Modélisation : la rente foncière dépend aussi du climat

par , , et | 7 Sep 2014 | Marchés | 0 commentaires

Les valeurs foncières capitalisent le prix du climat

Entre 2001 et 2006, tous les départements en dessous d’une ligne joignant le Finistère à la Haute-Savoie, à l’exception de la Charente et des Bouches-du-Rhône, accueillent plus de migrants venant du reste de la métropole qu’ils n’en voient partir 1. L’attirance du soleil, appelée parfois héliotropisme, contribue vraisemblablement aux choix des ménages de s’installer dans le Sud. Le littoral, méditerranéen et atlantique, est une autre cause bien connue de migrations. Le même phénomène se produit dans tous les pays européens : dans chacun d’eux, des ménages migrent vers le sud de leur pays. Mais les frontières nationales sont des barrières difficiles à franchir. Si bien que le sud de chaque pays apparaît comme une sorte de cul-de-sac : des ménages venus du nord y arrivent, et ils s’arrêtent là 2. Or, on sait aussi que les valeurs foncières dépendent des attraits et nuisances de la localisation : les ménages payent plus cher pour vivre près de la mer, jouir d’une vue remarquable 3, habiter un quartier huppé, etc., et ils le payent moins cher là où existent de fortes nuisances sociales ou environnementales. On dit que les valeurs foncières « capitalisent » les caractéristiques positives ou négatives de la localisation. Il n’y donc qu’un pas à franchir pour penser que le climat, selon qu’il est attractif ou répulsif, fait augmenter ou baisser les valeurs foncières : dans un cas, le désir de migrer vers des climats attractifs fait monter la demande de terrains à bâtir et le prix ou le loyer des logements, l’inverse se produisant là où le climat est défavorable. La rente foncière capitalise le « prix » des « bons » et des « mauvais » climats. Cette question est étudiée depuis longtemps, bien que peu de travaux aient été réalisés pour des pays européens 4. Les résultats montrent que, lorsque la condition « toutes choses égales par ailleurs » est réalisée (grâce à des méthodes statistiques adaptées, cf. encart n° 1) le prix des transactions foncières est plus élevé lorsque la température est clémente, le régime des pluies pas trop sévère, l’insolation hivernale élevée, le brouillard peu fréquent, etc.

Associer des valeurs immobilières à des données climatiques

Comme l’explique l’encart n°1, la méthode consiste à écrire que le prix d’achat ou le loyer d’un logement (plus exactement : son logarithme) est la somme des prix d’un certains nombre de caractéristiques :

• Les attributs propres à ce logement : maison individuelle ou appartement, surface habitable, confort, date de construction, etc., qui sont connus par les six dernières enquêtes Logement de l’INSEE (de 1984 à 2006) ;

• La localisation : population communale, distance au centre d’emploi le plus proche, commune littorale, etc., qui proviennent de l’INSEE (population, densité, etc.) ou de l’INRA (distances calculées par le logiciel Odomatrix 5) ;

• Le climat, dont les données proviennent d’une étude réalisée par l’INRA et le CNRS 6 qui permet d’obtenir la température et la pluviométrie mensuelles (plus l’insolation, le nombre de jours très froids ou très chauds, etc.) pour chaque commune française à partir des stations météorologiques de Météo France dispersées sur le territoire. Le nombre de variables climatiques utilisées dans l’équation est limité car, pour des raisons statistiques, il n’est pas possible d’introduire simultanément des variables qui sont trop liées entre elles par des corrélations, comme le nombre de jours de brouillard et l’ensoleillement en janvier (liaison négative), la température et le nombre de jours de pluie en été (liaison positive), etc. Les variables présentes captent donc leur effet propre et celui des variables absentes corrélées.

