Le littoral en quête de statut : les méandres du(des) droit(s)

par et | 29 Juil 2020 | Foncier du littoral

Du changement climatique à la montée en puissance du droit dit souple et territorialisé, la question de l’architecture juridique de la protection et de la gestion des littoraux français s’avère aujourd’hui d’une prégnance particulière. Et d’une grande complexité également… Les cadres classiques paraissent en effet singulièrement bousculés : peut-on croire encore qu’un grand texte comme la loi Littoral du 3 janvier 1986 puisse constituer la pierre angulaire du droit de l’espace côtier pour le XXIème siècle ? Quelles limites donner à la thèse défendant la nécessaire adaptation du droit littoral aux circonstances locales ? A l’heure où le législateur accentue clairement le rôle des documents d’urbanisme en la matière, il s’agit de savoir comment s’opère cette déclinaison géographique des principes juridiques. De quels outils de planification disposent les collectivités territoriales et quelles sont les modalités de cette territorialisation du droit ? On aurait le sentiment, à s’en tenir à l’actualité législative (des lois « Grenelles » de 2009-2010 à la loi ELAN de 2018), que les problématiques juridiques du littoral ne relèvent que du droit de l’urbanisme, de l’environnement et de l’aménagement. Ce champ normatif est certes incontournable mais il ne saurait occulter l’importance du droit public foncier, doté d’un fort ancrage historique. En zone littorale, c’est évoquer le particularisme de la théorie du domaine public, maritime ou non, propriété de l’administration française (dans toute sa diversité). Si l’approche domaniale n’est plus (depuis longtemps) la boussole du droit littoral, il faut bien comprendre que ce dernier est fondamentalement composite, produit d’un écosystème juridique évolutif, dont les grands axes vont de la (relative) maîtrise publique du foncier à la production de règles urbanistiques et environnementales en bonne adéquation avec les exigences du développement durable des territoires littoraux.

I – Pérennité du domaine public « littoral »

Composé de catégories de propriétés publiques identifiées par la loi et faisant l’objet d’une protection particulière, le domaine public en zone côtière comprend l’historique domaine maritime naturel ainsi que les domaines publics du Conservatoire du littoral et, le cas échéant, des collectivités locales.

