largement été documenté à l’étranger et encore récemment (Franco et al., 2021 ; Barron et al., 2021 ; Duso et al., 2022).

Ainsi, l’éviction de ménages modestes et les effets inflationnistes liés au développement des meublés de tourisme sont-ils avérés, notamment dans les territoires les plus tendus. Cependant, la prise de conscience récente des responsables – qui s’est traduite notamment dans les échanges du groupe de travail national sur le sujet réuni sous l’égide de trois Ministres[3] – a laissé apparaître une forte dichotomie entre « le bon Airbnb » et le « mauvais Airbnb ». Parmi les éléments de distinction entre ces deux catégories, le comportement des propriétaires est apparu comme central, suivant que celui-ci apparaissait, d’une part, dicté essentiellement par une recherche de rentabilité économique, ou, d’autre part, inspiré par des logiques plus altruistes ou orientées vers le partage. Des analyses du comportement des propriétaires ont été conduites par des sociologues, qui mettent en lumière cette opposition, tout en nuançant ce contraste (Oppenchaim et al., 2022).

Sous la pression tout d’abord des collectivités (Paris) et, plus récemment, de la population, la puissance publique a développé en France un dispositif de régulation modulable[4] : depuis 2014 – avec la loi ALUR[5] – et jusqu’à récemment – avec la loi LEMEUR[6].

Dans ce débat deux questions essentielles demeurent :

  • Comment observer de manière suffisamment fine le phénomène pour le maîtriser ?
  • Qui sont les investisseurs, et jouent-ils un rôle spéculatif marqué ou au contraire sont-ils de modestes investisseurs, plus ou moins de circonstances ?

Concernant ce dernier point, les représentations du phénomène au niveau local fluctuent d’un extrême à l’autre : du fantasme du multi-propriétaire résidant à Dubaï, jusqu’au discours du partage porté par la stratégie marketing d’Airbnb.
C’est à ces questions que plusieurs études conduites par le Cerema ont apporté des éléments de réponse quantitatifs et contrastés.

Encadré n°2 : les données depuis la loi SREN et la loi Le Meur.

Trois textes sont venus récemment modifier la transparence en matière de données transmises par les plateformes aux pouvoirs publics concernant les meublés de courts séjours :
– le règlement européen 2024/1028 du 11 avril 2024 concernant la collecte et le partage des données relatives aux services de location de logements de courte durée (modifiant le règlement UE 2018/1724) ;
– la loi n° 2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique (dite « loi SREN ») ;
– la loi n°2024-1039 du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale (dite « loi Le Meur »).

L’enregistrement des meublés

Au plus tard en mai 2026, la loi Le Meur généralise à l’ensemble du territoire national la procédure d’enregistrement préalable de l’ensemble des meublés de tourisme (y compris non classés) en la déconnectant dorénavant de la demande de changement d’usage (art. 1er / Code du tourisme : L.324-1-1).
La déclaration précise si le logement offert à la location constitue la résidence principale ou secondaire du loueur. Un décret (à paraître) déterminera les informations et pièces justificatives qui sont exigées pour l’enregistrement (avis d’impôt sur le revenu notamment).
La généralisation du numéro d’enregistrement à l’échelle du territoire national permettra une meilleure connaissance du parc pour les collectivités territoriales.

Collecte et traitement des données ALUR, « l’API meublés »

La loi SREN encadre la mise en œuvre de « l’API meublés » qui deviendra le point d’entrée pour les échanges de ces données entre communes et plateformes. Le recueil des données des plateformes par les communes concernant les LCD soumises à l’enregistrement préalable est désormais organisé dans le cadre d’un téléservice national, dit « API meublé » (à l’exception de la Corse, qui disposera de son propre téléservice). Le numéro de déclaration, ainsi que les informations et les pièces justificatives reçues, seront ensuite transmises à la commune dans laquelle est situé le meublé de tourisme.
Les communes peuvent adresser aux plateformes de location comme Airbnb une demande d’information par année civile portant sur les locations de meublés de tourisme de l’année en cours et celles de l’année civile précédente, portant notamment sur l’identité du loueur, l’adresse du local meublé, le numéro de déclaration, le nombre de jours au cours desquels ce meublé a fait l’objet d’une location par son intermédiaire (cf. arrêté du 31 octobre 2019 précisant le format des tableaux relatifs aux transmissions d’informations prévues par les articles R. 324-2 et R. 324-3 du code du tourisme)

