L’empreinte de l’homme sur la croute terrestre est devenue si profonde que les géologues ont forgé le concept d’anthropocène. Prenant en compte la progression spectaculaire des techniques qui étend, année après année, le champ des possibles, le propos de l’ouvrage est de tenter d’imaginer jusqu’où cela peut nous conduire. Car l’humanité est parvenue à un nouveau stade de relation avec la nature. Devenue parfaitement consciente de l’impact de ses activités sur le milieu naturel et des inconvénients que cela présente pour son propre mode d’existence, voir pour sa survie, c’est maintenant une entreprise de réparation de la planète qui semble s’engager, grâce à un surcroît d’intervention et de dénaturation. La mise en place encore balbutiante du marché carbone en offre une première illustration puisqu’il s’agit d’un mécanisme devant permettre aux industries de poursuivre les dégradations environnementales dues aux activités les plus rentables, à condition d’en compenser les dégâts en protégeant la nature d’autres dégâts infligés par des activités traditionnelles beaucoup moins rentables, en pratique, « protéger » de vastes forêts en Afrique ou en Amérique latine contre les populations qui en vivent sans dégager de marges financières.
Cependant le déploiement observable du « géo-constructivisme », terme de l’auteur servant à désigner « la politique globale qui a généré les changements climatiques et les solutions technologiques qui sont proposées pour les réguler », paraît conduire à des interventions d’une toute autre ampleur, comme la création, à trente kilomètres d’altitude, d’un bouclier de régulation du rayonnement solaire. Qui réglera le thermostat ? Il ne s’agit même plus de « protéger la planète » mais, à proprement parler, de la domestiquer plus complètement : intervenir davantage sur la nature, modifier les espèces existantes, voire recréer des espèces disparues, pour mieux la conformer aux besoins de nos économies.