Les besoins de locaux pour des entreprises, des équipements et des logements varient dans les territoires selon les formes de la croissance urbaine. Cela se traduit par un rythme d’artificialisation des sols différencié selon la structure urbaine du pays.
Parmi les données publiées par l’Insee sur La France et ses territoires (Insee Références 2021), nous reprenons ici celles sur la démographie des emplois et de la population car elles ont un impact direct sur l’utilisation de la ressource foncière. Ces données sont présentées selon la structure urbaine (bassins d’emploi, unités urbaines et aires d’attraction des villes selon leur taille), ce qui éclaire les effets territoriaux de la croissance urbaine sur l’artificialisation des sols. Sur cette même question, un article et un document de travail montrent ces effets à partir de données nouvelles de la DGDiP exploitées par le CEREMA, en utilisant une approche économétrique (Bocquet et Cavailhès, 2020a[1], 2020b[2]). De nombreux articles, rencontres et interviews sur la question de l’artificialisation des sols sont consultables sur Fonciers-en-débat. Le CEREMA a cartographié les évolutions par commune de la population et des emplois entre 2012 et 2017.
Figure 1
Ces résultats statistiques renvoient à l’économie urbaine et géographique qui distingue une croissance par renforcement des pôles existants par densification du bâti (dents creuses, délaissés, terres agricoles en limite du polygone bâti, etc.), par extension en tache d’huile vers des communes limitrophes, par saut de grenouille (leapfrog[3]) ou par création de villes nouvelles (edge cities, Garreau 1992[4]). Ces formes d’urbanisation ont des effets différents sur l’artificialisation des sols.
Le rôle majeur de la dynamique des emplois
La démographie des entreprises et des emplois a un rôle moteur dans la croissance urbaine. L’économie géographique montre, en effet, que les économies d’agglomération dans la production sont plus importantes que dans la consommation. Il en résulte que, plus encore que la population, l’emploi se concentre dans les grandes métropoles. « Les aires d’attraction des villes (AAV, cf. définitions) de 700 000 habitants ou plus (y compris Paris) rassemblent ainsi 43,0 % de l’emploi en 2017, soit 1,4 point de plus en dix ans. Inversement, le poids des aires d’attraction en dessous de 700 000 habitants recule, de même que celui des communes hors attraction des villes » (Insee Références 2019, p. 114).
Le Tableau 1 montre que l’évolution des emplois depuis 2000 selon la taille des zones d’emplois (cf. définitions) ne dépasse la moyenne nationale (+ 9,0%) que dans les 50 zones d’emploi ayant de 100 000 à 400 000 emplois (+ 9,6%) et surtout dans les 7 zones d’emploi qui en comptent plus de 400 000 (+ 14,8%). Dans les 95 zones d’emploi les plus petites, l’évolution a été de + 2,5%. Un recul relatif des emplois par rapport à leur poids national s’observe dans les zones ayant moins de 100 000 emplois.
Tableau 1. Emplois et évolution de 2000 à 2017 selon la taille des zones d’emploi.
Les entreprises consomment moins de foncier que les logements (respectivement 25% et 68% entre 2009 et 2019[5]), mais elles sont la force essentielle qui tire – ou non – la croissance économique, et l’artificialisation des sols qui en résulte.
Un des modèles économétriques de Bocquet et Cavailhès (2020b [2]) confirme ce rôle essentiel des emplois en distinguant les effets de l’évolution des emplois et de la population sur l’artificialisation des sols (cf. encart 1). Lorsque le nombre d’emplois double dans une unité urbaine ou une commune rurale, le nombre d’hectares artificialisés, toutes choses égales par ailleurs, est multipliée par presque deux et demi. Lorsque c’est le nombre d’habitants qui double, le nombre d’hectares artificialisés progresse moins : + 90 %. Les auteurs expliquent cette différence par les effets différents des économies d’échelle et d’agglomération : « pour les habitants, il y a des gains de bien-être lorsque la population augmente (variété des biens et services offerts sur les marchés, vie culturelle et sociale, etc.) mais avec des coûts accrus (coût foncier, densité, insécurité, pollution de l’air). Les effets négatifs de la concentration pour les entreprises existent (concurrence, congestion) mais ils sont moindres » (Bocquet et Cavailhès, 2020b, p. 10).
