La protection des occupants du bâti existant dans les opérations d’aménagement

La personne publique qui a pris l’initiative de la réalisation de l’une des opérations d’aménagement est tenue, envers les occupants des immeubles intéressés, à un ensemble d’obligations. Dont celle de reloger les occupants des immeubles bâtis qui vont être touchés par l’opération. Sous quelles conditions cette obligation s’exerce-t-elle ?

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Les actions ou opérations d’aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l’habitat, d’organiser le maintien, l’extension ou l’accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d’enseignement supérieur, de lutter contre l’insalubrité et l’habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. L’aménagement désigne l’ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d’une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l’alinéa précédent et, d’autre part, à assurer l’harmonisation de ces actions ou de ces opérations 1.

 

Personnes bénéficiant du droit au relogement

Tous les occupants de locaux à usage d’habitation, professionnel ou mixte ont droit au relogement dans les conditions suivantes 2 :

• Il doit être fait à chacun d’eux au moins deux propositions portant sur des locaux satisfaisant à la fois aux normes d’habitabilité requise pour la construction de logements sociaux.

• Ils bénéficient, en outre, des droits de priorité et de préférence prévus au code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, même dans le cas où ils ne sont pas propriétaires.

• Ils bénéficient également, à leur demande, d’un droit de priorité pour l’attribution ou l’acquisition d’un local dans les immeubles compris dans l’opération ou de parts ou actions d’une société immobilière donnant vocation à l’attribution, en propriété ou en jouissance, d’un tel local.

 

Droit au relogement dans les cas où les travaux nécessitent l’éviction définitive des occupants

Si les travaux nécessitent leur éviction définitive les occupants de locaux à usage d’habitation, professionnel ou mixte ont droit au relogement.

L’occupant est le titulaire d’un droit réel conférant l’usage, le locataire, le sous-locataire ou l’occupant de bonne foi des locaux à usage d’habitation et de locaux d’hébergement constituant son habitation principale 3.

Occupants de locaux à usage d’habitation, professionnel ou mixte

Titulaire d’un droit réel conférant l’usage
Le propriétaire qui occupe le local exproprié peut exiger de l’expropriant qu’il le reloge. Il peut également renoncer à ce relogement. C’est lui qui a l’initiative. Sa décision aura une incidence pour le calcul de l’indemnité d’expropriation qui lui est due. Dans ce cas de relogement, les indemnités allouées en cas d’expropriation seront nécessairement fixés de manière à prendre en compte celui-ci. Si le propriétaire renonce au relogement (point à préciser dans le jugement), le local qu’il occupait sera estimé libre d’occupation. S’il demande, au contraire, à être relogé, ce local sera estimé occupé. Le propriétaire doit faire connaître, avant la décision du juge, la solution qu’il a adoptée afin de permettre au magistrat « de tenir compte de ce relogement lors de la fixation de l’indemnité d’expropriation ». Les mêmes règles semblent applicables aux autres titulaires d’un droit réel conférant l’usage lorsqu’ils sont occupants : usufruitiers, bénéficiaires du droit d’usage et d’habitation…

Locataires du local exproprié
L’occupant du local exproprié qui bénéficie d’un titre de location ou d’une location verbale doit être relogé par l’autorité expropriante. Pour le calcul de l’indemnité de dépossession foncière due au propriétaire, le local sera estimé occupé. La situation locative à prendre en considération est celle existant à la date de l’ordonnance d’expropriation.

Contestation sur la qualité du locataire
Si le juge estime qu’il s’agit d’une contestation sérieuse, il fixera l’indemnité sous forme d’une alternative 4.

Occupants de bonne foi
À notre avis, les occupants de bonne foi sont ceux qui sont maintenus dans les lieux en raison :
• soit d’une décision de justice ;
• soit d’un accord formel ou tacite du propriétaire ;
• soit d’un droit au maintien dans les lieux accordé par le législateur pour le cas d’espèce.
Autrement dit, l’occupant de bonne foi est celui qui, à bon droit, aurait bénéficié du maintien dans les lieux s’il n’y avait pas eu expropriation. Certains pensent que si l’occupant est dans les lieux avec l’accord du propriétaire et s’il paie régulièrement ses loyers, il peut être considéré comme occupant de bonne foi maintenu dans les lieux.

