Économie du bien commun [Jean Tirole]

éd. Presses universitaires de France, mai 2016, 629 p.

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Jean Tirole, fondateur, en 1992, de la « Toulouse School of Economics », membre depuis 1999 du Conseil d’analyse économique placé auprès du Premier ministre, écrivait jusqu’à présent ses livres en anglais. Auréolé du prix Nobel, il veut ici s’adresser au grand public français, dans un livre en langue vulgaire débarrassé en outre de l’appareillage des mathématiques économiques. Contrairement à ce que le titre laisse entendre à certains lecteurs, il n’est guère question, dans cet épais volume, du ou des biens communs, au sens de biens qui seraient des propriétés communes, mais de ce qu’il est convenu d’appeler « l’intérêt général », sachant que dans la ligne de pensée de l’auteur l’intérêt général voudrait justement que la plupart des biens publics ou communs soient privatisés ou tout au moins gérés par des acteurs privés, capables d’agir rationnelle- ment selon les logiques du marché. Classiquement, tout le propos de l’auteur est donc de déterminer comment réguler le marché de telle sorte qu’en agissant dans leurs intérêts individuels, les acteurs économiques soient amenés à agir, sans même le savoir, dans le sens de l’intérêt général. Ainsi dans la problématique du réchauffement climatique qui fait l’objet d’importants développements de l’ouvrage, on nous explique comment rendre plus coûteux pour les acteurs les modes de production ou de consommation conduisant à l’émission de davantage de C02. Là où le bât blesse, c’est lorsqu’il s’agit de déterminer quelle peut être, dans le monde réel, cette autorité supérieure définissant l’intérêt général et le transposant en systèmes de régulation des marchés. Dans une économie mondialisée, comment imaginer, une sorte de super Commission européenne agissant au nom de l’intérêt général planétaire, sur la formation des prix de marché, par la distribution de droits et de pénalités. Au nom de la théorie économique, Jean Tirole nous promène dans un monde lui aussi théorique, sans lobbies, sans intérêts géostratégiques antagonistes. Un monde fictif. Le débat est ouvert.