Résumé de l’auteur/e. Tibau do Sul est une commune littorale du Rio Grande do Norte connue pour sa Praia da Pipa, un ancien village de pêcheurs entouré de plages spectaculaires, devenu un haut lieu du tourisme balnéaire dans le Nordeste brésilien. Située à la limite d’une zone de plantations sucrières, la station est fréquentée par des villégiateurs issus de l’élite agraire locale depuis le début du XXe siècle. Toutefois, ce n’est que dans les années 1970-80 que le tourisme se développe véritablement sous l’impulsion de jeunes surfeurs attirés par ses vagues, ses beaux paysages et « l’authenticité » de sa population autochtone. À l’époque, l’attitude subversive de ces jeunes voyageurs – inspirés de la contre-culture brésilienne – contraste de manière radicale avec le style paternaliste des élites villégiatrices. Pour la population locale, l’irruption du tourisme ouvre un nouveau champ de possibilités économiques, sociales et politiques. Elle coïncide par ailleurs avec une série d’autres transformations à l’œuvre dans la région : le déclin des plantations, la modernisation de l’activité maritime, le développement des institutions municipales. Cette conjonction de facteurs encourage l’émergence d’une petite bourgeoisie autochtone impliquée dans les cercles de pouvoirs locaux et capable de négocier avec les étrangers attirés par le tourisme. À mesure que l’activité se professionnalise et s’internationalise, de nouveaux acteurs investissent la commune : agents immobiliers, entrepreneurs, investisseurs internationaux, résidents secondaires européens, travailleurs immigrés, écologistes, institutions publiques, etc. Il s’enclenche alors une cohabitation inédite entre des groupes socialement et culturellement très hétérogènes. À la fois conflictuelle et créatrice, cette configuration induit un certain nombre de frictions qui se manifestent aussi bien dans les rapports fonciers et les luttes environnementales, que dans les activités culturelles, les médias locaux et la politique municipale. À contre-courant des interprétations réductrices présentant le tourisme tantôt comme une forme de « néo-colonialisme », tantôt comme une « recette miracle » pour le développement, l’enquête ethnographique souligne toute l’ambivalence du phénomène touristique. À l’instar de la « situation coloniale » analysée par Georges Balandier (1951), la situation touristique est envisagée comme une configuration sociale fondée sur l’interdépendance entre les acteurs, historiquement déterminée, mais jamais acquise à l’avance. Dans le cas de Tibau do Sul, l’étude révèle l’influence déterminante des structures sociales et foncières – héritées des modes de production antérieurs (la paysannerie, la pêche et les plantations sucrières) – sur la trajectoire touristique des communautés du littoral. Principales conclusions (auteur/e). Le tourisme n’est pas porteur de logiques immuables. Il s’agit d’un phénomène pluriel qui a des conséquences différentes en fonction des acteurs qui le portent et des contextes sur lesquels il se greffe.
Le tourisme n’est pas nécessairement synonyme d’aliénation, d’éviction des populations locales. Il a des effets différents sur les multiples segments que constitue cette « population locale », qui est nécessairement plurielle.
L’approche sociohistorique est fondamentale pour comprendre les conditions de développement et d’appropriation du tourisme dans une région.
Les structures foncières sont un facteur déterminant pour comprendre les modalités de développement des stations touristiques. L’héritage du latifundio paraît beaucoup plus propice à l’émergence d’un tourisme « intégré » (composé de grands établissements, type resort allinclusive, étroitement connecté au capital financier international) tandis que le minifundio augure un développement plus lent, mieux distribué et plus facilement contrôlable pour la population locale.
Le tourisme accélère la « production de l’Etat » dans les régions périphériques, notamment à travers l’accroissement des rentrées fiscales, mais aussi par les politiques de développement. Il encourage l’émergence d’institutions publiques qui ont pour fonction de réguler les conflits, soutenir le développement, protéger l’environnement, etc.
En matière de foncier, le développement touristique accélère la « formalisation » des droits de propriété et la « commodification » de la terre.
Mots-clés | Brésil ; Nordeste ; Tibau do Sul ; tourisme ; situation ; plantations sucrières |
Accès en ligne | https://boscobae.academia.edu/TristanLoloum |
Articles/WP
liés à la thèse |
Loloum, T. (2016). Des peuples sans histoire ? Usages sociaux du passé à Tibau do Sul (RN). Vivencia: Revista de Antropologia, 1(47). http://www.periodicos.ufrn.br/vivencia/index
Loloum, T. (2016). Le gouvernement de la nature. Conflits socioenvironnementaux et régulations institutionnelles sur le littoral touristique brésilien. L’espace politique, 21(1). https://espacepolitique.revues.org/3716 Loloum, T. (2015). Document – Picture. Sparrows on the seashore: tourism policies and development. Via@ Tourism Review, 2015-1(7). http://viatourismreview.com/2016/04/ph1/ Loloum, T. (2015). La situation touristique. Reconfigurations sociales dans une station balnéaire brésilienne. Tsantsa: revue suisse d’ethnologie, 20, 116-120. http://www.tsantsa.ch/fr/numero–actuel/sommaire–20–2015/131recherches/314–la–situation–touristique.html Aledo, A., Loloum, T., Ortiz, G., Garcia-Andreu, H. (2013). International Residential Tourism in North East Brazil: a Stakeholder Analysis. Revista Española de Investigaciones Sociológicas, 142 (april-june), 3-24. http://www.reis.cis.es/REIS/jsp/REIS.jsp?opcion=articulo&ktitulo=2349& autor= Loloum, T., Lins, C. (2012). Land and Power: an ethnography of Maroon heritage policies in the Brazilian Northeast. International Journal of Heritage Studies, 18(5) 2012, 495-512. http://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13527258.2011.632024?journal Code=rjhs20 Lins, C., Loloum, T. (2012). Um quilombo a beira–mar: histórias de expropriação fundiária no litoral turístico potiguar. Vivencia: Revista de Antropologia, 1(39), 141-163. http://www.periodicos.ufrn.br/vivencia/article/view/1940 |
CV de
l’auteur/e |
(2016-2017) Post-doctorat, Université de Durham (Royaume-Uni, Département d’Anthropologie).
(2010 – 2015) Doctorat en Anthropologie Sociale (EHESS) et Doctorat en Etudes du Tourisme (UNIL) préparé en cotutelle entre l’Ecole des Hautes Études en Sciences Sociales (dir. Afrânio Garcia Jr.) et l’Université de Lausanne (dir. Christophe Clivaz). Thèse soutenue publiquement le 5 juin 2015 – Félicitations du jury à l’unanimité. (2008 – 2010) Master of Science en Aménagement Intégré pour le Développement Local, Univ. Lleida/CIHEAM Saragosse (Espagne) – major de promotion cum maxima laude. (2005 – 2008) Maîtrise en Anthropologie Sociale, Université Toulouse Le Mirail – mention bien. (2003 – 2007) Maîtrise de Sciences Politiques, IEP Toulouse (France) – mention bien. |
Université | EHESS Paris, Université de Lausanne, Anthropologie sociale et Etudes du tourisme |
Discipline | Anthropologie sociale et ethnologie |
Date soutenance | 05-06-2015 |
Directeur/tri ce de thèse | Christophe Clivaz |