Occupants de locaux d’hébergement
Les occupants, d’un hôtel meublé, qui apportent la preuve que ce logement constituait leur résidence principale, bénéficient du droit au relogement 5. Le locataire qui occupe une chambre constituant son habitation principale a droit au relogement et à une indemnité d’éviction ; peu importe la régularité de son séjour sur le territoire français. L’obligation de reloger, qui relève de l’ordre public social, est prévue de la manière la plus large pour tous les occupants de bonne foi, sans distinguer selon que l’occupant étranger est ou non en situation irrégulière ; le fait de le reloger ne peut caractériser une infraction pénale 6. La situation d’occupation à prendre en considération est celle existant à la date de l’ordonnance d’expropriation.

Remarque
On observera qu’il est parfois difficile d’établir si une personne qui ne peut se prévaloir d’un titre de location doit, ou non, être considérée comme « occupant de bonne foi ».

Occupants ne bénéficiant pas de la bonne foi
En principe, ne devraient pas être considérés comme « occupants de bonne foi » au sens de l’article L.521-1 du code de la construction et de l’habitation :
• les squatters;
• les occupants à l’encontre desquels un jugement définitif d’expulsion est intervenu ;
• les occupants installés dans les lieux sans l’accord formel (ou tacite) du propriétaire et ne bénéficiant pas d’un maintien dans les lieux accordé par le législateur ;
• les bénéficiaires de locations saisonnières ;
• les personnes occupant un logement de fonction 7 ;
• les personnes ne bénéficiant que d’une autorisation précaire ;
• les occupants entrés dans les lieux postérieurement à l’ordonnance d’expropriation. On rappelle, à cet égard, qu’à compter de l’ordonnance d’expropriation, l’ancien propriétaire, maintenu en possession de l’immeuble, ne peut consentir sur celui-ci que des occupations essentiellement précaires ne donnant droit ni à indemnité ni à relogement par l’expropriant.
Ne peut prétendre au relogement l’occupant dont la présence et l’installation dans les locaux n’ont pas été constatés lors de la visite des lieux, l’intéressé ne justifiant d’ailleurs d’aucun titre locatif 8.

Occupant de locaux à usage professionnel
Le locataire exproprié qui ne bénéfice pas du statut des baux commerciaux, est fondé à demander à l’expropriant le droit au relogement 9.

 

Appréciation des besoins des occupants

Le local de relogement doit correspondre aux besoins des occupants.

Composition de la famille expropriée
Ces besoins seront appréciés principalement en fonction de la composition de la famille de l’occupant et, le cas échéant, de ses besoins professionnels. Il convient de tenir compte également, semble-t-il, de la situation du local exproprié et des conditions de vie et de travail de l’occupant: prise en considération également des conditions de vie habituelles de l’occupant sans qu’on puisse lui imposer un changement brutal dans ses habitudes – prise en compte de l’état de santé de l’occupant : il ne peut être offert à un cardiaque un relogement au 3e étage sans ascenseur 10. Étant donné les difficultés nombreuses que pourrait soulever l’appréciation de ces besoins, le législateur a admis que, en toute hypothèse, lorsque le relogement est obligatoire, le local de remplacement ne peut excéder les normes HLM 11. En fait, le relogement est, en général, assuré sur les bases suivantes:
• une personne : logement d’une ou deux pièces ;
• deux personnes : logement de deux ou trois pièces ;
• trois personnes : logement de trois ou quatre pièces ;
• quatre personnes : logement de quatre ou cinq pièces ;
• cinq personnes : logement de cinq ou six pièces ;
• six personnes : logement de six pièces. Peuvent seuls être compris au nombre des personnes occupant le local :
• le chef de famille, et son conjoint, et, plus généralement, les personnes à leur charge ;
• leurs ascendants et leurs descendants ;
• les alliés au premier degré.
L’expropriant n’est pas tenu d’assurer au locataire la possibilité de louer un appartement d’une surface identique à celui qu’il occupait 12.

Occupants de maisons individuelles
Lorsque l’expropriation a porté sur une maison individuelle, le relogement de l’occupant doit, si cela est possible, être offert dans un local de type analogue (maison individuelle), n’excédant pas les normes HLM. Le relogement dans un immeuble collectif HLM est valable s’il n’est pas possible de reloger l’occupant dans un pavillon individuel 13. En outre, le local de relogement doit être situé dans la même commune que le local exproprié ou dans une commune limitrophe 14.