Encart 1. Données et méthode
Bocquet et Cavailhès (2020a, 2020b) utilisent des données communales sur l’artificialisation des sols, mises en ligne par le CEREMA[6]. Elles proviennent de la DGFiP, qui utilise le système d’information « MAJIC » (mise à jour de l’information cadastrale) dans lequel sont inscrites les données des 100 millions de parcelles du territoire, leurs 44 millions de propriétaires et les 52 millions de locaux. Le Cerema retraite et enrichit ces données en distinguant deux catégories : le foncier considéré comme naturel, agricole et forestier et le reste (bâti, mais aussi jardins, terrains d’agrément, etc.) qui sont les parcelles nouvellement soumises à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). Les « Fichiers fonciers » qui en résultent donnent une « photographie » du territoire au 1er janvier de l’année à une maille communale.
Les auteurs font des régressions multiples dans lesquels la variable expliquée (le nombre d’hectares nouvellement bâtis par unité urbaine ou commune rurale entre 2009 et 2017 ou 2018) dépend de leur population et/ou de leurs emplois et de variables rendant compte de l’hétérogénéité de l’espace (navettes domicile-travail, constructibilité des sols, littoral, climat, part de l’agriculture, etc.). On obtient ainsi des effets spécifiques de chacune des variables explicatives, toutes choses égales par ailleurs.
Les données de Insee Référence montrent que les emplois et la population influencent la croissance démographique, mais ces résultats n’ont guère de sens si les communes ne sont pas positionnées dans l’espace urbain. L’appartenance à une unité urbaine (ou non) et à une couronne (ou non), la distance au pôle urbain de proximité et sa taille sont les éléments clés de la structure urbaine du pays (cf. définitions). Pour les prendre en compte, il faudrait des tableaux d’une taille telle qu’ils seraient peu lisibles.
Les modèles économétriques permettent de pallier cette difficulté en raisonnant « toutes choses égales par ailleurs », ce qui permet d’approcher le rôle « spécifique » d’une variable sur une autre. Bocquet et Cavailhès (2020a, 2020b) estiment ainsi le rôle de différentes variables sur l’artificialisation des sols en contrôlant d’autres déterminants, non seulement ceux de la structure du système urbain évoqués ci-dessus, mais aussi les effets de l’appartenance au littoral, du poids de l’agriculture dans la commune, du climat, etc. Cela permet d’obtenir l’effet spécifique du nombre d’emplois, de la population, de la distance au pôle de rattachement, etc.
Il fallait insister, en premier lieu, sur l’importance des emplois dans les dynamiques urbaines. Mais « croissance de la population et de l’emploi vont souvent de pair : un marché du travail dynamique attire de nouveaux habitants et une démographie dynamique stimule les services aux ménages » (Insee Références 2021, p. 9). Nous en venons donc à la population.
La dynamique de la population suit celle des emplois
En moyenne, la croissance de la population est la plus rapide dans les plus grandes aires d’attraction des villes (700 000 habitants ou plus). « Entre 2007 et 2017, la population [en France] a augmenté de 0,5 % par an. Le dynamisme démographique des aires d’attraction des villes diffère selon l’importance de leur population. Dans l’aire de Paris, la plus peuplée avec 13 millions d’habitants en 2017, la population évolue comme la moyenne nationale (+ 0,5 % par an). Les autres aires de 700 000 habitants ou plus connaissent le plus fort dynamisme démographique, + 0,9 % en moyenne par an sur la période » (Insee Références 2021, p. 112). Les auteurs précisent que « la croissance dépasse 1 % par an pour les aires de Montpellier, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Rennes et Lyon. Seul le dynamisme démographique de celles de Grenoble, Lille et Marseille‑Aix‑en‑Provence est inférieur à 0,5 % » (Idem, p. 112).