La transmission mensuelle des données de location dont le numéro d’enregistrement des meublés de tourisme facilitera les contrôles des communes sur le respect des obligations des loueurs. Ces données comporteront notamment les coordonnées du propriétaire, des caractéristiques du logement, les caractéristiques des locations (durées, nombre de personnes, etc.).

Le règlement européen prévoit un accès à des données pour les chercheurs et les autorités compétentes en matière de régulation[7]. Cependant, et même si le règlement est d’application directe, aucune disposition réglementaire ne reprend ces principes dans les lois SREN ou Le Meur, et rien ne semblait en préparation pour le moment dans leurs textes d’application.

L’étude de Calais

La ville de Calais conduit depuis plusieurs années une politique de revalorisation de son littoral et d’attractivité touristique (Dragon de Calais inspiré des Machines de Nantes). Les actions de la collectivité ont rencontré un certain succès et la demande des acheteurs s’est accrue sur le quartier Calais Plage. Les syndics de copropriété ont fait part aux élus de Calais de difficultés de voisinage sur ce secteur, liées aux différents modes d’occupation. Les élus se sont donc posé la question d’un développement touristique qui se ferait désormais au détriment des résidents permanents. Avec le soutien de l’ANCT, la Ville de Calais a par conséquent commandé en mai 2024 une étude au Cerema pour quantifier le phénomène de développement des meublés de courts séjours.

La collectivité n’avait pas établi la procédure d’enregistrement et de changement d’usage.
Les bases de données mobilisées pour l’étude ont donc été les suivantes :

  • le fichier des déclarations préalables de meublés de tourisme (déclaration papier ou par internet grâce à l’application 3DOuest), obligatoire pour les résidences secondaires ;
  • fichiers de la taxe de séjour transmis semestriellement par chacune des plateformes conformément au Code général des collectivités territoriales[8] ;
  • des données de scrapping acquises auprès de la société AirDNA sous la forme d’un fichier décrivant les logements (fichier annonce) et d’un autre précisant mensuellement les locations (fichier des séjours)[9].

Grâce à ces sources, le Cerema a pu établir que les propriétaires des meublés demeurent très locaux : 85,2 % des investisseurs résident dans le Pas-de-Calais (avec éventuellement un biais du fait que ce sont les agences de gestions qui déclarent).

Source : fichier des déclarations de meublés – 3DOuest, CA GCTM

En outre, plus de la moitié des propriétaires ne possèdent qu’un bien en location, 93 % en possèdent ou gère 5 logements ou moins (qui totalisent 71,9 % des annonces).
Parmi les annonceurs qui disposent d’au moins 1 logement sur la commune de Calais, seuls 7 possèdent ou gèrent plus de 20 logements, dont 106 se trouvent sur la commune de Calais. Par sondage et travail de terrain, il est apparu qu’il s’agissait en fait de gestionnaires, plus que de multi-propriétaires à la tête d’un parc conséquent.

Source: AirDNA

 

Encadré n°3 : Le moissonnage des données des plateformes de location courte durée