 

Offre de relogement

Délais
Toute offre de relogement définitif ou provisoire doit être notifiée à la personne concernée au moins six mois avant son éviction. Celle-ci a alors deux mois pour faire connaître son acceptation ou son refus. En cas de silence, l’occupant est réputé avoir accepté l’offre 15. Au cas où les occupants bénéficient du droit à réintégration, le propriétaire doit les mettre en demeure, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par acte extrajudiciaire et dès l’achèvement des travaux, de lui faire connaître, dans le délai d’un mois et dans la même forme, s’ils entendent user de ce droit. La notification doit mentionner, à peine de nullité, la forme et le délai de la réponse 16.

Nécessité de deux propositions de relogement
Tout occupant de locaux à usage d’habitation, professionnel ou mixte doit pouvoir choisir entre au moins deux propositions :
• qui doivent porter sur des locaux satisfaisant aux normes d’habitabilité ouvrant droit à la prime pour l’amélioration de l’habitat locatif ;
• qui doivent satisfaire à diverses conditions relatives à l’état des locaux offerts, à leur adaptation aux besoins personnels ou familiaux et, le cas échéant, professionnels de la personne à qui ils sont proposés et à leur localisation 17.

Normes du relogement
En toute hypothèse, les conditions de relogement comporter l’offre de deux propositions par l’expropriant d’un local :
• correspondant aux besoins des locataires ou occupants ;
• et n’excédant pas les normes HLM.
Lorsqu’il est satisfait à ces conditions, l’expropriant est « valablement libéré » de ses obligations en la matière. Mais il appartient à la juridiction de s’assurer que cette norme de relogement qui s’impose à l’expropriant est bien respectée. Si le locataire conteste ou refuse le local qui lui est ainsi offert, il le fait à ses risques et périls, et l’expropriant est fondé à exercer la prise de possession des lieux dans le délai d’un mois.
Mais si le local offert excède les normes HLM, la juridiction peut rejeter l’offre de relogement faite par l’expropriant. Si le local offert ne correspond pas aux besoins de l’exproprié, l’administration est tenue de lui faire une nouvelle proposition répondant à ses besoins.

Lieu du relogement
Lorsqu’il est tenu au relogement, l’expropriant doit, au moment de la notification des offres à l’exproprié, préciser la commune où sera situé le local offert 18. La juridiction possédera ainsi un élément d’information intéressant pour apprécier, le cas échéant, le préjudice résultant du changement de résidence.

Refus du relogement
Lorsqu’un locataire ayant droit au relogement renonce à ce relogement et décide de se réinstaller par ses propres moyens, il ne peut exiger aucune indemnité en échange de son renoncement. Si plusieurs offres de relogement ont été refusées sans motif sérieux, l’expulsion de l’occupant est justifiée 19.

Cas particuliers
Diverses mesures ont été prises en faveur des personnes relogées à la suite d’une procédure d’expropriation. Ainsi, les personnes âgées de plus de 65 ans (ou 60 ans en cas d’infirmité), qui bénéficiaient de l’allocation logement dans l’ancien local, peuvent prétendre à une allocation compensatrice du supplément de loyer qu’elles auront à payer dans le nouveau local 20.

Contestations relatives au relogement
Rôle du juge de l’expropriation
En ce qui concerne les contestations relatives au relogement des locataires expropriés ou occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel, la jurisprudence a été consacrée par le décret du 13 mai 2005 21. Le juge de l’expropriation est saisi comme en matière de référé, c’est-à-dire sur présentation d’une requête au magistrat, qui signe une ordonnance autorisant à assigner pour une date qu’il fixe lui-même, mais la décision rendue est une véritable décision au fond, susceptible d’appel. Ces contestations sont de la compétence de la juridiction d’expropriation. En particulier, la juridiction d’expropriation est seule qualifiée pour :
• déterminer les besoins de l’occupant ;
• apprécier si les caractéristiques du local de remplacement correspondent à ses besoins et, notamment, le cas échéant, aux besoins professionnels (ainsi, il a été décidé qu’un avoué ne pouvait exercer son activité professionnelle dans un local HLM) ;
• apprécier si le local de relogement est conforme aux normes HLM 22) ;
• établir si le local offert entraînera, ou non, pour l’occupant un trouble de jouissance indemnisable.
Le juge de l’expropriation, s’il est saisi, ne peut statuer que si les conditions exactes de ce relogement sont connues 23.
Le juge de l’expropriation qui n’est saisi que pour la fixation de l’indemnité ne peut prendre parti sur les conditions de relogement proposées s’il n’a pas été saisi d’une contestation sur ce deuxième point 24.
Il convient de préciser, en outre, que les contestations prévues par l’article L.14-3 du code de l’expropriation sont celles qui peuvent s’élever au cours de la procédure d’expropriation proprement dite ou qui en sont les suites normales, alors que l’autorité expropriante a offert un local de relogement et que l’offre a été acceptée par l’exproprié avant la fixation des indemnités d’expropriation.
Les contestations sur les conditions du relogement doivent être portées devant le juge de l’expropriation statuant en référé 25.

