Ouvrage intéressant par son originalité. Il s’agit d’un manuel d’économie urbaine qui présente l’essentiel de cette théorie à des non-spécialistes, comme il en existe beaucoup, mais qui illustre les principales questions abordées par des illustrations sur le système urbain néerlandais, à partir de cartes et de chiffres qui donnent à théorie un caractère très concret, bien plus abordable pour un non-initié que les discours abstraits habituels de l’économie urbaine. Ce parti pris de concrétisation de la théorie rend la lecture aisée, et le fait d’avoir choisi le cas des Pays-Bas, du fait de l’abondance des données dont disposent les auteurs sur ce pays, n’est, finalement, pas gênant pour un lecteur français.
Le second trait intéressant de cet ouvrage est, pourrait-on dire, l’apologie qu’il fait des villes et de l’urbanisation. Les économistes, les géographes et les historiens ont montré, depuis longtemps, que les villes étaient un moteur essentiel de la croissance (pensons par exemple aux ouvrages de Fernand Braudel) et l’économie géographique a produit, plus récemment, à la suite des travaux de P. Krugman et de nombreux autres chercheurs, des théories qui le démontrent. De Grootet al. se félicitent de la « résurrection des villes » en Europe, après une période de déclin dans la seconde moitié du XXe siècle. Les auteurs estiment, en effet, que « dans les années 1960 et 1970 une vague de suburbanisation a frappé les Pays- Bas », mais que, « au XXIe siècle, (…)les gens veulent soudain vivre à nou- veau dans les villes » (p. 11). Observons, cependant, que cette thèse ne correspond pas à ce qui s’observe en France, où les centres des agglomérations urbaines continuent à se dépeupler (sauf les plus grandes) au pro t de banlieues et de couronnes périurbaines.
Quoiqu’il en soit des différences entre pays, l’urbanisation génère des « économies d’agglomération », c’est-à-dire qu’un agent économique tire des avantages de la proximité d’autres agents : cela accroît la productivité du travail et la compétitivité des entreprises. Ces économies d’agglomération se traduisent par des salaires et des valeurs immobilières d’autant plus élevés que les villes sont grandes : la cherté de la terre et du travail, expliquent les auteurs, sont des signes de bonne santé économique des villes. Les « primes salariales » et les « primes foncières » de l’urbanisation sont chiffrées dans le cas des villes néerlandaises. C’est ainsi qu’un modèle économétrique permet d’évaluer à 0,21 % le gain salarial procuré par un accroissement de 10 % de la densité des emplois urbains.
Les villes sont des lieux où se concentrent la production mais ce sont de plus en plus des lieux de consommation. Les auteurs donnent des chiffres montrant que les ménages sont prêts à se déplacer pour aller travailler dans une autre ville, par exemple ailleurs que là où ils habitent dans le Randstad hollandais, mais qu’ils souhaitent trouver près de chez eux des aménités et des services urbains, comme un cadre architectural historique, des lieux de vie (restaurants, cafés), d’achat de biens et services diversités (commerces, santé), de culture (théâtres, musées), ou de nature (parcs). C’est la proximité de ces aménités urbaines qui renchérit les valeurs immobilières, plus que celle des bureaux : « les résultats montrent que la ville a évolué d’une ville productive vers une ville consumériste » car « l’accès à des aménités (culturelles) compte davantage pour les habitants », si bien que « ce n’est plus le travail qui est essentiel, mais les aménités » (p. 71-72). C’est une thèse qui est défendue avec conviction par les auteurs. Elle mérite d’être discutée et critiquée, en particulier parce que les résultats statistiques et économétriques sur lesquels elle repose sont peut-être fragiles (les méthodologies, comme il est normal dans un ouvrage destiné à un large public, ne sont pas développées, ce qui ne permet pas de juger de leur validité).
Les chapitres finaux de l’ouvrage vont dans le même sens, en tentant de montrer que les réglementations qui contraignent la croissance urbaine (zonages fonciers, etc.) ont des effets économiques négatifs.