Les nouvelles fabriques de la ville : objets, référentiels et méthodes [G. Baudelle & G. Gaultier (dir)]

par | 11 Sep 2018 | Lectures-Ouvrages | 0 commentaires

L’ensemble de textes rassemblés dans cet ouvrage sont des résumés synthétiques (5 pages environ) d’interventions (17 au total) présentées lors des Rencontres Internationales en Urbanisme -APERAU- de 2015.

En introduction, il est rappelé combien la « Fabrique de la ville  reste une boîte moire mystérieuse ». L’ouvrage s’articule autour de trois axes comme l’indique le sous-titre (« Objets/ référentiels et méthode »). Des entrées thématiques hétéroclites – ce que G. Baudelle & G. Gaultier nomment des objets volatiles non identifiés (déchets/ friches/ personnes âgées/ les acteurs scientifiques etc.) ne doivent pas masquer des réflexions transversales sur l’importance de la prise en compte des temporalités, de la planification et de l’accessibilité.

Les chapitres promènent le lecteur du Chili à Alger, du Québec au Bronx, d’Albi à Rennes ou Montpellier. Ces perspectives autorisent le questionnement du cas de la France au regard des pratiques anglaises (C. Demazières) et Wallone (Y. Hanin) ou même Argentine (B. Augé et alii). Revaloriser la place des espaces économiques et des parcs technologiques dans la fabrique de la ville évite la focalisation sur la production de logement : P. Lejoux  pointe un « objet urbanistique invisible » que sont les zones d’activité perçues comme antinomique de la ville ; tout aussi discrets, les acteurs scientifiques (Ecoles des Mines par exemple) qui ont fait les villes moyennes d’Albi et d’Alès, puisent leur force dans l’histoire industrielle amorçant ainsi leur transition vers la ville post-industrielle (J. Tallec).

Par petites touches, les contributions posent les jalons de la ville en mouvement dans des domaines émergents aux analyses stimulantes; pour exemple, P. Dehan (« Adapter les approches urbanistiques aux nouveaux paradigmes urbaines : une métaphore arboricole ») propose quatre nouveaux paradigmes urbains métaphoriques (la ville « fanée », la ville « mature », la ville « baobab » et la ville « chiendent »). Il montre comment la ville durable est une terminologie ou un concept restreint puisque adaptée seulement aux villes dites « matures » (soit les villes occidentales).

Pour les autres modèles, il énonce d’autres possibles que les écoquartiers/ smart grids ou cities. Élargir la recherche sur l’urbain au-delà de ce seul paradigme incite à  trouver d’autres termes mieux en adéquation avec chaque problématique urbaine : ainsi pourquoi ne pas réfléchir à des éco-favelas pour la ville chiendent, à des éco-villes fantômes pour celles qui se « fanent » ou encore à des éco-métapoles pour celles qui débordent (baobab). La métaphore permet alors à l’auteur de casser le référentiel dominant en matière de ville durable en reconnaissant la diversité des trajectoires urbaines dans le monde, auxquelles on ne pourra prescrire les mêmes ordonnances.

Enfin, la place des habitants dans la fabrique de la ville (Bertoni A., A. Delage, E. Roy) est abordée frontalement dans l’exemple nord-américain où les habitants du Bronx, pugnaces, regroupés autour des organisations communautaires, ont évité les phénomènes d’éviction, ce que l’auteur (A.Delage) qualifie de communityfication (soit la requalification d’un espace urbain dégradé au profit non de la gentry allochtone – bourgeoisie- mais de la community, – société locale-).

Pour aller plus loin encore, lire quelques réserves sur les vertus supposées et les limites de la mixité sociale « comme référentiel de la ville inclusive » (R. Morin & H.Bélanger) procure un certain soulagement lorsque les auteurs exhument Chamborédon & Lemaire, pour le coup moins datés qu’il n’y parait (Article ayant fait date en 1970 pour avoir étudié sur les trajectoires résidentielles dans les grands ensembles en France). Il en va de même de la démystification du modèle supposé de maitrise de l’urbanisation menée à Montpellier. Les auteurs (W. Hayet & A. Brun) suggèrent une lecture critique des choix « rétrospectivement discutables » privilégiant la résidentialisation et l’accueil de nouveaux habitants. Sans forcément adopter chacune des thèses argumentées, reconnaissons qu’elles poussent à penser autrement les futurs urbains, la place de l’urbaniste, le projet urbain et l’adéquation entre formation disciplinaire et professionnelle (G. Baudelle & G. Gaultier).

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