Après accord du comité du secret statistique 7 la base de données, les données sur la localisation et le climat ont été fusionnées avec les données des enquêtes logement dans le centre d’accès sécurisé à distance (CASD) de l’INSEE8. Les estimations ont été faites en écrivant une équation où le prix (ou le loyer) d’un logement est la somme de la présence ou de la quantité de chacun des attributs pondérée par leur prix. Par exemple, le logarithme du prix d’une maison individuelle s’écrit comme la somme de sa surface habitable multipliée par le prix d’un mètre carré, plus le nombre de ses garages multiplié par le prix d’un garage (etc.), plus la distance au centre de l’aire urbaine d’appartenance multiplié par le coût d’un kilomètre de trajet (etc.), plus la température des mois d’été multipliée par le « prix » d’un degré Celsius, plus le nombre d’heures d’insolation en janvier multiplié par le « prix » d’une heure (etc.). Les estimations sont faites pour quatre segments du parc de logement des résidences principales : les logements en propriété et ceux en location (dans un cas on explique le prix d’achat brut et dans l’autre le loyer net de charges) croisés avec le type d’immeuble, maison individuelle ou appartement, dont les caractéristiques ne peuvent être confondues (il n’y a pas d’ascenseur dans les maisons individuelles, pas de jardin privé dans les appartements, etc.). On obtient donc quatre séries de « prix hédonistes ». La figure 1 présente les prix des variables climatiques pour les deux segments du marché les plus répandus (maisons individuelles en propriété et appartements en location). Les prix obtenus pour les autres variables, attributs du logement et de la localisation ne sont pas présentés ici 9. Connaissant le prix de chaque caractéristique du climat introduite dans l’équation, il suffit d’en faire la somme pour obtenir le « prix hédoniste du climat » capitalisé dans un logement moyen existant ou potentiel, puis d’agréger ces prix par entité géographique adéquate 10. Afin de gommer la variabilité locale due à un découpage géographique fin, les résultats seront agrégés et cartographiés à l’échelle des intercommunalités.

Comment réaliser la condition « toutes choses égales par ailleurs » ?

La condition « toutes choses égales par ailleurs », quoique nécessaire si on veut être rigoureux pour comparer des situations différentes, est redoutable en économie où il est difficile de faire des expériences « à la Claude Bernard » qui garantissent qu’elle est réalisée, comme en physique, chimie ou biologie. Il existe, cependant, plusieurs méthodes économétriques pour y parvenir. On peut « comparer » les valeurs foncières de logements qui diffèrent par leur taille, leur confort, etc., et qui diffèrent aussi par leur localisation (taille et densité des villes, localisation géographique, environnement social, etc.), afin d’extraire une composante climatique « pure » de la valeur foncière. L’intuition de la démarche est assez simple. Supposons deux chambres d’un même hôtel niçois, parfaitement identiques et bénéficiant exactement du même service hôtelier, donc identiques en tout point excepté que l’une donne sur la baie des Anges alors que l’autre, à l’opposé, a une vue ordinaire sur Nice. L’hôtelier, qui n’est pas bête et qui a expérimenté la demande, fait payer la première 100 euros de plus par nuitée que la seconde, afin d’assurer un remplissage optimal de son hôtel. Ici, la condition « toutes choses égales par ailleurs » semble respectée : on est tenté de dire « le prix de la vue sur la promenade des Anglais s’établit à 100 euros par nuit sur le marché de l’hôtellerie niçoise ». Cependant, cette vue correspond à une orientation sud, évidemment appréciée des clients, alors que la vue ordinaire sur la ville de Nice donne au nord. Les 100 euros correspondent donc au total : vue + sud. Pour différencier les deux, il faut alors trouver un autre hôtel ayant des vues ordinaires similaires sur Nice avec des chambres qui ne diffèrent que par la vue vers le sud ou vers le nord. On peut ainsi connaître le prix de cette orientation cardinale par le même raisonnement : tout est identique sauf l’orientation qui explique la différence de prix d’une nuitée. On peut alors décomposer les 100 euros de notre premier hôtel en une composante « orientation », connue à partir du second hôtel, et une composante « vue », qui est le restant des 100 euros. Naturellement, les logements ne diffèrent pas seulement par deux caractéristiques, mais par de nombreuses dizaines. Mais le marché, que ce soit celui des chambres d’hôtel ou les marchés vénaux et locatifs des logements, offrent des milliers ou des dizaines de milliers d’observations de prix ou de loyer. Ce nombre élevé d’observations permet, par des méthodes statistiques qu’il n’est pas utile de détailler ici, de ne pas s’en tenir à une ou deux caractéristiques (vue, exposition) mais d’en prendre en compte un grand nombre. L’hypothèse de base est que le prix (ou le loyer) est la somme des prix de toutes ces caractéristiques (on parle d’attributs). Il suffit de décomposer ce prix global pour obtenir le prix de chacune d’elles. C’est ce qu’on appelle en économie « la méthode des prix hédonistes ». Elle donne des prix que l’on peut qualifier d’objectifs, car ils résultent de l’équilibre entre l’offre et la demande sur un marché. Elle est couramment utilisée dans de nombreux pays. En France, cette méthode permet de calculer l’indice notaires-INSEE du prix des logements anciens, qui est un indice « toutes choses égales par ailleurs ». Les études notariales, lorsqu’elles font l’évaluation du prix d’un logement, utilisent également un système-expert qui repose sur la méthode des prix hédonistes. C’est la méthode que nous utilisons ici pour connaître « le prix hédoniste du climat » 11. Naturellement, il y a de nombreuses difficultés : a-t-on pris en compte tous les attributs pertinents ? Si on n’avait pas pensé que baie des Anges = vue + sud, on n’aurait pas tenu compte de l’orientation cardinale. Le prix du bien (terrain à bâtir, logement, chambre d’hôtel) est-il la simple somme arithmétique du prix de chacun de ses attributs ? Le prix observé de ce bien résulte-til d’un équilibre concurrentiel du marché ? Peut-on tenir compte de spécificités locales du marché immobilier (on sait qu’il y a des villes chères, d’autres non) ? Etc. Ce n’est pas l’objet de cet article de s’arrêter sur ces problèmes. Il n’y a jamais de garantie qu’ils ont été correctement résolus par les chercheurs. La seule validation possible des résultats est leur appréciation par d’autres chercheurs en fonction de « l’état de l’art », lui-même en constante amélioration. Ainsi en va-t-il de la Science, dans le domaine de l’économie comme dans tous les autres.

