Économie urbaine et régionale. Géographie économique et dynamique des territoires [Mario Polèse, Richard Shearmur, Laurent Terral]

Economica, 2015, 410p.

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Cette quatrième édition d’un manuel classique d’économie urbaine et régionale peut, comme le souhaitent les auteurs, trouver son audience « auprès d’étudiants et de praticiens de disciplines divers : urbanisme, aménagement du territoire, études urbaines et régionales, économie foncière et immobilière, administration publique, science régionale, sociologie urbaine, droit municipal… ». Ce n’est pas, pour autant, un ouvrage de vulgarisation car il propose un exposé des connaissances classiques du domaine qui est rigoureux, tout en étant didactique et aisément compréhensible pour qui n’a pas une formation spécialisée en économie. Nous parlons de connaissances classiques de l’économie urbaine et régionale car les développements récents de la géographie écono- mique (qui ont valu à P. Krugman le prix « Nobel » d’économie) sont très peu abordés, alors que les grandes théories sont couvertes. Cela permet au lecteur d’acquérir une culture générale des questions de base sans avoir à lire d’innombrables contributions pointues, spécialisées ou très techniques. La première partie de l’ouvrage explique la concentration (ou la dispersion) des activités économiques, donc l’urbanisation, par l’arbitrage entre le coût de transport, les économies d’échelle et les économies (ou déséconomies) d’agglomération. Elle est suivie des théories sur l’économie régionale (développement régional et local, croissance inégale, politiques régionales, etc.). Les questions de localisation des activités agricoles, industrielles, tertiaires et résidentielles qui font l’objet de la troisième partie de l’ouvrage intéresseront particulièrement les lecteurs de La revue foncière. Ces localisations sont expliquées par le jeu combiné de la rente foncière, de l’intensité de l’usage du sol, des économies d’agglomération et des coûts de transport. C’est ainsi que le modèle de von Thünen du début du XIXe siècle sur la localisation des activités agricoles est généralisé au XXe siècle à l’ensemble des activités économiques, ce qui débouche, dans les années 1960, sur les théories modernes de l’économie et de la sociologie urbaines (école sociologique de Chicago). Les auteurs combinent ce corpus théorique à la théorie des lieux centraux de Chris- taller (1) et Lösch (2) des années 1930- 1940, qui explique la hiérarchie de villes centres et de leurs satellites. Cela permet dérouler, dans un exposé élégant, la localisation de l’ensemble des activités économiques et les formes urbaines pour déboucher, à la n du XXe siècle, sur l’analyse de la formation de villes polycentriques (l’insistance est mise sur la suburbanisation des emplois), sur l’étalement urbain (suburbanisation des emplois et de la population se renforcement mutuellement) et sur les problèmes environnementaux qui en découlent.

(1) Christaller W., Die zentrale Orte Suddeutschlands, 1re éd., Iéna, 1933 ; 2e éd. Darmstadt, 1968. Nous ne connaissons pas de traduction française de cet ouvrage, pourtant fondamental pour comprendre le système des villes. On pourra consulter en langue française : Claval, P. « Chronique de géographie économique : la théorie des lieux centraux », Revue géographique de l’Est, 6 (1966), p. 131-152 et « La théorie des lieux centraux revisitée », Revue géographique de l’Est, 13 (1973), p. 225-251.

(2) Lösch A., Die räumliche Ordnung der Wirtschaft, Iéna, 1940; The economics of location, New Haven, Yale UP.