Rôle du juge du fond
Toutefois, le juge du fond, et non la juridiction de l’expropriation, est seul compétent pour statuer sur les contestations relatives à l’existence et à l’étendue des droits du locataire ou occupant. Il interviendra, par exemple, dans les cas suivants :
• droit de l’occupant – ou non – au maintien dans les lieux ;
• validité du titre de location invoqué par l’occupant lorsque ce titre est contesté ;
• refus, par l’expropriant, de payer l’indemnité, par suite du maintien dans l’immeuble exproprié d’un occupant sans titre entré dans les lieux du chef de l’exproprié ;
• exécution d’une mesure d’expulsion prise à l’encontre de l’occupant.

Remarque
On rappelle que les occupants sont tenus, sous peine d’expulsion, d’abandonner les lieux dans le mois, soit du paiement ou de la consignation de l’indemnité, soit de l’acceptation ou de la validation de l’offre d’un local de remplacement. Il est sans incidence, à cet égard, que la décision de fixation indemnitaire ait fait l’objet d’un appel.

 

Droit au relogement lorsque les travaux nécessitent l’éviction provisoire des occupants

Si les travaux nécessitent l’éviction provisoire des occupants, il doit être pourvu à leur relogement provisoire dans un local compatible avec leurs besoins, leurs ressources et, le cas échéant, leur activité antérieure, et satisfaisant aux conditions de localisation prévues à l’article 13 bis de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 26. Le relogement provisoire peut donner lieu à un bail à titre précaire pour la durée des travaux. Au-delà de trois ans, toute éviction est considérée comme définitive et donne droit à l’application des dispositions de l’article précédent. Lorsque la réinstallation provisoire n’est pas possible, le commerçant, l’artisan ou l’industriel bénéficie, en lieu et place, d’une indemnisation des pertes financières résultant de la cessation temporaire d’activité. Les occupants disposent d’un droit à réintégration après les travaux dans le local qu’ils ont évacué. Les baux des locaux évacués pendant la période d’exécution des travaux sont considérés comme ayant été suspendus et reprennent cours à la date à laquelle la réintégration aura été possible. Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque le bailleur et l’occupant ont décidé d’un commun accord le report définitif du bail sur un local équivalent. Les occupants sont remboursés de leurs frais normaux de déménagement et de réinstallation.

 

Droit de priorité et de préférence prévus par le code de l’urbanisme

Tous les occupants de locaux à usage d’habitation, professionnel ou mixte bénéficient, en outre, des droits de priorité et de préférence prévus aux articles L. 14-1 et L. 14-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, même dans le cas où ils ne sont pas propriétaires.27

Ils bénéficient également, à leur demande, d’un droit de priorité pour l’attribution ou l’acquisition d’un local dans les immeubles compris dans l’opération ou de parts ou actions d’une société immobilière donnant vocation à l’attribution, en propriété ou en jouissance, d’un tel local.

 

Droit de priorité et relogement

En assortissant la mise à disposition du logement attribué au propriétaire à des conditions restrictives tenant à l’étendue des ressources du propriétaire puis à la garantie d’un cautionnement, qui ne sont pas prévues aux dispositions de l’article L. 314-2 du code de l’urbanisme relatives au droit de priorité dont l’intéressé s’était prévalu en sa qualité de propriétaire occupant les locaux expropriés, le mandataire apparent de l’autorité expropriante a commis une faute engageant sa responsabilité personnelle 28.

Le droit au relogement et le droit de priorité ne s’excluent pas, ils s’exercent d’ailleurs l’un et l’autre à des dates différentes ; un propriétaire ayant refusé les offres de relogement qui lui avaient été faites valablement en vertu de l’article L.314-2 du code de l’urbanisme est bien fondé à solliciter une offre d’attribution prioritaire 29. Mais le refus de relogement justifie l’expulsion à laquelle la demande d’une attribution prioritaire dans les conditions susvisées ne saurait faire obstacle 30.

Une cour d’appel a légalement justifié sa décision en rejetant la demande de l’exproprié tendant à l’attribution d’un logement en propriété alors que, dans les nouveaux immeubles édifiés, aucune accession à la propriété n’est prévue, que l’expropriant a fait à l’intéressé une offre attributive d’un local en jouissance dans lesdits immeubles, offre déclinée pour des motifs personnels après avoir refusé plusieurs offres antérieures de relogement 31.

