L’ auteur qui s’est fait connaître par La Fracture française (2010) puis La France périphérique (2014) est avant tout géographe, et c’est à nouveau une approche territoriale des classes sociales qu’il propose au lecteur. On sait bien que le territoire n’est pas homogène et qu’il existe une géographie sociale, elle-même mouvante, avec des espaces de peuplement fort contrastés. Mais il s’agit d’un patchwork complexe : ainsi, dans une grande métropole, il n’est pas rare de trou- ver des quartiers dont les valeurs immobilières moyennes varient du simple au double à moins de deux kilomètres de distance. Alors, lorsque l’auteur nous présente sur un quart de page, une «carte de France des prix immobiliers » qui est censée faire ressortir « les contours des nouvelles citadelles », on reste un peu surpris et dubitatifs. Et quand il oppose (p. 185) « la France périphérique » et « la France métropolitaine », pour y voir une « fracture territoriale » entre « catégories supérieures hypermobiles » et « classes polaires précarisées », on commence à se demander si ce n’est pas depuis la planète Mars que l’auteur a mené ses observations pour parvenir à de telles généralisations inopérantes à force de schématisation.
En lançant le concept de « marronnage des classes populaires » qui ont « brisé les chaînes de leurs appartenances politiques traditionnelles », l’auteur laisse entendre que ces classes populaires se seraient déplacées, quittant les métropoles pour la France périphérique, comme le faisaient les « nègres marrons » qui fuyaient les plantations esclavagistes. Mais où aurait-on observé de tels déplacements de population. Le ménage qui quitte un quartier dense parce qu’il a eu des enfants et qu’il souhaite habiter plus au large, est-il en train de briser ses chaînes ? Ses mêmes enfants qui, quittant la famille, iront sans doute s’installer plus tard dans une métropole le temps de faire des études, devien- dront-ils esclavagistes ? On est en plein crépuscule des concepts.