La croissance démographique de ces 13 très grandes AAV est plus que deux fois plus rapide que celle des AAV plus petites ou que celle de l’espace hors AAV. En effet, « en deçà de 700 000 habitants, le taux de croissance de la population est moindre, entre + 0,4 % en moyenne pour les aires de 200 000 à moins de 700 000 habitants et + 0,1 % pour celles de moins de 50 000 habitants. Les baisses de population se concentrent parmi les plus petites aires. La moitié des aires de moins de 50 000 habitants perdent des habitants, contre un quart pour celles ayant de 50 000 à 200 000 habitants et seulement 6 pour les 60 aires comptant 200 000 habitants ou plus » (Insee Références 2021, p. 112).
Les résultats économétriques sur l’artificialisation des sols sont cohérents avec ces données démographiques. Toutes choses égales par ailleurs, « les conversions [de terres] à des usages urbains dans les communes rurales sont inférieures à celles des unités urbaines. Par rapport à une commune de 1 500 habitants, le nombre d’hectares convertis par commune est environ deux fois plus faible dans une commune de 400 habitants. Il est plus de trois fois plus élevé dans une ville de 150 000 habitants et près de quatre fois plus si elle en compte 600 000 » (Bocquet et Cavailhès, 2020a, p. 873). Pour les auteurs, l’unité de compte du nombre d’habitants et du nombre d’hectares artificialisés est l’unité urbaine lorsqu’elle existe (cf. définitions) ou sinon la commune rurale (cf. définitions).
Les modalités de la croissance urbaine
L’Insee met en évidence trois des quatre modalités de croissance urbaine définies par l’économie urbaine. La quatrième, celle des villes nouvelles, n’est pas présente dans la période étudiée, alors qu’elle l’a été dans les années 1960 (cf. les villes nouvelles de l’Île-de-France).
Renforcement des pôles existants. Le millésime « 2020 » de découpage des unités urbaines (cf. définitions, dates) est utilisé pour le recensement de 2017, et le millésime « 2010 » pour celui de 2007, ce qui permet de montrer que « en 2017, 79,2 % de la population vit dans une unité urbaine ‘2020’ contre 78,5 % mesuré dix ans auparavant pour les unités urbaines ‘2010’. Sur la période, la population augmente de 4,2 % dans les 7 060 communes qui sont dans une unité urbaine en ‘2010’ et en ‘2020’ » (Insee Références 2019, p. 94). La part de la population qui habite dans une unité urbaine approche 80 % en 2017 et elle s’est accrue depuis 2007. Ceci ne tient pas compte des communes qui se sont ajoutées ou qui ont quitté une unité urbaine au cours de la période : en raisonnant à géographie constante, le nombre d’habitants par kilomètre carré a augmenté de 4,2 % durant ces dix années, ce qui correspond à une « densification moyenne » des terres de la commune, qui peut revêtir différentes formes : comblement de dents creuses, récupération de délaissés ou friches urbaines, construction d’immeubles hauts, utilisation de terres agricoles disponibles dans le pôle, etc.
Cette modalité de croissance urbaine par renforcement résulte souvent d’un solde naturel positif : des ménages font le choix de rester en ville après la naissance d’un premier enfant.
Tache d’huile. « Les 520 communes appartenant nouvellement à une unité urbaine « 2020 » [définitions] apportent 860 000 nouveaux habitants tandis que 163 000 personnes habitent les communes n’appartenant plus à une unité urbaine. Les communes qui se sont intégrées aux unités urbaines entre « 2010 » et « 2020 » sont caractérisées par un rythme de croissance élevé de leur population, s’établissant à 16,2 % en 10 ans. En France, l’augmentation a été de 4,7 % sur la période ». (Insee Références 2019, p. 94). Les communes qui n’étaient pas urbaines en 2007 et qui le sont en 2017 sont situées à la périphérie immédiate des unités urbaines, qui se sont étendues par tache d’huile. Ces communes étaient, pour la plupart, rurales en 2007 et sont devenues de petites communes urbaines en 2017, dans le découpage 2020 des unités urbaines (population moyenne : 1430 habitants). Ces petites communes « ex-rurales », pourrait-on dire, connaissent une augmentation de la population particulièrement élevé : + 16,2% en dix ans.