 

Priorité accordée aux commerçants, artisans et industriels

Exercice du droit de priorité

Les commerçants, artisans et industriels qui ont été évincés définitivement à la suite d’une opération d’aménagement foncier ou d’une expropriation 32 bénéficient d’un droit de priorité pour l’attribution de locaux de même nature compris dans l’opération lorsque l’activité considérée est compatible avec les dispositions du plan local d’urbanisme ou du document d’urbanisme en tenant lieu 33.

À défaut d’une offre de réinstallation dans les conditions indiquées ci-dessus, les intéressés ont un droit de priorité pour acquérir un local dans un immeuble compris dans l’opération 34.

Ce droit de priorité constitue une obligation pour l’autorité expropriante, dès lors que les constructions envisagées prévoient la construction de locaux commerciaux 35. Les priorités jouent en faveur des titulaires de baux à usage des mêmes activités que celles dont l’installation est prévue dans les locaux nouveaux; pour les commerces de chaque nature, les priorités sont données aux titulaires des baux les plus anciens 36. Le droit prioritaire d’attribution de locaux conféré aux commerçants occupants évincés fait obligation à l’autorité expropriante, l’article L. 314-5 alinéa 2 du code de l’urbanisme n’a pas pour effet de donner à ce droit le caractère d’une simple possibilité soumise à la volonté de l’autorité expropriante. 37

Immeuble d’habitation à démolir.
© Filiz Hervet

Mais ni le code de l’urbanisme, ni le code de l’expropriation n’organisant l’information du locataire de la possibilité de réinstallation, ce dernier devait s’en prévaloir devant le juge de l’expropriation ou au moins dans le délai de deux mois de l’appel.38

Les articles L 314-1 et suivants du code l’urbanisme envisagent différentes conséquences selon que les travaux devant être réalisés entraînent l’éviction provisoire des locataires auquel cas il doit être pourvu à leur relogement provisoire dans un local compatible avec leurs besoins, leurs ressources et leur activité antérieure ou l’éviction définitive du commerçant qui bénéficie alors d’un droit de priorité pour l’attribution de locaux de même nature compri

s dans l’opération d’aménagement urbain, sous réserve que son activité soit compatible avec les documents d’urbanisme, mais dont l’indemnité d’éviction est alors limitée à ses frais de déménagement et à sa privation de jouissance. 39 L’exercice des droits de priorité rend applicables les dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 13-20 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. Les priorités jouent en faveur des titulaires de baux à usage des mêmes activités que celles dont l’installation est prévue dans les locaux nouveaux. Pour les commerces de chaque nature, les priorités sont données aux titulaires des baux les plus anciens.

Offre d’un local équivalent

En application de l’article L13-20 du code de l’expropriation, l’expropriant peut se soustraire au paiement de l’indemnité en offrant au commerçant, à l’artisan ou à l’industriel évincé, un local équivalent situé dans la même agglomération. Dans ce cas il peut être alloué au locataire, outre l’indemnité de déménagement, une indemnité compensatrice de sa privation de jouissance.

Le juge statue sur les différends relatifs à l’équivalence des locaux commerciaux offerts par l’expropriant.

Le relogement constitue une modalité légale de réparation en nature. Si le relogement, dont la proposition de maintien dans les lieux fait partie, est l’exception, l’offre de relogement faite par l’expropriant, dès lors qu’elle porte sur un local équivalent, ne constitue pas une simple proposition au regard de laquelle l’exproprié conserverait une entière liberté de choix. L’exproprié ne peut refuser l’offre d’un local équivalent faite par l’expropriant 40.

Le commerçant ne peut refuser l’offre d’un local équivalent faite par l’expropriant.41

La notion d’équivalence doit s’entendre non seulement de la situation des locaux, de leur consistance et de leurs agencements, mais également des accès, des commodités offertes, du degré de commercialité et d’achalandage ainsi que de la possibilité de reconstitution de clientèle 42.