Le moissonnage de données (web scraping), est une technique de récupération et d’organisation automatisées des données internet au moyen d’un script ou un programme. Il a pour objet de capturer des données sur des pages internet, afin de les transformer et les réutiliser pour d’autres objectifs, tels que l’enrichissement de bases de données, le référencement ou l’exploration de données. Le but de cette opération est souvent commercial, mais parfois scientifique ou politique. Cette pratique repose en partie sur un flou juridique concernant la propriété de ces données.
Concernant le moissonnage de plateformes dédiées à la LCD, il existe des acteurs commerciaux et des acteurs à but non lucratif. Les deux principaux sont :
– le site commercial AirDNA qui moissonne de manière exhaustive depuis 2016 des données de locations saisonnières de deux types de plateformes : celles du groupe Expédia (Abritel principalement concernant la France) et Airbnb ; la plateforme booking.com n’entre pas dans le champ d’investigation de cette société ;
– le site InsideAirbnb créé par l’activiste Murray COX en 2015 pour aider les acteurs publics et de la société civile à comprendre, maîtriser et contrôler le développement des LCD ; les données mises à disposition par cet acteur ne concernent que le site Airbnb.
Des universités ont également développé des outils de moissonnage des données dans le cadre de leurs recherches, ainsi que des associations agissant dans le champ du logement (Paris vs Airbnb, Observatoire Airbnb, etc).
Il est à noter que les sites internet de LCD modifient régulièrement l’architecture de leurs pages internet pour rendre le travail de moissonnage automatisé plus complexe.
Enfin, les données moissonnées sont organisées au logement et sont souvent de 2 ordres : données portant sur les séjours (durée, prix, disponibilités, etc.) et données relatives aux caractéristiques des logements concernés (capacité d’accueil, propriétaires).

Dans le cas de Calais, l’étude des propriétaires a confirmé que la collectivité ne faisait pas face à un phénomène massif de spéculation pour le moment. Ce résultat a été confirmé par ailleurs grâce à d’autres indicateurs : évolution des prix immobiliers, concentration des annonces par IRIS, évolution du parc des logements locatifs privés et des logements des propriétaires occupants, etc. En particulier, il est apparu que le parc de logements vacants, important sur la commune de Calais, permettrait encore d’accroître l’offre de meublés touristiques, sans exercer d’effet d’éviction sur le parc des résidences permanentes.

L’étude de Marseille

Une croissance rapide du nombre de locations de meublés de tourisme a été observée à Marseille depuis les années 2020, avec près de 2 000 meublés touristiques supplémentaires par an.
Un renforcement du dispositif réglementaire a eu lieu en 2021, avec la mise en place de la procédure d’enregistrement pour toute location, et de changement d’usage pour les résidences secondaires. L’autorisation de changement d’usage était, jusqu’en 2025, accordée sans obligation de compensation (c’est-à-dire sans obligation de remise sur le marché d’un local d’activité de même surface pour le transformer en local d’habitation à l’année) pour un seul logement par foyer fiscal pour les personnes physiques.

La Ville de Marseille a commandé une étude au Cerema en 2024 pour améliorer la connaissance du parc de meublés et leurs propriétaires, afin d’alimenter les réflexions sur une possible évolution de la réglementation.
La nouveauté de cette étude a été d’utiliser la base fiscale des fichiers fonciers, en plus de données plus classiques – données de taxe de séjour, celles liées aux locations de logements entiers sur les plateformes en ligne (consolidées par la société Touriz) et celles liées aux demandes de changement d’usage.
L’intérêt de croiser les données de location avec les fichiers fonciers est d’obtenir des informations supplémentaires sur le propriétaire (type de propriétaire, adresse, âge), la date de changement de propriétaire (si c’est une acquisition ou une succession, et le prix en cas d’achat intervenu après 2010), et les caractéristiques du bien (surface, année de construction).

Encadré n°4 : l’utilisation des fichiers fonciers et le croisement de données

Fichiers Fonciers :
Les fichiers fonciers sont issus de l’application MAJIC de la DGFIP, et enrichis par le Cerema. Ce sont des données issues de sources fiscales, notamment de la taxe foncière. Les fichiers fonciers apportent des informations sur les locaux (notamment les logements d’habitation), les parcelles et les propriétaires (Cerema 2017).
Les fichiers fonciers permettent de réaliser un état des lieux de la vacance des logements pour les raisons suivantes :
– les données sont exhaustives ;
– les données comprennent l’adresse postale du bien (nom de rue et numéro dans la rue), adresse à partir de laquelle tous les locaux ont été géolocalisés grâce à l’outil BAN (base adresse nationale) ;
– les données contiennent des informations sur l’occupation du logement – bien en location, vacance fiscale – ainsi que des informations détaillées sur les propriétaires – type de propriétaires, adresse, etc. ;
– les données sont mises à jour annuellement, ce qui permet la réalisation d’une analyse temporelle.