Les mécanismes habituels de la localisation résidentielle expliquent cette attractivité de petites communes qui s’intègrent aux unités urbaines : les terrains sont moins chers que dans le cœur des villes, les avantages du centre (accès à l’emploi, aux équipements publics ou privés, transports en commun) ne nécessitent qu’un surcoût de déplacement modéré depuis une localisation très proche, et d’autres avantages peuvent exister (moindre densité, paysages, etc.).
Pour les entreprises, une localisation en banlieue présente des avantages plus importants que pour les ménages. Non seulement les inconvénients d’un hyper-centre sont évités (coût foncier, pollution, nuisances pour les riverains, etc.), mais c’est souvent en périphérie immédiate des unités urbaines que l’accessibilité est la meilleure. En effet, les rocades facilitent l’approvisionnement en moyens de production et l’écoulement lointain des produits grâce à des bretelles autoroutières, et les entreprises et les commerces sont proches du barycentre des clientèles locales des centres-villes et du périurbain, comme le montre l’attrait des centres commerciaux de banlieue.
Les modèles économétriques, en introduisant des seuils de distance aux pôles (moins de 5 minutes de trajet, de 5 à 10 minutes, etc.) permettent de confirmer les conséquences des conclusions de l’Insee sur l’artificialisation des sols. L’artificialisation des sols à proximité immédiate du centre (moins de 5 minutes de trajet) est peu fréquente, tant pour les ménages que pour les entreprises : au centre-ville, il y a peu de terrains disponibles et ils sont chers. Dans les communes de banlieue ou périurbaines peu éloignées (5 à 15 minutes de trajet), les ménages trouvent des aménités vertes sans être trop éloignés des emplois urbains. C’est là que se situe le pic de l’artificialisation. Celle-ci est moindre au-delà d’une quinzaine de minutes de distance. Les entreprises privilégient les rocades ou boulevards extérieurs où l’accessibilité vers des régions éloignées est bonne et où les commerces desservent des ménages habitant en-deçà (ville) et au-delà (couronne).
Saut de grenouille. L’expression imagée d’une croissance urbaine en saut de grenouille désigne une forme particulière d’étalement urbain : des ménages ou des entreprises s’établissent dans des communes rurales ou des bourgs urbains en sautant au-delà d’espaces qui restent agro-forestiers. Cela recouvre la périurbanisation dans des couronnes d’AAV. L’Insee note que « au sein des aires [AAV], les périphéries des villes sont plus dynamiques que les pôles : dans les couronnes, le solde migratoire est positif, de nombreux ménages quittant les pôles pour s’installer en périphérie. (…) La croissance démographique est plus forte dans les communes rurales sous influence d’un pôle, témoignant de la poursuite de la périurbanisation. La situation des communes les moins denses contraste avec le reste du rural : leur population stagne sur dix ans [2007-2017] » (Insee Références 2019, p. 69). Un « solde migratoire positif » dans les couronnes demande de nouveaux logements : il peut y avoir transformation de résidences secondaires et résidences principales ou récupération de logements vacants, mais ces modalités sont moins fréquentes que celle de logements construits sur des terres nouvellement artificialisées. Les données de l’Insee utilisées ici ne permettent pas de savoir où se localisent ces migrants. D’autres travaux (cf. infra) apportent des précisions sur ce point.
L’effet démographique moyen de ces évolutions contrastées est tel que « entre 2007 et 2017, la croissance de la population est plus forte dans le rural : la population a augmenté de 0,38 % en moyenne annuelle dans les communes urbaines et de 0,66 % dans les communes rurales » (Insee Références 2019, p. 69). C’est un résultat intéressant, mais dont l’interprétation économique n’est pas possible sans tenir compte du positionnement dans le système urbain.