Le prix du climat

Prix des principaux attributs du climat

La figure 1 donne les résultats des variables climatiques. Elle montre le pourcentage de variation du prix ou du loyer pour une augmentation de chacune de ces variables, mesurée par un écart-type (cf. encart n° 2). Pour les ménages acquéreurs d’une maison individuelle, le prix d’achat augmente de 3,5 % quand la température des mois de juillet, août et septembre augmente d’un écart-type, soit + 2 % pour 1 °C supplémentaire. Cet effet positif n’est pas linéaire, car le nombre de jours très chauds (i.e. les jours où la température maximale dépasse 30 °C) a un effet négatif important : – 0,7 % pour un jour très chaud en plus. La combinaison de ces deux effets (il y a probablement une surestimation du contraste entre les deux variables, pour des raisons statistiques) montre un goût pour des étés chauds, mais pas caniculaires. L’effet de la température moyenne du mois de janvier sur le prix d’achat des maisons est négligeable (du point de vue statistique, on dit qu’il est non significatif ), de même que le nombre de jours très froids (minimum inférieur à – 5°C). Les températures hivernales influencent donc très peu le prix des maisons, alors que celles de l’été ont des effets importants. Par contre, la pluviométrie de janvier a un effet négatif très sensible sur le prix des maisons : celui-ci diminue de 3,2 % par journée pluvieuse supplémentaire. En janvier, notons également que l’ensoleillement est apprécié, faisant augmenter le prix de 0,8 % par heure journalière supplémentaire.

Figure 1 Variation du prix (ou du loyer) lorsqu’une variable climatique augmente

Au total, ces effets contrastés entre l’été et l’hiver sur le prix des maisons sont conformes à l’intuition : il est plus facile de se défendre contre le froid en hiver (au prix d’un coût un peu supérieur en chauffage et en vêtements) que contre la pluie ou l’humidité, qui donnent une impression de froid, alors que les jours d’hiver clairs et ensoleillés réduisent celle-ci.

