Charles Claron est doctorant en économie écologique à l’École nationale des Ponts et Chaussées. Il mène une thèse sur « L’intégration des valeurs des sols dans la gouvernance foncière française ». Dans le cadre du projet de recherche ZIZANIE[1] , il a récemment publié un Working Papper intitulé « Transiger sur l’artificialisation. Permis transférables et neutralité de dégradation des sols : le cas de l’objectif ZAN en France »[2]. Corédigé avec Harold Levrel, Olivier Coutard et Vincent Jalabert, ce rapport explore la pertinence des systèmes de permis transférables pour la régulation de l’artificialisation des sols. Dans cet entretien, il revient sur les apports théoriques et empiriques de ce travail, à la lumière de l’actualité de l’objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN).
Votre étude est centrée sur les permis transférables, pourquoi s’intéresser à ces instruments pour accompagner le ZAN ?
Face à l’impératif d’une gouvernance durable des sols, de nombreuses juridictions européennes adoptent des objectifs de réduction ou de neutralité de l’artificialisation des sols. Cependant, la mise en œuvre de ces objectifs soulève des défis socio-économiques (efficacité, équité, équilibre territorial) nécessitant un assemblage varié d’instruments d’action publique. Parmi ceux-ci, les instruments dits «économiques » jouent un rôle clé. Leur fonction principale est de modifier les incitations économiques pour orienter les choix en faveur de la préservation, de la restauration ou d’une artificialisation raisonnée des sols. Ils peuvent également soutenir des modèles économiques valorisant la santé des sols, tout en favorisant une répartition plus équitable des rentes foncières.
En France, l’élaboration de la politique de “lutte contre l’artificialisation” a suscité de nombreux travaux scientifiques, parlementaires ou administratifs qui se sont majoritairement concentrés sur la réforme de la fiscalité foncière. Cette piste a toute sa pertinence, puisque l’outil fiscal permet de modifier les «signaux prix» qui influencent les décisions en matière d’aménagement, mais elle a relégué l’étude d’autres instruments économiques au second plan, comme les systèmes de “permis transférables” (PT). Partant de l’hypothèse que ce type d’instrument est congruent avec la logique de rationnement du dispositif ZAN, notre intention était de compléter la littérature en explorant l’intérêt et les limites des permis transférables pour la maîtrise de l’artificialisation des sols.
À quoi correspondent ces “permis transférables” ? Et quels pourraient être les intérêts et les inconvénients de ces instruments pour la protection des sols ?
Les “Permis transférables” (PT) désignent une catégorie d’instruments économiques dont le principe commun est d’articuler des mécanismes de rationnement et de flexibilité. Ces dispositifs reposent sur la fixation d’un objectif quantifié par une autorité (réduction d’émissions, dégradation ou prélèvement), traduit sous la forme de permis associés à la consommation ou à la dégradation d’une unité biophysique. Ces permis sont ensuite alloués à des acteurs cibles (entreprises, pêcheurs, propriétaires, collectivités, etc.) et peuvent être utilisés directement ou transférés dans le temps, l’espace ou entre agents régulés. Dans ce dernier cas, on parle de système de “cap-and-trade”, traduit en français par “quotas échangeables” ou “marchés de droits”. Ce mécanisme est par exemple appliqué aux entreprises des secteurs industriels soumis au système européen d’échange de quotas d’émission carbone (SEQE-UE), ou dans les systèmes de quotas de pêche.
D’après la théorie économique, les PT présentent des propriétés intéressantes pour les politiques environnementales. Premièrement, en régulant par les quantités plutôt que par les prix, ils garantissent une meilleure intégrité environnementale en assurant le respect de l’objectif de protection. Deuxièmement, ils procurent de la flexibilité aux acteurs régulés : les mécanismes de transfert permettent d’adopter les solutions les plus adaptées pour atteindre l’objectif environnemental. Ils permettent aussi de piloter les enjeux distributifs grâce aux règles d’allocation initiale et d’échange des permis qui facilite la répartition des coûts et bénéfices des efforts de rationnement entre les acteurs cibles. Ils produisent enfin de “l’efficacité économique” : la possibilité d’échange permet de tirer parti du caractère décentralisé des informations, réduisant ainsi le coût social total de l’atteinte des objectifs, par rapport à des restrictions réglementaires.