Le domaine public maritime naturel

Cette approche foncière, par la propriété publique, est éminemment classique et nous renvoie en premier lieu à la notion de domaine public maritime[1]. Héritage du droit romain et de l’Ancien Droit (on pense tout particulièrement à la grande ordonnance de Colbert sur la Marine de 1681) avant d’être façonnée par la jurisprudence du Conseil d’Etat[2], elle est depuis 2006 définie à l’article L. 2111-4 du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP). Le domaine public maritime naturel de l’Etat est composé des rivages de la mer (constitués de tout ce qu’elle couvre et découvre -jusqu’au point atteint par les plus hautes eaux- sans tenir compte des perturbations météorologiques exceptionnelles), des lais et relais, du sol (et sous-sol) de la mer territoriale (correspondant donc à un espace terrestre immergé d’une étendue de 12 milles marins), des étangs en communication directe, naturelle et permanente avec la mer et de la zone ultra-marine dite des cinquante pas géométriques. Ce domaine public étatique, écologiquement sensible, n’a donc pas été décentralisé (même s’il existe des dispositions spécifiques en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie, où existe un DPM territorial) et ne doit pas être confondu avec la notion géographique de littoral, dont il ne constitue « physiquement » qu’une partie.
Encart 1 : Article L2111-4 du CGPPP
« Le domaine public maritime naturel de L’Etat comprend : 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu’elle couvre et découvre jusqu’où les plus hautes mers peuvent s’étendre en l’absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; 2° Le sol et le sous-sol des étangs salés en communication directe, naturelle et permanente avec la mer ; 3° Les lais et relais de la mer : a) Qui faisaient partie du domaine privé de l’Etat à la date du 1er décembre 1963, sous réserve des droits des tiers ; b) Constitués à compter du 1er décembre 1963. Pour l’application des a et b ci-dessus dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion, la date à retenir est celle du 3 janvier 1986; 4° La zone bordant le littoral définie à l’article L. 5111-1 dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion ; 5° Les terrains réservés en vue de la satisfaction des besoins d’intérêt public d’ordre maritime, balnéaire ou touristique et qui ont été acquis par l’Etat. Les terrains soustraits artificiellement à l’action du flot demeurent compris dans le domaine public maritime naturel sous réserve des dispositions contraires d’actes de concession translatifs de propriété légalement pris et régulièrement exécutés ».  
L’intérêt pratique de la domanialité publique maritime est fondamentalement lié au régime très protecteur qui s’y attache, le domaine public étant, comme le rappellent aujourd’hui les dispositions du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP, art. L. 3111-1), inaliénable et imprescriptible, de sorte qu’il ne saurait légalement être cédé et qu’une situation illégale l’affectant n’est pas régularisable avec le temps. L’imprescriptibilité n’a pas été jugée contraire aux principes de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), la Cour de Strasbourg ayant souligné l’intérêt supérieur s’attachant à la préservation du littoral et à son libre accès[3]. En mobilisant, par exemple, la procédure ancienne dite de la contravention de grande voirie, l’Etat peut donc exiger la démolition d’une construction édifiée sans titre à tout moment, même au-delà des délais classiques (en droit commun) de prescription. Récemment, on notera l’intérêt de cette procédure concernant -entre autres- la protection des plages (et leur libre usage par le public) ou des lagons de Polynésie française[4]. Cela étant, la définition juridique des rivages ne va pas sans poser problème, particulièrement dans le contexte actuel des phénomènes d’érosion côtière (notamment en Nouvelle –Aquitaine) et d’élévation du niveau de la mer. L’application mécanique de notre conception de l’estran dans le champ du droit implique qu’un terrain appartenant à une personne privée s’incorpore automatiquement au domaine public maritime dès lors qu’il se trouve soumis à l’action des flots (hors circonstances météorologiques exceptionnelles). Pour l’heure, les inconvénients/préjudices de cette extension domaniale (au bénéfice de l’Etat) pour les propriétaires riverains n’ont pas été jugés contraires aux principes constitutionnels et à la CEDH. Ainsi, sur le fondement des dispositions du CGPPP, le Conseil constitutionnel considère (laconiquement) que « les espaces couverts, même épisodiquement, par les flots ne peuvent faire l’objet d’une propriété privée »[5]. Le juge administratif, pour sa part, affirme que « si les dispositions législatives en cause n’instituent pas un droit à indemnisation au profit du propriétaire dont tout ou partie de la propriété a été incorporé au domaine public maritime naturel en raison de la progression du rivage de la mer, elles ne font pas obstacle à ce que ce propriétaire obtienne une réparation dans le cas exceptionnel où le transfert de propriété entraînerait pour lui une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l’objectif d’intérêt général de protection du rivage de la mer dans l’intérêt de l’ensemble des usagers »[6]. Les hypothèses d’indemnisation sont donc plus que limitées… Ces jurisprudences n’épuisent certainement pas la réflexion sur l’accompagnement financier des perspectives de repli stratégique, indépendamment des solutions ad hoc pouvant être trouvées (cas de l’immeuble du Signal). Dans le sillage de plusieurs rapports, pourra-t-on s’acheminer vers un fonds d’aide à la recomposition du littoral (financé par la fiscalité locale) ?[7]

Les autres domaines publics

   La maîtrise publique du foncier littoral (par la domanialité publique[8]) dépasse le seul cadre du domaine maritime de l’Etat. Elle s’opère également par l’action du Conservatoire du littoral et, le cas échéant, des départements côtiers. Il ne s’agit pas ici de dresser un bilan de la politique de protection menée par ce grand établissement public de l’Etat qu’est le Conservatoire du littoral[9], mais de souligner que son action, juridiquement, n’est pas dissociable de la domanialité publique. On observera dans cette optique qu’elle vient renforcer la mission historique d’acquisition foncière du Conservatoire (mentionnée à l’article L. 322-1 du code de l’environnement), dans le cadre actuel de sa stratégie d’intervention à l’horizon 2050 et de son objectif de sauvegarde du « tiers naturel littoral ». Ainsi, en vertu de la loi, les terrains acquis par le Conservatoire ont très largement vocation à intégrer son domaine public, lui offrant une protection solide et pérenne : « Le domaine relevant du Conservatoire du littoral et des rivages lacustres est du domaine public à l’exception des terrains acquis non classés dans le domaine propre » (code de l’environnement, art. L. 322-9). En conséquence, le Conservatoire peut parfaitement mobiliser les outils classiques de protection du domaine public comme la contravention de grande voirie (en métropole et en outre-mer). Dans le registre de l’action des collectivités locales, la maîtrise publique du foncier littoral nous conduit bien évidement vers la politique de protection des espaces naturels sensibles (ENS) au sens de l’article L. 113-8 du code de l’urbanisme (très complémentaire de l’action du Conservatoire). Si cette politique départementale ne concerne assurément pas que le littoral, plusieurs cartes des ENS soulignent clairement son importance en zone côtière (comme le montre notamment l’exemple des Côtes d’Armor et de la Charente-Maritime). Cela étant, on relèvera qu’en la matière, la domanialité publique est loin d’être systématique dans la mesure où l’on appliquera aux terrains acquis les critères généraux du domaine public : il faudra caractériser la présence d’aménagements indispensables à l’exécution des missions du service public (départemental) de protection de l’environnement[10]. Nombre d’ENS relèvent dans ces conditions du domaine dit privé des départements.

