De nombreux objets et espaces urbains situés dans les métropoles deviennent des actifs financiers. Bureaux, centres commerciaux, résidences étudiantes, grands équipements sont acquis par des fonds d’investissement et des sociétés cotées qui capitalisent sur les flux de revenus futurs générés par l’usage de ces bâtiments par des entreprises et des habitants. Le redéveloppement urbain à travers l’aménagement de quartiers mixtes se retrouve, par l’entremise des circuits de financement des marchés immobiliers, branché sur les marchés financiers. La thèse se propose d’analyser cette financiarisation du capitalisme urbain à partir de l’articulation des politiques des gouvernements urbains et des stratégies financières des gestionnaires d’actifs immobiliers. Les rapports de pouvoir entre ces deux acteurs et leurs effets socio-spatiaux et matériels sont interrogés à partir d’une comparaison de deux grands projets d’aménagements situés dans le Grand Paris et le Grand Lyon. C’est dans cette perspective que l’enquête porte sur les projets opérationnels, mais aussi sur les salons immobiliers où ils sont présentés, et les stratégies métropolitaines. La recherche montre qu’en dépit d’orientations politiques différentes, la construction d’immobilier tertiaire standardisé, polarisé, et réservé à quelques grandes entreprises conditionne le redéveloppement urbain dans les deux cas. Ces conditions correspondent aux standards d’investissement sélectifs des gestionnaires d’actifs, que les conseils en immobiliers et les promoteurs relayent auprès des gouvernements urbains. Elles résultent de processus dont la conflictualité varie en fonction des agendas locaux. Après d’intenses négociations menées par les promoteurs, la municipalité de Saint-Ouen a renoncé à certains principes structurants du projet des Docks. L’aménagement du Carré de Soie s’est au contraire traduit par un consensus entre promoteurs et le Grand Lyon autour de la réalisation d’un pôle tertiaire. Deux configurations locales sont avancées pour interpréter ce résultat comparatif propice à la financiarisation. La faiblesse de la régulation de la production de bureaux à l’échelle de la métropole parisienne conduit à des négociations localisées au sein du projet, où les objectifs municipaux sont contraints par la hiérarchisation des priorités politiques, les modalités de financement de l’aménagement et la matérialité du foncier. Dans la métropole lyonnaise, l’institutionnalisation d’une politique de l’offre immobilière portée par l’exécutif et les services de développement économique du Grand Lyon organise la circulation des standards d’investissement à l’échelle de l’agglomération et renforce leur poids sur l’aménagement. À partir de ces résultats, la thèse propose une lecture d’économie politique urbaine de la financiarisation de l’environnement urbain alternative à la théorie marxienne, en insistant sur le rôle des gestionnaires d’actifs et soulignant ses médiations. Elle contribue aux théories du pouvoir urbain en montrant le poids limité des agendas locaux sur les effets sélectifs de la financiarisation, et en discutant la formation, à certaines conditions, d’une coalition de croissance financiarisée.
Thèse : accès en ligne
Université |
Paris Est |
Discipline |
Aménagement de l’espace, Urbanisme |
Date soutenance |
20-06-2017 |
Directeur de thèse |
Christian Lefèvre |
Articles/WP liés à la thèse |
|