Cette efficacité économique doit néanmoins être relativisée. En pratique, elle dépend de la complexité des systèmes de PT, et singulièrement des coûts des opérations nécessaires à leur administration : définition, distribution, et échanges des permis, suivi, contrôle et sanction des acteurs, etc. Lorsque ces coûts sont élevés, des alternatives réglementaires ou fiscales peuvent s’avérer plus efficaces. Or, l’application de systèmes de PT à la ressource foncière présente une difficulté. Contrairement aux émissions de gaz à effet de serre, la dégradation des sols est une pollution non uniforme : ses impacts varient selon l’intensité d’artificialisation, la qualité des sols affectés et leur localisation. Garantir l’équivalence écologique des permis échangés est alors difficile, donc coûteux, ce qui nécessite d’arbitrer entre l’efficacité économique et l’intégrité environnementale des dispositifs.
Ainsi, la pertinence des PT pour réguler l’artificialisation, ne peut pas être postulée dans l’absolu. Elle doit être appréciée au cas par cas, en fonction des coûts d’administration et des contextes institutionnels et organisationnels de ces dispositifs. Comme on le verra, elle dépend notamment du type de dégradation des sols que l’on souhaite limiter.
Y a-t-il eu des applications d’outils de ce type à la ressource foncière ? Quelles sont les fonctions et limites de ces instruments dans ce cadre ?
En matière de régulation des changements d’affectation des sols, les systèmes de PT ont été déclinés selon trois formules principales. Ces variantes se distinguent par les acteurs qu’elles ciblent et la nature des “permis” définis et échangés.
Les plus étudiés par la littérature sont les instruments de droits à construire transférables entre propriétaires. Ces outils de pilotage de l’urbanisation permettent des transferts de droits entre propriétaires fonciers de zone à préserver et ceux de zones à urbaniser. Fréquemment mobilisés aux États-Unis ainsi que dans certains pays européens (Pays-Bas, Italie), ces outils assurent des fonctions diverses, telle que l’amélioration de l’équité et de l’acceptabilité des instruments de zonage, en organisant une péréquation des rentes foncières entre propriétaires d’un même territoire. En France, un mécanisme similaire existant avec le «transferts de Coefficient d’occupation des sols (COS) ». Mais son application est restée marginale et il était critiquée car il permettait de contourner le principe de non-indemnisation des servitudes d’urbanisme. Ce dispositif a disparu avec la suppression des COS par la loi ALUR (2014).
La compensation écologique est aussi considérée comme une forme de PT. Ce dispositif conditionne un changement d’affectation des sols à l’obtention d’un titre sanctionnant une équivalence écologique entre les dégradations anticipées d’un aménagement, et des mesures compensatoires planifiées par un maître d’ouvrage. Ce titre peut prendre la forme d’autorisation administrative ou de véritables permis échangeables, comme dans le cas de la compensation par l’offre mise en œuvre en France via les « Sites naturels de compensation ». Cette variante vise une « absence de perte nette de biodiversité », mais son effectivité est limitée par des contraintes et dérives multiples. Dans le cadre de la « lutte contre l’artificialisation », il a été proposé de décliner ce principe sous la forme de systèmes de permis à artificialiser contre renaturation. Cela semble néanmoins redondant puisque le Code de l’Environnement prévoit déjà que la dégradation des fonctions assurées par les sols soit prise en compte dans la démarche « Éviter-réduire-compenser », au même titre que les atteintes aux espèces protégées ou aux zones humides[3].
La dernière formule mise en avant par la littérature est celle des permis d’ouverture à l’urbanisation transférables entre communes (ou autorités compétentes en matière d’urbanisme). Cette variante s’articule à la prérogative communale de réglementer la constructibilité via leurs documents d’urbanisme. L’ouverture de nouvelles zones à l’urbanisation est conditionnée à la détention de “permis” équivalents, dont le total est fixé à des échelles régionales ou nationales et répartis entre les communes selon des critères, qui peuvent être démographiques ou géographiques. Les échanges de permis font apparaître un prix qui crée une incitation à la sobriété foncière : une commune peut choisir de vendre ses permis plutôt que d’ouvrir une zone à l’urbanisation.
Ces « permis d’ouverture à l’urbanisation transférables » ont-ils déjà été mis en œuvre pour limiter l’artificialisation des sols ? Pour quels résultats ?