II – Droit de l’environnement et de l’urbanisme : la loi Littoral en danger ?

On ne saurait oublier l’importance des instruments généraux de protection de la nature (sites classés et inscrits, zones Natura 2000, parcs naturels et réserves…), nombreux en zone côtière, rappelant que la protection juridique du littoral est plurielle. Néanmoins, l’actualité se concentre sur la problématique des modifications apportées à la loi Littoral du 3 janvier 1986 et de son intégration dans les documents locaux d’urbanisme. Dans la logique juridique et politique d’une République unitaire, où la loi est l’expression de la volonté générale de la nation et où les politiques de décentralisation n’ont jamais été simples, le législateur a fixé un cadre global pour l’ensemble des territoires littoraux, s’appuyant sur des notions floues qui appelaient dès l’origine d’indispensables précisions[11] (lesquelles furent d’abord celles des juridictions administratives au fil des contentieux). Aucun des quatre grands principes d’interdiction de construire et de limitation de l’urbanisation (codifiés dans le code de l’urbanisme) n’échappe à cet impératif de précisions. Comment interpréter la notion d’espace urbanisé (l’inconstructibilité de la fameuse bande des cent mètres ne s’appliquant pas dans les espaces déjà urbanisés) ? Qu’est-ce qu’une activité exigeant la proximité immédiate de l’eau ? Qu’est-ce qu’un espace dit remarquable du littoral ? Que faut-il entendre par « extension limitée de l’urbanisation dans les espaces proches du rivage » et par « extension en continuité de l’urbanisation » ? Les décisions rendues par le juge administratif ont été (et demeurent) essentielles, mais ont toujours été insuffisantes à elles seules. D’une part, le texte de la loi Littoral ne pouvait rester figé dans le temps ; l’adaptation de la loi à l’évolution des enjeux sociétaux était inéluctable. Mais devait-elle se manifester quasi exclusivement par une multitude d’assouplissements[12] ? D’autre part et parallèlement, comment doit s’opérer l’indispensable territorialisation de la loi Littoral ?