L’interprétation économique de ces résultats renvoie aux déterminants des migrations résidentielles à courte distance : les migrations résultent d’une décision « active », alors que le lieu où on nait et celui où on meurt renvoient à des déterminants plus « passifs ». En dehors de l’AAV de Paris, l’effet du solde migratoire sur la démographie l’emporte toujours sur celui du solde naturel, d’autant plus que l’AAV est moins peuplée.
L’Insee observe que lorsque des habitants de l’urbain [i.e. d’une unité urbaine ; cf. Définitions] viennent s’installer dans le rural [i.e. en dehors d’une unité urbaine], les deux tiers vont dans une commune périurbaine [le tiers restant allant dans une commune hors attraction d’un pôle], avec une préférence pour celles sous forte influence d’un pôle. Les communes les moins denses sont peu attractives, aussi bien pour les urbains que les ruraux qui déménagent.
Densification, tache d’huile et saut de grenouille au niveau infra-communal. Le SDES obtient des résultats qui complètent ceux de l’Insee en se situant à un niveau infra-communal, celui des polygones de la base de données Corine land cover (CLC)[7]. Les auteurs distinguent la densification (permis de construire dans des polygones définis comme urbains par CLC), les constructions « en continuité de bâti » (i.e. en tache d’huile), par « artificialisation de masse » (i.e. création d’un lotissement, d’un hameau ou d’une ville nouvelle) ou par « mitage » (autres constructions, éparpillées), ces deux dernières correspondant à ce que nous appelons « saut de grenouille ».
Tableau 2
A cette échelle des polygones de CLC, la densification apparaît comme la forme la plus répandue, tant en nombre de permis de construire que de surfaces artificialisées. L’extension par tache d’huile suit, puis l’artificialisation de masse par construction de nouveaux noyaux urbains sur des terres jusque-là agricoles.
Le carroyage du territoire en carreaux de 200 mètres de côté devrait permettre d’affiner l’analyse à un niveau d’échelle encore plus fin. Nous ne connaissons pas d’applications qui analysent la croissance urbaine à ce niveau de précision.
Conclusions
La croissance démographique et ses effets sur l’artificialisation des sols sont très inégaux sur le territoire. Concernant le premier aspect, l’Insee montre que « la croissance démographique est globalement plus forte dans les très grandes aires d’attraction des villes, près des littoraux à l’ouest et au sud ainsi qu’en Corse, le long de la frontière suisse, de même qu’en Guyane et à La Réunion. À l’inverse, une grande partie des territoires situés sur une diagonale du nord‑est vers le sud‑ouest, en épargnant la frontière allemande et en s’arrêtant au nord de Toulouse, sont en déprise démographique. (…) Des territoires connaissent une déprise conjointe de la population et de l’emploi ». (Insee référence, p. 9). Cette conclusion synthétique de l’Insee relativise certains discours (par exemple sur un « exode urbain », sur « small is beautiful », etc.). Il est trop tôt pour savoir si les effets de la pandémie actuelle inverseront ces tendances lourdes (attrait des villes moyennes, « pierre verte » pour reprendre une expression heureuse du Conseil du notariat).
Concernant le second aspect, Bocquet et Cavailhès concluent que « l’urbanisation consomme des terres surtout dans les très grandes unités urbaines, d’autant plus qu’elles sont grandes et que la localisation est proche du centre urbain. Elle opère plus par construction sur de nouvelles parcelles dans les métropoles, donc surtout là où les ressources foncières sont rares, que sur des terrains en périphérie » (Bocquet et Cavailhès, 2020a, p. 880).
Ces deux aspects sont reliés : il faut des terrains pour accueillir de nouveaux locaux d’activités, des équipements ou des logements là où les forces économiques attirent des travailleurs et des ménages, il en faut moins lorsque la démographie des entreprises et des ménages est atone. C’est une évidence qu’on oublie souvent dans une approche nationale de la question de l’artificialisation des sols « avec, par exemple, des effets de tribune parlementaire (lorsqu’un sénateur dit que ‘un département est artificialisé tous les sept ans’), ou des slogans gouvernementaux (comme ‘Zéro artificialisation nette’). (…) L’analyse des déterminants au niveau des communes, qu’il s’agisse des effets de la métropolisation ou de ceux d’aménités naturelles (littoral, climat), plaide pour des approches locales de la question » (Bocquet et Cavailhès, 2020a, p. 881).