À ce jour, aucun système de permis d’ouverture à l’urbanisation transférables n’est en vigueur, bien que cette solution soit envisagée dans plusieurs pays européens ayant adopté des objectifs de réduction de l’artificialisation. Cependant, notre rapport revient sur une expérimentation qui mérite d’être soulignée.
En 2002, l’Allemagne s’est dotée d’un objectif non contraignant de limitation de sa consommation foncière. Dans ce contexte, plusieurs projets de recherche[4], alliant des travaux d’économie théorique et expérimentale, ont précisé la forme et le fonctionnement que pourrait adopter un système d’échange de certificats entre communes et étudié la faisabilité et l’efficacité de cet instrument. Dans cette préfiguration, l’autorité fédérale émet un nombre limité de certificats, attribués aux communes selon des critères démographiques. Ces derniers peuvent être échangés à intervalles réguliers lors de bourses d’échanges, où le prix du certificat est déterminé par un système d’enchère double. Les communes ont également la possibilité de générer des « certificats blancs » en renaturant des espaces ou en procédant à des rétrozonages.
Les simulations réalisées avec des étudiants et des représentants de communes ont produit des résultats encourageants, mettant en évidence l’efficacité économique de ce système ainsi que sa capacité à équilibrer les rentes foncières entre communes et à atteindre les objectifs de maîtrise de l’artificialisation. Cependant, ce système n’a pas fait l’objet de traduction législative. Dans les deux Länder où il a été proposé, il a été rejeté par les parlements, car adopter un objectif contraignant de restriction de l’artificialisation à cette échelle aurait été économique désavantageux sans une harmonisation fédérale. Cet échec éclaire, par contraste, les avantages du centralisme français, où la loi « climat et résilience » dispose un objectif « Zéro artificialisation nette » à l’échelle nationale.
Justement, comment se positionne la politique ZAN par rapport à ces instruments de PT ?
En examinant le dispositif ZAN au prisme d’une grille d’analyse des systèmes de PT, notre étude montre que celui-ci constitue un cas inédit en Europe de mise en œuvre d’un instrument analogue à un système de permis d’ouverture à l’urbanisation partiellement transférables entre communes. Analogue, car il définit une enveloppe nationale de consommation foncière (approximativement 122 000 ha sur la période 2021-2031) qui doit être répartie entre les communes. Toutefois, sur le plan juridique, la régulation du pouvoir des communes de réglementer la constructibilité s’opère par le jeu des documents d’urbanisme et pas par un système de permis. Cela n’empêche pas le dispositif ZAN de prévoir des mesures comparables à des formes de transférabilité. En effet, depuis la loi « ZAN » de 2023, toutes les communes dotées d’un document d’urbanisme bénéficient d’une surface minimale de consommation foncière de 1 hectare. Elles ont aussi la possibilité de mutualiser les droits issus de cette « garantie communale » à l’échelle d’un EPCI. Ce mécanisme est comparable à une forme de transfert de permis à titre gracieux entre communes – depuis la commune qui concède son droit, vers celle sur le territoire de laquelle est sera développé l’aménagement intercommunal. Il est d’ailleurs loin d’être anecdotique puisque les permis alloués par la garantie communale représentent près de 25% de l’enveloppe nationale de “permis” d’artificialiser.
Notre étude souligne également que le dispositif ZAN n’est pas un instrument de neutralité de dégradation des sols, car les « permis » alloués ne tiennent compte que de la dimension surfacique de l’artificialisation, négligeant à la fois son intensité variable et ses effets nuancés selon la qualité et la localisation des sols affectés. Il s’agit donc d’un instrument de sobriété foncière.
Faut-il introduire une transférabilité pécuniaire des « quotas » d’artificialisation et s’approcher d’une forme plus «pure» de systèmes de PT ?
C’est une question importante ! La nature exploratoire de notre recherche ne permet pas d’y répondre, mais nous proposons des pistes de réflexions et de recherches pour nourrir le débat.
D’une part, une transférabilité des quotas pourrait créer des incitations inédites à ne pas artificialiser et à restaurer les sols, tout en améliorant la flexibilité du dispositif ZAN. C’est d’ailleurs dans ce but que le 120e congrès des Notaires a récemment adopté une proposition visant à instaurer un « système de réallocation des droits à artificialiser » à l’échelle régionale[5]. Elle pourrait, en outre, conduire à organiser un transfert économique depuis les communes en développement vers les communes rurales, relativement bien dotées en quota, du fait du mécanisme de « garantie rurale ». La transférabilité apporterait ainsi une réponse à l’une des principales préoccupations des élus locaux, qui porte sur la crainte d’un partage inéquitable de l’effort de réduction de l’artificialisation, par un dispositif souvent qualifié de “ruralicide”.