Touriz :
La Ville de Marseille a fait appel à la société Touriz afin de collecter et mettre en ordre les données de location issues des plateformes telles que Airbnb, Leboncoin, Booking, etc. Les informations ainsi collectées précisent le nom du loueur, l’adresse du bien loué, le nombre de nuits louées 2023, et permettent de faire des recoupements entre le nombre de biens loués à une adresse unique et le nombre de biens détenus par un même loueur.

Croisement de données :
Le travail a consisté à trouver, pour chaque meublé touristique déclaré, une correspondance avec un logement ou local d’activité dans la table « local » des fichiers fonciers.
Il faut ensuite croiser ces informations avec la table des propriétaires pour connaître le nom du propriétaire, sa commune de résidence (adresse d’envoi de la taxe foncière) et son âge.
Ce travail d’appariement est fondé sur la combinaison de deux variables : l’adresse postale du bien et le nom du loueur.
Le taux d’appariement est de 60 %. Quelques difficultés ont été rencontrées qu’il est difficile, voire parfois impossible, de contourner :
– certains meublés touristiques sont loués via une conciergerie pour le compte d’un particulier, et le nom du particulier n’est pas précisé ;
– certaines adresses sont imprécises (pas de numéro dans la rue) ou peu fiables (mauvais arrondissement indiqué pour une rue), ce qui entraîne une mauvaise géolocalisation du bien ou un mauvais codage de son adresse ;
– quelques meublés sont mis en location par des personnes qui sont elles-mêmes locataires du logement et non pas propriétaires ;
– les données sur les meublés portent sur les biens qui ont été loués en 2023 ; or, les dernières données fiscales à disposition sont celles du 1er janvier 2023 : cela signifie que les meublés touristiques acquis après le 1er janvier 2023 puis enregistrés rapidement après sur les plateformes de locations touristiques ne peuvent donner lieu à une identification à partir de leur local fiscal. Sur ce dernier point, une actualisation de l’analyse grâce au dernier millésime 2024 des fichiers fonciers est à l’étude.

Les résultats de l’étude peuvent être synthétisés en 4 points :

  1. Une répartition géographique des meublés qui se concentrent dans les arrondissements centraux (par exemple ils représentent 9% des logements dans le 2ème arrondissement). Mais le phénomène doit également s’apprécier à l’échelle des quartiers (IRIS), avec des phénomènes de concentration ou d’évolution forte en dehors des arrondissements fortement impactés.

Part des meublés touristiques dans le parc de logement, Marseille, 2023

Sources : Données Touriz et Fichiers fonciers

2. Une logique d’acquisition en vue de mise en location sur les plateformes : 40 % des meublés touristiques ont changé de propriétaire après 2020 ; dans le 1er arrondissement, 20 % des logements mutés après 2020 sont disponibles sur les plateformes de location touristiques et plus de 15 % du marché immobilier sont captés par les locations saisonnières dans les arrondissements centraux (1, 2, 7e) ;
3. Des propriétaires majoritairement non-marseillais : 30 % de résidents à Marseille, 40 % dans le reste des Bouches-du-Rhône, 30 % dans le reste de la France et à l’étranger
4. Une grande majorité de propriétaires détenant un seul meublé touristique (92 % des propriétaires avec un seul meublé) ; un quart des meublés touristiques détenu par des propriétaires qui possèdent également d’autres logements.

Ces résultats d’études sur les propriétaires ont pu éclairer la prise de décision sur l’évolution de la réglementation des meublés touristiques entrée en vigueur en avril 2025 – à savoir la limitation de la location des résidences principales à 90 jours par an et l’instauration du principe de compensation pour les résidences secondaires[10].