Définitions
Nous indiquons ici les caractéristiques principales des catégories d’espaces définies par l’Insee, dont on trouvera les définitions précises sur le site de l’institut.
Aire d’attraction des villes. Zonage qui se substitue au zonage en aire urbaines, il est constitué des 699 pôles d’attraction des villes et de leurs couronnes. Un pôles d’attraction des villes est un ensemble de carreaux contigus d’un kilomètre de côté de plus de 1 500 habitants/km² où vivent plus de 50 000 habitants. Une couronne est constituée des communes qui envoient au moins 15 % de leurs actifs travailler dans un pôle.
Commune urbaine. Jusqu’en 2020, il s’agissait des communes appartenant à une unité urbaine. Depuis novembre 2020, une commune urbaine est une commune dense ou de densité intermédiaire au sens de la grille communale de densité. Les communes peu denses ou très peu denses sont dites rurales.
Commune rurale. Une commune rurale est une commune peu dense ou très peu dense au sens de la grille communale de densité. Dans cet article, sont considérées comme rurales les communes qui n’appartiennent pas à une unité urbaine, ce qui correspond à la définition précédente des communes rurales. La grille de passage de l’ancienne à la nouvelle définition n’a pas été établie.
Dates (recensements, unités urbaines). Le recensement 2007 (resp. 2017) concerne les recensements annuels de 2005 à 2009 (resp. 2015 à 2019). Le découpage des unités urbaines est un travail assez lourd (il faut repérer les bâtiments séparés par moins de 200 mètres dans une tache urbaine) qui est réalisé environ tous les 10 ans. Le découpage ‘2010’ (resp. : ‘2020’) est utilisé pour le recensement ‘2007’ (resp. ‘2017’).
Unité urbaine. Commune ou ensemble de communes présentant une zone de bâti continu (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) qui compte au moins 2 000 habitants. Remarque. Certaines communes urbaines comptent moins de 2000 habitants lorsque le critère de la continuité du bâti les rattache à une unité urbaine. Lorsqu’une unité urbaine est constituée d’une seule commune, on la désigne sous le terme de ville isolée.
Zone d’emploi. Ensemble de communes dans lequel la plupart des actifs résident et travaillent, et où les établissements peuvent trouver l’essentiel de leur main‑d’œuvre. Ce zonage repose sur les déplacements domicile-travail, alors que les AAV prennent en compte d’autres variables (densité, taille des pôles urbains). La France est découpée en 305 zones d’emploi, alors qu’elle compte 699 pôles d’attraction des villes.
[1] Bocquet M., Cavailhès J., 2020a. Conversion urbaine de terres et métropolisation du territoire, Revue d’Economie Régionale et Urbaine, n° 5, pp. 859-886.
[2] Bocquet M., Cavailhès J., 2020b. Land take for housing and business in France: Determinants of the urban conversion of undeveloped land, working paper, 14 p.
[3] D.E. Mills, 1981, Growth, speculation and sprawl in a monocentric city, Journal of Urban Economics, Vol. 10 (2), pp. 201-226.
[4] Garreau J., 1991, Edge City: Life on the New Frontier, New York, Doubleday, AnchorBooks, 550 p.
[5] Bocquet M., 2019. L’artificialisation et ses déterminants d’après les Fichiers fonciers, CEREMA, p. 5.
[6] Portail de l’artificialisation des sols (biodiversitetousvivants.fr).
[7] Albizzati C., Poulhes M., Parraud J.S., 2017. « Caractérisation des espaces consommés par le bâti en France métropolitaine entre 2005 et 2013 », SDES, CGDD/MTES, Insee Références, décembre, pp. 73-85. Sur ce sujet, voir Cavailhès Jean, « Zéro artificialisation nette des sols » en 2050 ?