Ces bénéfices attendus doivent être mis en balance avec les coûts et risques d’un tel mécanisme. Premièrement, rien ne garantit que les gains d’efficacité économique seraient supérieurs aux coûts d’administration d’un tel système, surtout s’il faut évaluer l’équivalence écologique entre des opérations de “renaturation” et “d’artificialisation”. Deuxièmement, un système de permis transférables pourrait produire une répartition de l’artificialisation incohérente avec les besoins identifiés par les acteurs de l’aménagement du territoire. Ce système ne peut pas se substituer au processus d’élaboration concertée des documents d’urbanisme régionaux et infrarégionaux. Troisièmement, la coexistence de formes de transaction marchandes et gratuites (mutualisation des quotas de la « garantie communale » pourrait générer des effets négatifs imprévus. Enfin, l’impact de mécanismes d’échange pécuniaire sur l’acceptabilité du dispositif ZAN est encore incertain.
Cela étant dit, dans un contexte où l’objectif ZAN est remis en question à la fois par le Sénat (rapport parlementaire & proposition de loi – voir ici) et par le Premier ministre, la question de la généralisation de la transférabilité mériterait d’être sérieusement débattue, voire expérimentée. Cela permettrait d’évaluer si un tel système peut apporter davantage de pragmatisme, comme souhaité par le Premier ministre Michel Barnier, tout en préservant l’ambition écologique de la loi « Climat et Résilience » et des travaux de la Convention citoyenne pour le climat.
Cette “transférabilité” des quotas d’artificialisation ne risque-t-elle pas d’entraîner une “marchandisation” du sol ?
C’est l’une des critiques courantes adressées aux systèmes de PT. Soulignons d’abord un point bien connu des lecteurs de “Fonciers en Débat” : les sols de France font déjà l’objet d’une appropriation, majoritairement privée, et s’échangent sur des marchés fonciers. Pour en revenir aux PT, bien qu’ils soient parfois présentés comme des “marchés de droits” ou “instruments de marché” par certains courants économiques, il me semble que, sur le plan institutionnel, ceux-ci se distinguent nettement de processus de marchandisation du sol. Certes, ces systèmes reposent sur des « permis » comparables à des droits privatifs, mais il s’agit de titres (ou bien incorporels) qui permettent d’effectuer certaines actions sur la ressource et pas d’une appropriation de la ressource elle-même. De plus, ces systèmes d’échanges sont fortement influencés par la puissance publique, qui définit le plafond d’émission, les modalités d’échange, les acteurs concernés, etc. En l’occurrence, il s’agirait d’échanger des droits à urbaniser entre commune. Un tel système correspondrait davantage à une forme d’échange administré qu’à un « marché » au sens économique ou financier. Dans ces conditions, le prix qui émergerait d’un système de permis d’ouverture à l’urbanisation transférable ne correspond pas au prix “du sol”, mais davantage au prix de l’artificialisation évitée.
Pour ces différentes raisons, certains chercheurs appréhendent les systèmes de PT comme des instruments de gouvernance environnementale. Avec l’introduction de l’objectif ZAN et du dispositif de gouvernance qui lui est associé, le législateur a institué une valeur sociale et environnementale à la préservation d’une certaine surface d’espaces naturels, agricoles et forestiers à l’échelle nationale. Dans ce contexte, le fait de rendre ces permis échangeables pourrait éventuellement favoriser la coordination des collectivités locales dans la protection de cette valeur collective et renforcer le statut des ENAF en tant que patrimoine de la nation.
Faut-il faire évoluer le dispositif ZAN pour mieux intégrer la dimension qualitative de l’artificialisation ?
Tout dépend de l’objectif poursuivi. Si l’on souhaite lutter contre la dégradation des sols, appréhendée d’un point de vue pédologique et écologique, cette évolution semble souhaitable. Dans sa version actuelle, le dispositif ZAN imprime une vision binaire – sols artificialisés ou non – sur des phénomènes de dégradation des sols qui sont complexes, multifactoriels et graduels. Par défaut, il considère les espaces forestiers et agricoles comme non artificiels, indépendamment des effets que certaines pratiques culturales peuvent avoir sur les qualités des sols (contamination, tassement, érosion, etc.).
