Il y a tout juste 50 ans, à la fin de l’année 68, était publié dans la revue américaine Science un article qui allait devenir célèbre : « The Tragedy of the Commons ». L’auteur, Garrett Hardin, n’était pas économiste. Il était biologiste et n’avait encore jamais eu l’occasion de faire parler de lui. Il y développait un raisonnement très simple, pour ne pas dire simpliste. Imaginons, écrivait-il en substance, qu’une prairie soit la propriété commune d’une dizaine
d’éleveurs. Chaque éleveur aura intérêt à ajouter une vache à son propre troupeau car,
même si cela a pour effet de rendre disponible un peu moins d’herbe pour toutes les
vaches, en ce qui le concerne, l’avantage qu’il en tirera en étant propriétaire d’une vache
supplémentaire sera supérieur. Mais si les neuf autres éleveurs en font autant, tous seront perdants. La mise en commun des ressources aboutit à un appauvrissement de chacun.
Ce qui nous apparaît surprenant aujourd’hui, dans cette histoire de vaches, c’est qu’elle ait pu passionner la communauté scientifique et que les économistes néolibéraux aient éprouvé le besoin, dans l’ambiance de l’époque, de s’en emparer pour démontrer par A + B que la propriété individuelle était plus favorable au développement économique que la propriété commune. Curieusement, racontée en 2018, la même fable conduit l’auditoire à choisir la « morale » inverse.
Pour l’humanité actuelle, l’existence de menaces communes est un simple fait. La planète rétrécit d’année en année. La montée du niveau de la mer s’impose de la même façon à Amsterdam et à Papeete. Chaque pays aurait avantage à ne
rien faire contre le changement climatique et à attendre que les autres pays agissent. Et
de l’histoire des éleveurs exploitant la même prairie, on retient que la poursuite de l’intérêt
général est plus avantageuse pour tout le monde que le résultat auquel parvint l’addition
des actions guidées par les intérêts individuels.