Résumé (auteur/e). Depuis la Révolution verte des années 1960, l’agriculture se déterritorialise. Elle s’organise plus par filières régionalisées qu’en fonction des demandes alimentaires locales. Mais ces dernières années des consommateurs et des collectivités portent un mouvement alimentaire qui revendique un retour du local. Ce mouvement se traduit en France par des actions publiques menées à échelle locale par des collectivités territoriales dans le champ de la protection du foncier agricole ou de la restauration scolaire. Cette thèse a pour objectif de documenter l’hypothèse d’un décalage entre acteurs agricoles et urbains face à cette demande nouvelle d’une alimentation issue d’une agriculture écologique et de proximité. L’approche retenue s’appuie sur une étude de cas. La région de Montpellier, au sud de la France, se caractérise par une spécialisation historique en viticulture et une dynamique forte d’urbanisation récente. Le territoire est abordé à la fois comme support de l’activité agricole et comme espace de projet politique local. La méthode proposée combine une géographie du fait agricole, mobilisée pour saisir la diversité agricole autour de la ville, avec une géographie du fait politique, axée sur la dimension prescrite des actions constituant la politique agroécologique et alimentaire locale. La méthode consiste à recueillir et croiser les regards d’agriculteurs, d’élus et d’agents de développement sur ce territoire agri-alimentaire urbain en construction. Une première partie analyse la trajectoire de la collectivité, de façon à comprendre comment a pu émerger un projet axé sur la recherche d’une alimentation « relocalisée » à cette échelle d’action.
Nous mettons en évidence la superposition de référentiels d’action publique territoriale axés sur l’aménagement, la protection de l’environnement puis l’amélioration de la qualité alimentaire. Dans un second temps, l’analyse de la diversité agricole périurbaine révèle des signaux faibles de diversification et renouveau agraire basés à la fois sur le système viticole hérité et sur l’installation de nouveaux systèmes agricoles fondés sur des modèles alternatifs. La fabrique de nouvelle action publique dans le champ agri-alimentaire par le territoire implique d’articuler cadre légal, volontés politiques et dynamiques agricoles locales. Cette difficile articulation est illustrée par une troisième section qui analyse la participation agricole à des dispositifs d’allocation de foncier public dans une optique de redéploiement agraire. Nous identifions et confrontons trois modalités de participation agricole. Les viticulteurs sont au centre du système agraire. Ils contrôlent la gestion du foncier et des filières dans un registre de participation « sectoriel et néo-corporatiste ». Les micro-fermes maraîchères diversifiées, attendues pour nourrir la ville, émergent timidement dans les interstices de l’espace agri-urbain. Ces maraîchers déploient un registre de participation « affinitaire ». Les éleveurs sont également attendus, mais plutôt comme partenaires dans la mise en œuvre de plans de gestion d’espaces naturels aux portes de la ville, comme les garrigues ou les zones humides. Le registre de participation qui les caractérise est qualifié de « transactionnel ». Cette thèse débouche sur des propositions pour construire, à partir de la connaissance de la diversité des figures et dynamiques agricoles périurbaines, une géographie de la participation agricole. Cette géographie permet d’envisager sous un nouvel angle la mise en œuvre d’une gouvernance participative de la politique alimentaire territoriale.
Principales conclusions (auteur/e). Accompagner une rupture à l’échelle du territoire implique d’agir concomitamment à deux niveaux : renforcer les acteurs « alternatifs » dans leur capacité d’organisation, de proposition de référentiel et de pratiques renouvelés et accompagner les acteurs « centraux » dans leur renouvellement. Dit autrement, l’enjeu territorial de la transition consiste à combiner l’accompagnement des micro et méso agriculteurs dans leur changement d’échelle, par agrandissement, association ou encore simplification de systèmes de production, car les systèmes alternatifs tendent à une complexité forte qui interroge leurs capacités d’extension ; et l’accompagnement de l’agriculture héritée dominante dans ses changements de pratiques, qui peuvent induire une intensification de la valeur, et ainsi des possibilités de réduction d’échelles (surfaces) et de nouvelles combinaisons avec des activités complémentaires correspondant mieux aux attentes urbaines.
Ces mondes étant encore relativement cloisonnés, cet accompagnement pourrait s’appuyer sur le renforcement de lieux participatifs où se partagent la définition de concepts-clés aux limites encore floues tels que la « multifonctionnalité », « l’agroécologie » ou l’approvisionnement alimentaire « de proximité ». Cette médiation peut être réalisée par des acteurs relais, navigant entre mondes de l’aménagement urbain, du développement agricole et de la gestion environnementale.