Figure n° 2 Estimation théorique du prix du climat pour une maison moyenne occupée par son propriétaire
Sources : base climatique communale INRA-CNRS d’après Météo France, recensement de la population de 2009 INSEE.

Deux définitions statistiques utiles

unité de mesure pour comparer des variables climatiques : l’écart-type. Pour permettre des comparaisons entre variables climatiques, il faut préciser l’unité de mesure utilisée : l’effet sur le prix (ou loyer) d’un logement n’est pas le même pour 1 degré Celsius ou 1 degré Fahrenheit supplémentaire (une différence de 9 degrés Celsius est égale à une différence de 5 degrés Fahrenheit), un jour ou une heure de pluie en plus (un jour = 24 heures), etc. Pour homogénéiser les unités de mesure, on utilise une statistique de dispersion de la variable, appelée écart-type. Ainsi, une variation d’un écart-type de la température (en été ou en janvier) est comparable à une variation d’un écart-type du nombre de jours de pluie, d’insolation, etc. C’est l’effet d’une augmentation d’un écart-type de chaque variable qui est présenté dans la figure 1, avec en légende sa traduction en unité de mesure classique (un écart-type de température en été est égal à 1,7 °C, etc.). La mesure de l’effet d’une variable selon la dispersion des observations : le rapport D1/ D9. Classons le parc des maisons individuelles, par exemple, selon le nombre croissant de jours de pluie en janvier. Celle qui arrive à 10 % de cette distribution s’appelle (en langage statistique) « D1 » et celle qui est à 90 % « D9 » : il y a 10 % des logements qui ont moins de jours de pluie que « D1 » et 10 % qui en ont plus que « D9 ». Le rapport du prix d’achat de la maison D1 au prix de la maison D9, appelé D1/D9 (cela peut être D9/D1 pour une autre variable) mesure l’effet de notre variable, le nombre de jours de pluie en janvier, sur une maison située « en bas » de la distribution (janvier sec) par rapport à une maison située « en haut » (janvier pluvieux).

En été, les températures clémentes sont appréciées, mais l’effet devient négatif lorsqu’on est contraint de subir beaucoup de journées très chaudes, parce qu’investir dans des moyens de défense contre la chaleur (climatisation, piscine) est très coûteux. Pour les locataires d’appartements, les résultats vont dans le même sens que pour les acheteurs de maisons individuelles.

Figure n° 3 Estimation théorique du prix du climat pour un appartement moyen en location
Sources : base climatique communale INRA-CNRS d’après Météo France, recensement de la population de 2009 INSEE.

La figure 1 permet de comparer ces deux types de logements. Les deux principales différences concernent la température estivale et le nombre de jours de pluie en janvier. La température en été est plus appréciée des locataires d’appartements (+ 6,4 % pour un degré Celsius supplémentaire), mais les journées très chaudes entraînent une dépréciation plus forte (- 0,8 % pour une journée en plus avec un pic de température qui dépasse 30 °C). En gardant en tête que le modèle statistique surestime le contraste, il reste néanmoins une forte pénalisation des jours très chauds par les locataires d’appartements. Dans une maison, le plus souvent avec un jardin, il est plus facile de supporter les fortes chaleurs que dans un appartement, le plus souvent urbain. Les jours pluvieux supplémentaires occasionnent un désagrément moindre dans un appartement (- 0,9 % par jour de pluie en plus) que dans une maison (- 3,2 %). La différence, presque de un à quatre, provient de ce que la pluie occasionne plus de désagréments pour les habitants d’une maison (souvent périurbaine ou rurale) que d’un appartement (le plus souvent urbain). Le climat, à travers les variables que nous avons retenues pour le caractériser, joue un rôle important dans la détermination du prix des résidences principales du pays. Le rapport D1/D9 (voir encart n°2), c’est-à-dire le rapport entre le prix d’achat d’une maison située dans une région peu pluvieuse en janvier et une région très pluvieuse, est de 1,154 : toutes choses égales par ailleurs, la première vaut 15,4 % de plus que la seconde. En tenant compte de toutes les variables climatiques, la composante due au climat dans le rapport du prix de ces deux maisons (D9/ D1) est de 1,151, soit un écart de prix, toutes choses égales par ailleurs, de 15,1 %.

