Marchés du logement et aides publiques [Didier Cornuel]

L’Harmattan, 2017, 212 p.

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L’auteur, universitaire spécialiste des questions de logement, dresse un tableau d’ensemble de la situation de ce secteur et des politiques qui y sont consacrées. Il s’agit d’un ouvrage destiné à un large public, un livre d’initiation pour-rait-on dire, écrit par un professeur expliquant de façon simple à ses étudiants des questions économiques parfois complexes. Une thèse est exposée d’emblée, qui revient comme une rengaine tout au long de l’ouvrage : « il n’y a pas de pénurie de logements » (titre du premier chapitre de la première partie). Les Français sont bien logés, dans des logements qui ne sont pas trop chers ni à l’achat ni à la location. Cette thèse repose sur le postulat (fictionnel) que le marché du logement est concurrentiel, les loyers en étant un bon baromètre (sachant que le secteur locatif est le marché directeur pour l’analyse économique). Or, selon l’auteur, les loyers sont restés stables depuis une quinzaine d’années. De plus, le taux de vacance élevé vient démontrer qu’il y a surabondance de logements offerts, parce qu’on construit trop, que ce soit au niveau national ou local : il n’y a pas de pénuries sectorielles (HLM) ou locales, ni de zones tendues (même dans le cas parisien). Des comparaisons avec nos voisins (Allemagne, Royaume-Uni, Suisse) viennent étayer le raisonnement. Il ne s’agit pas, dans cette présentation de l’ouvrage, de faire une critique de la thèse principale de l’auteur, ni d’ouvrir une polémique avec lui, mais de noter que quelques libertés sont prises avec les faits et les chiffres. C’est assez fréquent lorsqu’il s’agit de démontrer que l’on a raison contre beaucoup de monde. Mais, si les positions minoritaires sont toujours inconfortables, le dérangement qu’elles produisent sur des conclusions bien établies est profitable à la réflexion. C’est un des aspects qui justifie la lecture du livre de D. Cornuel. L’auteur en vient ensuite à l’analyse des politiques du logement. Il ne lui est pas difficile de démontrer que la multiplicité des dispositifs et des objectifs poursuivis la rendent confuse. Le soutien à la construction est largement inutile (puisqu’on construit trop) et inefficace. Le secteur HLM, analysé avec finesse et détails, coûte cher en gestion et « transferts à l’occupant »(personnes logées gratuitement ou à un tarif préférentiel), il n’est ni réellement social ni promoteur de mixité. Les aides à la personne et la défiscalisation des investissements privés n’échappent pas à la critique.C’est pour tenter de remédier aux incohérences de cette poli-tique que D. Cornuel présente, dans la partie finale de l’ouvrage, des propositions de réformes avec l’objectif de « fournir à tous un loge-ment décent à un coût supportable ». Puisque « les trois quarts des ménages peuvent se loger décemment sans aide publique, […] l’intervention publique doit être résiduelle » (p. 188). Pour le quart restant, la politique résiduelle nécessaire doit s’inspirer d’une logique redistributive (transferts des riches vers les pauvres) qui traite également les égaux (à revenu égal, on doit bénéficier d’aides égales). Or, sur le premier point « les aides à l’investissement locatif mises en place depuis 30 ans sont totalement anti-redistributives » (il faut donc les supprimer) et, sur le second, les locataires d’HLM sont favorisés par rapport à ceux du secteur privé (il faut donc, soit le réserver aux plus pauvres, soit le banaliser en l’ouvrant à tout le monde, avec des bailleurs d’organismes HLM ordinaires, mais à but non lucratif ). Ces réformes sont rendues difficiles par l’addiction aux aides dont souffre le logement, tant du côté des opérateurs que des ménages, tous bénéficiaires.