 

Maintien dans les lieux durant les travaux

L’article L.314-4 du code de l’urbanisme définit les règles applicables quand les travaux exécutés dans un local compris dans une opération d’aménagement ou exproprié ne nécessitent pas l’éviction, même provisoire, des occupants. Le droit au maintien sur place s’exerce alors dans les conditions suivantes :

• sous réserve d’un préavis de trois mois, les occupants sont tenus soit d’évacuer la partie des locaux concernée par les travaux, soit de permettre l’accès du local et d’accepter notamment le passage des canalisations ne faisant que le traverser ;

• pendant la durée des travaux, le loyer est, s’il y a lieu, réduit, cette réduction étant mise à la charge de la personne publique qui a pris l’initiative des travaux. Dès lors que cette réduction est déterminée dans les conditions fixées à l’article 1724 du code civil, le règlement des litiges qui y ont trait ressortit à la compétence du juge de droit commun, même si les travaux font suite à une expropriation ou à une préemption. La réduction du loyer est en effet liée à la réalisation des travaux et non à l’expropriation ou à la préemption ;

• en cas d’expropriation ou d’exercice du droit de préemption, un nouveau bail doit permettre la poursuite des activités antérieures 43.

  1. C urb art L300-1.
  2. C urb art L314-2.
  3. C. const et hab art L.521-1.
  4. C expro art L13-8.
  5. Cass civ 3 4 novembre 2009 ; Bulletin civil 2009 III, 243 ; JurisData : 2009-050157.
  6. Cass civ 3 12 septembre 2012 ; JurisData : 2012- 020101 ; Bulletin civil 2012, III n° 122
  7. CA Paris, expro., 16 janv. 1990, AJPI 1991, p.271; RDI 1990, p.478
  8. Cass. 3eciv. 6 mai 1996, JCP G 1996, I, 3954-56, chr. A. Bernard.
  9. Cass civ 3 25 mars 1992 : Bulletin 1992 III N° 103 ; JurisData : 1992-000836.
  10. CA Paris, 8 juill. 1977, AJPI 1977, p. 868.
  11. C. expro., art. L.14-3.
  12. CA Paris, expro., 7 oct. 1983, AJPI 1984, p. 23.
  13. Cass. 3e civ. 31 mars 1981, Gaz. Pal. 7 nov. 1981, p. 304.
  14. C. expro., art. L.14-3.
  15. Circ. 7 juill. 1987 préc
  16. Voir infra § 4 travaux nécessitant l’éviction provisoire des occupants.
  17. Circ. 7 juill. 1987 préc.
  18. C. expro., art. R.13-17.
  19. CA Paris, expro., 29 févr. 1996, Gaz. Pal. 12 juin 1997, p. 21, note A.B.
  20. Code de la sécurité sociale art D832-1.
  21. Art. R.14-11.
  22. CA Paris, expro., 7 oct. 1983, AJPI 1984, p. 23.
  23. TGI Paris, expro., 26 juin 1980, AJPI 1981, p. 81.
  24. CA Paris, expro., 22 avr. 1983, AJPI 1983, p. 471.
  25. CA Paris, expro., 16 déc. 1976, JCP 1977, IV, 107 – CA Paris, expro., 16 févr. 1990, AJPI 1991, p. 271 ; RDI 1990, p. 478.
  26. C urb art L314-3.
  27. C urb art L314-2.
  28. CA Paris 22 Juin 2000 ; JurisData : 2000-126124.
  29. TGI Paris, réf. expro., 18 mai 1993, AJPI 1993, p. 789, obs. A. Bernard.
  30. Cass. 3e civ. 26 mai 1993, n°898D.
  31. Cass. 3e civ. 4 janv. 1996, Roux c/Ville de Paris.
  32. C. urb., art. L.314-1 et L.314-2.
  33. C. urb., art. L.314-5, al. 1.
  34. C. urb., art. L.314-5, al. 2.
  35. Cass. 3e civ. 4 mai 1995, Ville de Paris c/Schmidt, n°878D.
  36. C.urb., art. L.314-5, al. 4.
  37. CA Paris 9 juillet 1992 ; JurisData : 1992-024397.
  38. CA Paris 3 mai 2012 ; JurisData : 2012-009469.
  39. CA Paris 1er février 2007 ; Ville de Paris c / S.A.R.L. Excelsior Hôtel Varlin.
  40. CA Versailles 15 mai 2012 ; JurisData : 2012-011622.
  41. Cass civ 3 28 février 1996 ; JurisData : 1996-000754 ; Bulletin 1996 III N° 59 p. 39 JCP G 1996, N° 19, IV n° 930 ; JCP N , N°30-35 ; Gazette du Palais, 5 janvier 1997, n° 5-7, Panorama, p. 5.
  42. CA Paris 19 juin 1997; JurisData : 1997-021752.
  43. Circ. 7 juill. 1987, § 10.1.4, préc.