Université | Montpellier SupAgro / Université Paul Valéry, Montpellier |
Discipline | Géographie et aménagement de l’espace |
Date soutenance | 07/12/2018 |
Directeur/trice de thèse | Christophe Soulard, Laura Michel |
Mots-clés | Agriculture, territoire, politique alimentaire, économie régionale, Hérault |
Accès en ligne | http://www.biu-montpellier.fr/florabium/jsp/nnt.jsp?nnt=2018MON30026 |
Articles/WP liés à la thèse | Chapitres d’ouvrages
Hasnaoui Amri, N., Michel, L. et Soulard, C.T. (2019, sous presse). Une politique agroécologique et alimentaire à Montpellier. La transition agroécologique vecteur de compromis politique ? Chapitre 6 In Fouilleux, E. et Michel, L. (Coord.). Quand l’alimentation se fait politique…Ouvrage collectif. Presses de Sciences Po. Rennes. Issu de la conférence internationale co-organisée par l’AFSP et la Chaire Unesco Alimentations du Monde les 12 et 13 juillet 2017 à Montpellier : « Gouverner l’alimentation. Nouveaux enjeux de politique publique, nouvelles perspectives de recherche ». (A paraître, 2019). Hasnaoui Amri, N. et Perrin, C. (2019, sous presse). Innovation, justice et apprentissages dans les procédures d’attribution de foncier à des agriculteurs de la Métropole de Montpellier. 18 p. In Perrin, C. et Nougarèdes, B. (ed.), Le foncier agricole dans une société urbaine : émergence d’innovations locales. Cardère édition. Avignon. (A paraître, 2019). Vitry, C., Bellec-Gauche, A., Hasnaoui Amri, N. (2018). A quels acteurs s’adresse la politique agricole d’un territoire périurbain ? Le cas du développement des circuits courts dans le Lunellois. In: Nicolas Rouget, Guillaume Schmitt, Nature des villes, nature des champs (p. 69-92). Pratiques et Représentations, 12. Valenciennes, FRA : Presses Universitaires de Valenciennes. 382 p. https://prodinra.inra.fr/record/432315 Soulard, C.-T., Perrin, C., Jarrige, F., Laurens, L., Nougaredes, B., Scheromm, P., Chia, E., Clement, C., Michel, L., Hasnaoui Amri, N., Duffaut-Prévost, M.-L., Ubilla-Bravo, G. (2018). Les relations entre ville et agriculture au prisme de l’innovation territoriale. In: Guy Faure, Yuna Chiffoleau, Frédéric Goulet, Ludovic Temple, Jean-Marc Touzard, Innovation et développement dans les systèmes agricoles et alimentaires(p. 109-119). Synthèses (Quae). Versailles, FRA : Editions Quae. 259 p. https://prodinra.inra.fr/record/432836 Articles dans revues Hasnaoui Amri, N. (2019). La ville comme moteur de recompositions viticoles. Réflexions à partir du cas montpelliérain. Revue POUR, GREP. 2019, sous presse. Hasnaoui Amri, N. (2019 – soumis). A go-between research to advance small-scale farmers’participation to the agroecological food policy of Montpellier, France. Presented at AAG Annual Meeting, New Orleans, Louisiana, USA. April 10-14. Submitted on July 2018 to the journal “Action Research” (SAGE journals). Hasnaoui Amri, N., Etienne, L., Soulard, C.-T. (2010 – soumis). The diversity of farmers’ practices and relations facing urban demands: a case study in Montpellier (France). Presented at 13th European IFSA Symposium, Chania, GRC (2018-07-01/05). Submitted on June 2018 to “The Journal of Agricultural Education and Extension” (Taylor & Francis, Wageningen University). Actes de colloques Perrin, C., Soulard, C.-T., Baysse-Lainé, A., Hasnaoui Amri, N. (2018). L’essor d’initiatives agricoles et alimentaires dans les villes françaises : mouvement marginal ou transition en cours ?. In: Nacima Baron, Joan Romero, dir., Cultura territorial e innovación social. Hacia un nuevo modelo metropolitano en Europa del Sur? (p. 387-403). Desarrollo Territorial. Serie Estudios y Documentos, 26. València, ESP : Publicaciones de la Universitat de València . 518 p. https://prodinra.inra.fr/record/433987 Hasnaoui Amri, N. (2016). La participation des agriculteurs à la politique agroécologique et alimentaire de la métropole de Montpellier. Une approche socio-géographique. Presented at 10èmes Journées de Recherches en Sciences Sociales, Paris, FR (2016-12-08/09). Soulard, C.T., Hasnaoui Amri, N. et Scheromm, P. (2016, sous presse). Peut-on parler d’une renaissance de l’agriculture par la ville ?Communication lors des Journées rurales 2016. Université Toulouse Jean Jaurès.(A paraître, 2019). |
CV de l’auteur/e | http://www.alimenterres.fr/wakka.php?wiki=NabilHasnaouiAmri |