Conclusion

La connaissance des propriétaires des logements meublés de courte durée est encore imparfaite, notamment en raison de la difficulté à croiser de données disponibles. La problématique des SCI faisant écran et empêchant d’identifier les propriétaires soulève également une problématique difficile à dépasser (cf. travaux de l’INSEE à ce sujet[11]). Pourtant, cette connaissance est nécessaire pour objectiver le phénomène et adapter au mieux la réglementation en fonction des spécificités territoriales. Ainsi, l’étude du phénomène peut-elle conduire à des conclusions très contrastées selon les territoires – comme l’illustrent les cas de Calais et Marseille. Ce travail d’analyse est en outre une nécessité pour asseoir les décisions des collectivités et limiter les risques contentieux, même si les mesures de régulation sont plus faciles à appliquer depuis la loi LEMEUR. Ce texte a par exemple supprimé l’écueil de la référence à l’occupation des logements au 1er janvier 1970 pour déterminer l’usage des logements anciens.

En outre, les évolutions réglementaires et techniques prochaines faciliteront l’accès à des informations plus riches, grâce notamment à la mise en œuvre de l’API meublés prévue par la loi SREN (article 43).

En parallèle, les travaux de recherche se poursuivent. Une thèse débutera en octobre 2025 au Cerema, portant sur les effets des meublés touristiques sur les choix de mobilité résidentielle. Elle permettra d’étudier les éventuels effets d’éviction du développement des meublés de tourisme sur les ménages modestes, et de décrire les modifications d’accès aux centralités urbaines des ménages concernés par le phénomène.

Bibliographie
Adamiak, C., Marjavaara, R., 2024. Airbnb and urban population change: an empirical analysis of the case of Stockholm, Sweden. Urban Research & Practice 17, 654–680.
Andre M., Meslin O., Et pour quelques appartements en plus : étude de la propriété immobilière des ménages et du profil redistributif de la taxe foncière, INSEE, document de travail n°2021-004, nov. 2021
Ayouba K., Breuille M.-L., Grivault C., Le Gallo J., Does Airbnb Disrupt the Private Rental Market? An Empirical Analysis for French Cities, International Regional Science Review, vol. 43, n°1-2, janv. 2020.
Barron, K., Kung, E., Proserpio, D., 2021. The Effect of Home-Sharing on House Prices and Rents: Evidence from Airbnb. Marketing Science 40, 23–47.
Belloy, L. Do short-term rentals impact population movements? An analysis in six french urban areas. Université de Pau et du Pays de l’Adour, juin 2023.
EUROSTAT, Plateforme d’économie collaborative – Statistiques expérimentales, 2024
EUROSTAT,  Short-stay accommodation offered via online collaborative economy platforms – monthly data, mars 2025
DHUP, Guide pratique de la réglementation des meublés de tourisme à destination des communes, janv. 2022
Duso T., Michelsen C., Schäfer M., Ducbao Trang K., Airbnb and Rental Markets: Evidence from Berlin, SSRN , août 2022
Franco, S.F., Santos, C.D., 2021. The impact of Airbnb on residential property values and rents: Evidence from Portugal. Regional Science and Urban Economics 88, 103667.
Guerrini S., Geoffroy G., 2024. Les locations meublées de courts séjours et les plateformes – les termes du débat (1 et 2), Politique du logement.com, 2024
Oppenchaim N., Lefeuvre M.-P., Devaux J. L’hébergement Airbnb hors des grandes métropoles – Une activité plus ou moins rationalisée entre visée rentière et occupation, Réseaux 2022/6 (N° 236) 2022/6 (N° 236), pages 253 à 284, Éditions La Découverte, déc. 2022
Pelé N., Alpin C., Analyse des meublés touristiques et de leurs propriétaires à Marseille en 2023 : travaux exploratoires sur les locations saisonnières – approfondissements sur le 1er arrondissement, Cerema, 2023
Priol R., Strobel Chr., Impact économique et réglementation des meublés de tourisme, Annales des Mines – Réalités industrielles 2023/2, Éd. Institut Mines-Télécom, mai 2023
Robertson C., Dejean S., Candau F., Suire R., Belloy L., Les transformations urbaines par les plateformes numériques : Airbnb et HomeAway en Nouvelle Aquitaine, Université de La Rochelle (ULR), La Rochelle, FRA.; Université de Pau et des Pays de l’Adour; Université de Nantes, oct. 2020