Dispersion géographique des prix

Les figures n° 2 et 3 indiquent l’indice du prix hédoniste du climat pour une maison individuelle moyenne en propriété et pour un appartement moyen en location. L’indice 100 correspond à la valeur minimale du prix théorique estimé, soit la commune la plus « défavorisée » du point de vue climatique. Pour les maisons en propriété, le prix théorique estimé du climat est minimal dans plusieurs intercommunalités du Finistère (communauté de communes du Yeun Elez, cc des Monts d’Arrée, cc de Calac Argoat…), de Corrèze (cc de Ventadour, cc des Villages du Midi Corrézien, cc du Pays d’Argentat…), de Meuse (cc de Verdun, cc du Val Dunois, cc du Pays de Montmédy…), de Haute-Saône (communauté d’agglomération de Vesoul, cc du Pays de Luxeuil, cc des Combes…), Haute-Vienne (cc du Val de Vienne, cc Vienne Glane, cc des Portes de Vassivière…).

Tableau 1

Une plage de valeurs sensiblement plus élevées caractérise les intercommunalités situées dans une bande allant du Nord et du Pas-de-Calais au Maine en passant par le bassin parisien. À cet ensemble, s’ajoute la façade atlantique nantaise et vendéenne, le Calvados et le littoral nord Bretagne de Paimpol-Goëlo à la baie du Mont-Saint-Michel. Le prix estimé du climat est très élevé dans le Sud-Est, avec le pourtour méditerranéen, la région Rhône-Alpes, les Alpes, mais également dans les Midis languedocien, toulousain et pyrénéen. La carte de la valeur estimée du climat, telle qu’elle se capitalise dans le prix des appartements en location, est conforme à la précédente. On note cependant que le contraste des valeurs entre les prix élevés et les prix faibles fait apparaître de façon prononcée la façade atlantique, le Sud-Ouest mais aussi la vallée du Rhône. La température estivale et la pluie en hiver jouent les rôles principaux pour expliquer cette géographie des prix, comme l’illustrent les quelques exemples du tableau 1. Dans ce tableau, les communes au nord du 47e parallèle constituent la « France septentrionale », l’autre moitié la « France méridionale ».

Rêve méridional
© jcavale. Fotolia.com

Les communes dont le chef-lieu est situé à plus de 600 mètres d’altitude ont été écartées pour éliminer l’effet « montagne », plus important au sud qu’au nord. On constate que les Alpes-Maritimes ont un climat estival chaud, mais avec un peu moins de journées très chaudes que la moyenne des communes méridionales du fait de la proximité de la mer. Les Alpes-Maritimes ont, surtout, des hivers secs : on y compte presque deux fois moins de jours pluvieux que la moyenne des communes méridionales. Ces caractéristiques expliquent la contribution élevée du climat dans la formation du prix des logements. L’Alsace et l’Île-de-France 12 ont une température moyenne du mois de juillet (19 °C environ) à mi-chemin entre celle de la France méridionale (20,3 °C) et celle de la France septentrionale (18,1 °C), alors qu’il n’y a qu’une dizaine de jours par an où la température dépasse 30 °C, contre plus de 20 dans la moitié méridionale de la France. Le nombre de jours de pluie en janvier est, dans ces deux régions, voisin de celui de la France méridionale, bien inférieur au nombre moyen de jours des communes septentrionales. Pour ce qui concerne le département du Nord, l’explication de la contribution élevée du prix du climat à la formation des valeurs immobilières est différente : la température de juillet et la pluviométrie de janvier sont à peu près identiques aux moyennes septentrionales du pays. Mais le faible nombre de jours où la température dépasse 30 °C (5,2 contre 7,8 pour la moyenne des communes de la moitié septentrionale) constitue un avantage qui explique le prix du climat dans ce département. Le même type de raisonnement pourrait être appliqué à d’autres situations 13. Les conséquences de ces résultats peuvent être non négligeables compte tenu du réchauffement climatique attendu au cours de ce siècle : toutes choses égales par ailleurs, les prix ou les loyers élevés du bassin méditerranéen pourraient baisser. Peut-être l’attractivité de ces régions pourrait-elle diminuer au profit de régions connaissant aujourd’hui des étés plus frais, qui vont se réchauffer tout en restant tempérés, ce qui conduirait à des inflexions régionales des valeurs foncières et immobilières dues au climat. Certes, le poids de celui-ci n’est pas considérable par rapport à d’autres déterminants du prix ou du loyer des logements, mais il ne doit pas être négligé pour autant.