La problématique des assouplissements dans le cadre de la loi ELAN

Cette problématique de l’assouplissement de la loi Littoral est récurrente ; elle s’est ainsi récemment posée à l’occasion des lois de transition énergétique de 2013 et 2015 s’agissant du raccordement électrique des énergies marines renouvelables (autorisé dans la bande des cent mètres et les espaces remarquables). Mais c’est bien dans le cadre de la loi ELAN du 23 novembre 2018 que la question a fait polémique[13]. Le premier point d’achoppement porte sur l’assouplissement du principe d’extension en continuité de l’urbanisation, formulé à l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme. S’appliquant largement sur l’ensemble du territoire des communes littorales, comme l’a jugé le Conseil d’Etat[14], il a fait l’objet d’une interprétation stricte afin d’empêcher la poursuite du mitage de l’espace, faisant d’ailleurs écho à des préoccupations très modernes de lutte contre l’étalement urbain. Le principe exige dans ces conditions qu’une extension de l’urbanisation soit réalisé en continuité immédiate d’une zone urbanisée, « caractérisée par une densité significative de constructions ». Faisant obstacle au développent des hameaux (notamment bretons), le législateur a donc permis d’y déroger, dans le respect des conditions fixées par la loi ELAN.
Encart 2 Article L. 121-8 du code de l’urbanisme (modifié par la LOI n°2018-1021 du 23 novembre 2018 – art. 42 V)
« L’extension de l’urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d’urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d’eau mentionnés à l’article L. 121-13, à des fins exclusives d’amélioration de l’offre de logement ou d’hébergement et d’implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n’ont pas pour effet d’étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d’urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l’urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d’accès aux services publics de distribution d’eau potable, d’électricité, d’assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d’équipements ou de lieux collectifs ».
Tous les hameaux ne sont pas éligibles à ce dispositif (permettant concrètement de combler certaines « dents creuses ») : sur la base des critères énoncés (réseaux, voies…), il s’agit (en dehors de la bande des cent mètres et des espaces proches du rivage) d’identifier ces « secteurs déjà urbanisés » (SDU) dans les documents locaux d’urbanisme (SCOT et PLU), qui se distinguent donc des agglomérations et villages, ainsi que des simples zones d’urbanisation diffuse. Si cet assouplissement a souhaité répondre à certaines difficultés locales (on pense aux « PLUmés » du Morbihan), il constitue pour l’avenir une prise de risque importante, en affaiblissant la portée du principe de continuité. Sachant qu’une quarantaine de constructions ont pu être assimilées à un village pour la jurisprudence administrative[15], quel seuil (bas) pourra-t-on retenir pour caractériser un hameau « densifiable »[16] ? Dans un autre registre, en suspens, il faudra réfléchir à une nouvelle dérogation à la continuité, en cas de nécessité, afin d’accompagner juridiquement le repli stratégique face au recul du trait de côte… Le second point d’achoppement porte sur la question des aménagements légers admissibles dans les espaces remarquables au sens de l’article L. 121-23 du code de l’urbanisme (sites et paysages « caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral », « milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques »). Si ces derniers sont en principe inconstructibles, la loi Littoral a prévu plusieurs exceptions (travaux de conservation…), comme les fameux aménagements légers, dont la liste est renvoyée à un décret en Conseil d’Etat (le texte de référence en la matière ayant longtemps été un décret du 29 mars 2004)[17]. Le flou jurisprudentiel sur le caractère limitatif ou non de cette liste a conduit la loi ELAN (art. 45), dans une logique « compensatoire » bienvenue, à préciser qu’elle était bien limitative[18], empêchant ainsi d’envisager en espace remarquable des projets qui ne seraient pas expressément prévus dans le décret d’application. Prenant acte de cette précision, le pouvoir réglementaire a néanmoins jugé opportun d’ajouter trois nouvelles possibilités d’implantation d’aménagements à celles déjà en vigueur (sentiers, postes d’observation, installations de pêche et de cultures marines…), dans un décret controversé du 21 mai 2019 (n° 2019-482). Les deux premières se recoupent et visent globalement les équipements (légers) liés à la préservation des milieux et à la sécurité des populations (lutte contre l’incendie, restauration de marais…). La troisième a fait polémique : par une formulation obscure, le gouvernement autorise désormais certaines canalisations, dont celles nécessaires au pompage en mer des thalassothérapies, ce qu’a confirmé le ministre de la transition écologique[19]. Le seuil retenu de cinq mètres carrés, manifestement, ne prend pas en compte l’emprise des canalisations elles-mêmes, permettant -illégalement- l’implantation d’aménagements non légers…
Encart 3 : Article R. 121-5 (4° c) du code de l’urbanisme
Sont admises, « A la condition que leur localisation dans ces espaces corresponde à des nécessités techniques, les canalisations nécessaires aux services publics ou aux activités économiques, dès lors qu’elles sont enfouies et qu’elles laissent le site dans son état naturel après enfouissement, et que l’emprise au sol des aménagements réalisés n’excède pas cinq mètres carrés ».

La problématique de la territorialisation de la loi Littoral dans les documents d’urbanisme