[1]     Source : Estimations DHUP à partir de AirDNA. Champ : annonces publiées sur Airbnb et HomeAway, France Métropolitaine – Traitement DHUP/FE5 B. PFEIFFER (graphique repris dans GUERRINI 2024).
[2]     2024 : l’UE représente 854,1 M nuitées selon Eurostat (exploitation des données expérimentales de déc 2024). La France représente 22,5 %.
[3]     Groupe de travail qui s’est réuni 3 fois entre novembre 2022 et  juillet 2023, sous l’égide de Dominique FAURE, ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité, Olivier KLEIN, ministre délégué à la Ville et au Logement, Olivia GREGOIRE, ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme ; cf. communiqué de presse de juillet 2023
[4]     Cf. Guide pratique de la réglementation des meublés de tourisme à destination des communes, DHUP, janv. 2022
[5]     Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové
[6]     Loi n°2024-1039 du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale (dite « loi Le Meur »).
[7]     Règlement UE du 11 avril 2024, art. 12 Accès aux données, p. 16:

    1.  » L’accès aux informations transmises en vertu de l’article 9 n’est accordé à l’autorité compétente que lorsque la finalité du traitement est l’une des suivantes : le contrôle du respect des procédures d’enregistrement visées à l’article 4 ; la mise en œuvre et la garantie du respect des règles régissant l’accès aux services de location de logements de courte durée et la fourniture de tels services conformément au droit de l’Union.
    2. Ces autorités compétentes peuvent, conformément au droit de l’État membre concerné, partager des données d’activité, à l’exception de toute donnée susceptible de permettre l’identification d’unités ou d’hôtes individuels, y compris les numéros d’enregistrement et les adresses universelles des référencements […], notamment avec :
    3. les autorités chargées d’élaborer des dispositions législatives, réglementaires ou administratives concernant l’accès aux services de location de logements de courte durée et la fourniture de tels services;
    4. les entités ou personnes qui mènent des activités de recherche scientifique, d’analyse ou d’élaboration de nouveaux modèles d’entreprise, lorsque cela est nécessaire aux fins de ces activités ».

[8]     Données transmises pour chaque hébergement loué : date du séjour, date de la perception, adresse de l’hébergement, nombre de personnes hébergées, nombre de nuitées, prix de chaque nuitée lorsque l’hébergement n’est pas classé, montant de la taxe perçue, numéro d’enregistrement le cas échéant (CGCT, Art. L. 2333-34) [à ne pas confondre avec le fichier annuel que les plateformes doivent transmettre aux communes ayant instauré le n° d’enregistrement (et le changement d’usage)].
[9]     Le fichier des déclarations de séjour établies par les bailleurs sur la plateforme 3DOuest n’a pas été utilisé : il a semblé peu pertinent, car mal renseigné en ce qui concerne les séjours dont la taxe est collectée par les plateformes alors qu’Airbnb correspond à ce cas de figure et représente plus des 3/4 des nuitées [78 % exactement].
[10] Site de la Ville de Marseille concernant les mesures de régulation de meublés touristiques : https://www.marseille.fr/logement-urbanisme/logement/changements-d-usage
[11]   ANDRE, 2021

Les auteurs
Sylvain Guerrini était directeur de projet Urbanisme habitat au Cerema. Il a rejoint le SGAR Hauts-de-France à compter du 1er mars 2025.
Nicolas Pelé est responsable d’étude foncier et territoires au Cerema

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