  1. Sur ce sujet, voir Baccaïni B et Lévy D, 2009, « Recensement de la population de 2006. Les migrations entre départements : le Sud et l’Ouest toujours très attractifs », Insee première, n° 1248, juillet 2009.
  2. Voir : Cheshire P et Magrini S, 2006, « Population growth in European cities: Weather matters. But only nationally », Regional Studies, 40: 23-37.
  3. Voir : Joly D., Brossard T., Cavailhès J., Hilal M., Tourneux F. P., Tritz C., Wavresky P., 2009, « A Quantitative Approach to the Visual Evaluation of Landscape », Annals of the Association of American Geographers, 1467-8306, volume 99, Issue 2, pp. 292-308.
  4. Une courte bibliographie est présentée dans : Cavailhès J., Joly D., Cardot H., Hilal M., Wavresky P., Brossard T., 2010, « The price of climate: a French consumer preferences reveal spatial and individual inequalities », The World Bank, chapter 26, pp. 649-669.
  5. Hilal M., 2010, « Odomatrix. Calcul de distances routières intercommunales », Cahier des Techniques de l’INRA, (Numéro spécial : « Méthodes et outils de traitement des données en sciences sociales. Retours d’expériences »), p. 41-63.
  6. Joly D., Brossard T., Cardot H., Cavailhès J., Hilal M., Wavresky P., 2011, « Temperature interpolation based on local information: the example of France », International Journal of Climatology, 31, p. 2141-2153.
  7. Accord nécessaire car les enquêtes logement incluent des données sensibles comme le revenu du ménage, etc.
  8. Nous remercions l’INSEE d’avoir mis cette procédure à notre disposition.
  9. Ils sont présentés dans Cavailhès et al., 2014, op. cit. pour les maisons en propriété.
  10. Pour plus de détails sur la méthode, voir : Cavailhès J., et al., 2014, op. cit.
  11. La méthode est détaillée dans : Cavailhès J., Joly D., Hilal M., Brossard T., Wavresky P., 2014, « «Économie urbaine et comportement du consommateur face au climat : effet sur les prix hédonistes et sur l’étalement urbain ». Revue économique (à paraître, juillet 2014). Une étude utilisant la méthode des prix hédonistes a été publiée par les mêmes auteurs dans Études foncières : Cavailhès J., dir., 2007, « Le prix du paysage. Une expérimentation innovante en région dijonnaise », Études Foncières, 124, pp. 21-25.
  12. Nous avons vérifié que la proximité de l’Allemagne n’influençait que faiblement les résultats de l’Alsace en ajoutant une variable représentant ce voisinage, ce qui ne change le prix du climat dans cette région qu’à la marge. Le poids économique et la densité de population de l’Îlede- France sont contrôlés par des variables de population (population de l’aire urbaine de Paris et de la commune) et par le PIB par emploi.
  13. Pour le lecteur désireux de faire l’exercice, des données en ligne sont accessibles pour un certain nombre de variables climatiques : Joly D., Brossard T., Cardot H., Cavailhès J., Hilal M., Wavresky P., « Les types de climats en France, une construction spatiale », Cybergeo, European Journal of Geography, http://cybergeo.revues. org/index23155.html

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