C’est la conclusion de toute réflexion sur l’avenir de la loi Littoral. Des progrès notables ont été réalisés en la matière. Il est clairement admis que les principes de la loi Littoral doivent être adaptés aux circonstances locales, notamment géographiques, dans les documents locaux de planification et d’urbanisme (on pense, entre autres, à l’identification des espaces remarquables et aux précisions afférentes à la continuité de l’urbanisation, ainsi qu’à son caractère limité dans les espaces proches du rivage). Dans cette optique, le discours juridique accorde la priorité aux PLU (incontournables sur le plan réglementaire) et aux SCOT littoraux. Notons que la loi ELAN (art. 42) fait de ces derniers des instruments pilotes dans la planification intégrée des zones côtières, en leur assignant officiellement la mission de préciser les modalités d’application de la loi Littoral, ce qui ne saurait conduire à transgresser ses principes protecteurs. Reste que la tendance moderne à multiplier les documents de planification (SRADDET, DSF) ne contribue pas à simplifier (et donc à clarifier) la territorialisation de la norme juridique. Pour l’avenir, ne devrait-on pas opter exclusivement pour les PLUi (cumulant les fonctions stratégiques et réglementaires) et reléguer les SCOT aux oubliettes du droit de l’urbanisme[20] ? On reconnaîtra que ce n’est pas l’orientation prise par la toute récente ordonnance du 17 juin 2020 relative à modernisation des SCOT, qui renforce singulièrement leur rôle en zone côtière. Ils seront ainsi appelés -entre autres- à préciser, « dans une perspective de gestion intégrée (…), les vocations des différents secteurs de l’espace maritime, les conditions de la compatibilité entre les différents usages de ces derniers, et les conséquences qui en résultent pour l’utilisation des diverses parties du littoral qui sont liées à cet espace »[21]. Serait-ce alors, via l’outil-SCOT, le grand retour des schémas de mise en valeur de la mer ?
[1] R. Hostiou, « Le domaine public maritime naturel : consistance et délimitation », Rev. jur. de l’environnement, 4/1990, p. 469. [2] CE, ass., 12 oct. 1973, Kreitmann, Rec. Lebon, p. 563. [3] CEDH, gr. ch., 29 mars 2010, Depalle c/ France, n° 34044/02. [4] CAA Marseille, 17 mai 2019, , SARL Venice Beach, n° 18MA00192 ; CE, 10 mars 2020, Sté Libb 2, n° 430550. [5] Décision n° 2013-316 QPC du 24 mai 2013 (SCI Pascal). [6] CE, 22 sept. 2017, SCI APS, n° 400825. [7] CGEDD/IGA/IGF, Recomposition spatiale des territoires littoraux, rapport au ministre de l’Intérieur, au ministre de la Transition écologique et solidaire et au ministre de l’Action et des comptes publics, mars 2019. [8] Notons que cette maîtrise publique du foncier littoral ne s’exprime pas que par la domanialité publique ; les politiques de préemption, notamment, jouent également un rôle important. [9] Y. Gérard, « Trente ans d’action du Conservatoire », Études foncières, janv.-févr. 2008, p. 36. [10] Trib. confl., 22 oct. 2007, Préfet des Bouches-du-Rhône, N° C3625. [11] Y. Tanguy, « La loi Littoral en questions – Entre simplismes et complexité », L’actualité juridique droit administratif (AJDA), 7/2005, p. 354 ; J. Daligaux et P. Minvielle, « De la loi Littoral à la gestion intégrée des zones côtières », Méditerranée, 115/2010, p. 55. [12] L. Bordereaux, La loi Littoral – La côte en péril ?, La Geste, 2020. [13] L. Bordereaux, « Loi Elan : vers un assouplissement majeur de la loi Littoral ? », Libération.fr, 28 sept. 2018, (https://www.liberation.fr/debats/2018/09/28/loi-elan-vers-un-assouplissement-majeur-de-la-loi-littoral_168161). [14] CE, 27 sept. 2006, Commune du Lavandou, n° 275924. [15] CAA Nantes, 29 août 2019, Communauté de communes de la Presqu’île de Crozon Aulne maritime, n° 18NT02494. [16] Un arrêt récent faisant application de la loi ELAN sème le trouble en qualifiant de « secteur déjà urbanisé » (hameau « densifiable ») un ensemble d’une cinquantaine de constructions regroupées ; comment distinguer un hameau d’un village au sens de la loi Littoral ? Voir CAA Nantes, 6 mars 2020, n° 19NT02933. [17] Voir actuellement les dispositions de l’art. R. 121-5 du code de l’urbanisme. [18] Art. L. 121-24 C. urb. : « Des aménagements légers, dont la liste limitative et les caractéristiques sont définies par décret en Conseil d’Etat, peuvent être implantés dans ces espaces et milieux lorsqu’ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public, et qu’ils ne portent pas atteinte au caractère remarquable du site ». [19] Réponse du ministre de la transition écologique et solidaire, JO Sénat du 27 juin 2019, p. 3408. [20] L. Bordereaux, « Faire mourir le SCoT ? », AJDA, 11/2020, p. 593. [21] Art. L. 141-14 (nouveau) C. urb. Concernant les risques liés à la mer, les futurs SCOT définiront aussi, s’il y a lieu, l’organisation du retrait stratégique… →Retour à la page d’accueil 

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