Il est possible de mieux tenir compte de la valeur écologique et agronomique des sols en modifiant la manière dont les “quotas d’artificialisation” sont définis. Cela pourrait passer par l’utilisation de gradients ou coefficients de qualité des sols pour moduler les surfaces régulées, ou par l’adoption d’un système plus ambitieux de rationnement et d’échange basé sur des indices de qualité des sols, comme c’est actuellement expérimenté par la fondation suisse Sanu Durabilitas[6]. La mise en œuvre de tels dispositifs nécessiterait une infrastructure informationnelle et une ingénierie territoriale indéniablement plus complexe et coûteuse. Il faudrait en effet pouvoir mesurer la qualité des sols, l’intensité des dégradations et l’effectivité des actions de renaturation. Cependant, un récent rapport d’expertise publié par l’INRAE sur les indicateurs de qualité des sols[7] établi que, contrairement à ce qu’on entend parfois, la France dispose de systèmes de mesure et de méthodes d’évaluation matures des qualités et fonctions des sols. Par ailleurs, l’adoption de la Directive de l’Union européenne relative à la surveillance et à la résilience des sols (COM/2023/416 final) pourrait rendre obligatoire une évaluation systématique de la santé des sols.
Notons, pour finir, qu’un tel dispositif serait plus cohérent avec la définition juridique de l’artificialisation des sols comme « altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol (…) par son occupation ou son usage »[8]. Le récent rapport d’information sénatorial sur la stratégie de réduction de l’artificialisation des sols ne manque d’ailleurs pas de souligner le décalage entre la dimension qualitative et fonctionnelle de ce phénomène et l’approche binaire du dispositif ZAN. Ironiquement, la proposition de loi qui en a découlé résout la contradiction en supprimant cette définition fonctionnelle dans la loi pour ne retenir que la définition surfacique de “l’artificialisation”, rebaptisée au passage “sobriété foncière”. Si maîtriser la consommation foncière est un objectif louable, il me semble crucial de préserver la reconnaissance juridique du sol comme une entité fonctionnelle. Cette reconnaissance est en effet une avancée législative majeure de la loi « Climat et résilience », et elle est un prérequis indispensable pour fonder une politique ambitieuse de lutte contre toutes les formes de dégradation des sols, au-delà de la seule gestion des surfaces urbanisées.
[1] « Zones urbaines et infrastructures face au ZAN : une inflexion écologique ? » (ZIZANIE) est un projet de recherche interdisciplinaire financé par le programme ITTECOP (ministère en charge de l’Environnement et Agence de l’Environnement et de la maîtrise de l’énergie).
[2] Claron, C., Jalabert, V., Coutard, O., Levrel, H. (2024). Transiger sur l’artificialisation. Permis transférables et neutralité de dégradation des sols : le cas de l’objectif ZAN en France. CIRED Working Papers n° 2024-95. ⟨hal-04625026⟩
[3] Les sols et les terres font partie de la liste des entités écologiques devant être prises en compte par les études d’impact (Code de l’environnement, article L.122-1). L’article L.161-1, I., 4° du même code dispose que toute détérioration directe ou indirecte mesurable de l’environnement affectant les « fonctions assurées par les sols » constitue des dommages devant faire l’objet de compensation.
[4] Müller, J. E. (2011). « Tradable Development Certificates in Germany-A Theoretical and Empirical Analysis ». PhD Thesis, Karlsruher Institut für Technologie (KIT). https://publikationen.bibliothek.kit.edu/1000023675. Henger, R., Straub, T., Weinhardt, C. (2023). « Tradable planning permits in the field: Executive experimental results from Germany ». Land Use Policy 127. https://doi.org/10.1016/j.landusepol.2023.106559.
[5] Ce mécanisme permettrait aux collectivités de céder ou d’acquérir des droits à artificialiser, introduisant ainsi une dimension de transférabilité pécuniaire des permis. Les notaires recommandent que les projets réalisés grâce à ces droits acquis, ainsi que les fonds issus des cessions, soient exclusivement dédiés à des initiatives conformes aux objectifs définis à l[6]Voir https://qualite-sols.ch/.
[7] Voir : https://www.inrae.fr/actualites/preserver-qualite-sols-referentiel-dindicateurs-resultats-dune-etude-collective.
[8] Code de l’urbanisme, article L101-2-1.